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LA TRAVERSÉE DU TEMPS –

23 Déc

Mamoru Hosoda a d’abord participé à des séries renommées de la japanim comme Dragon Ball Z ou Sailor Moon. Il a réalisé les deux adaptations de Digimon puis la sixième transposition au cinéma de One Piece. Fort de cette expérience, il prend des distances avec ses collaborateurs habituels et va réaliser trois films à succès avec le soutien de Madhouse : La Traversée du temps, Summer Wars puis Les Enfants Loups, Ame et Yuki.

Toki wo kakeru shōjo est l’un des films d’animation japonais récents les plus surévalués. Ses qualités visuelles sont imparables et un vaste travail a été effectué sur le son. Ce bidouillage n’est pas heureux. Avec des atouts inouis à bord, ce film est un naufrage, la faute à une direction aussi propre et carrée qu’étrangère à la moindre inspiration. L’OST pourtant excellente est rendue désagréable ou risible selon les moments à cause d’une gestion criarde. Mais comme la volonté est à la sobriété, le spectacle parvient à agresser sans toutefois rien avoir donné.

Pendant un long moment l’adaptation est de mise, notamment en raison des vertus d’un tel postulat. La Traversée du temps est le prolongement d’une nouvelle populaire au Japon (de la SF jeunesse par Yasutaka Tsuitsui), où une femme vit une expérience hors-du-commun. Ici, sa nièce connaît la même aventure : évitant un accident mortel, elle découvre le pouvoir de remonter le temps, via des sauts en arrière au propre comme au figuré. Le scénario n’est malheureusement pas à la hauteur et il faut admettre finalement le gâchis, tandis que les vices ancrés dès le départ apparaissent inamovibles. C’est logique puisque dans La Traversée du temps, rien n’est transformé.

Le niveau de niaiserie du personnage principal, son manque d’ampleur et de maturité, largement excusable a-priori, devient le boulet d’un film sans saveur. Elle galvaude totalement son pouvoir et Hosoda ne se permet à peu près rien : c’est l’anti Paprika. Même sur les possibilités les plus passe-partout, le spectacle est un raté total. On s’englue dans le mélo sans lendemain, on tatonne au sein d’un climat insouciant et stérile. La narration est aussi creuse que l’héroine. C’est comme si Bridget Jones venait saper Un jour sans fin avec ses élucubrations, en étant toutefois ni drôle ni tourmentée et avec le malheur d’être en mesure de dominer son environnement. Aussi lorsque Makoto Konno pleure, on peut enfin souffler : finalement voilà quelque chose de distinct, de cohérent et entier. On pourra se marrer éventuellement.

La voix attribuée à l’héroine dans la VF achève, mais n’est qu’une outrance sur-aigue de plus dans l’ambiance sonore. Il faudrait donc recommander de le voir sans VF ; mais à quoi bon le recommander, tout simplement ? Non que ce soit une purge. C’est une chose insignifiante, pas mal-aimable, étouffante. L’héroine, l’intrigue, le rythme : sont épuisants, sentimentaux, incapables d’anticipation, sans aucun chemin. Il n’y a rien choses dans ce film qui ne se trouve en mieux ailleurs et à portée de mains.

Note globale 39

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions…  Le Vent se Lève 

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SEANCES EXPRESS n°32

30 Déc

> Jin-Roh, la Brigade des Loups*** (71) anime Japonais

> The Burrowers** (61) western USA

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JIN-ROH, LA BRIGADE DES LOUPS ***

3sur5  À la manière de L’Étrange Noël de Mr Jack ou plus ostensiblement encore de Poltergeist, Jin-roh est d’abord un mystère en ce qu’on ignore s’il appartient d’abord à son réalisateur ou s’il ne nous en reste que la vision de son illustre superviseur. Le scénario tortueux d’Oshii est cependant si alambiqué qu’il gênera les nouveaux venus à son univers, fascinant et relativement accessible, mais dont les enjeux sont ici trop brumeux. En effet, l’histoire n’existe  »concrètement » que par les dialogues, au ton souvent politiques ; la mise en scène, elle, repose sur une animation fluide, traversée d’éclairs de génie méditatif et bardée d’abondantes symboliques.

Jin-roh est une uchronie, c’est-à-dire un film refaisant l’Histoire : une sorte de film d’anticipation-rétrospective, en somme. C’est surtout le mythe du Petit Chaperon Rouge [la référence est appuyée] s’invitant dans un Japon d’après-guerre en proie à la crise sociale, entre chaos urbain et spectre totalitaire. Parabole de l’asservissement de l’Homme par ses tentations fascistes, le film évoque la redécouverte de ses émotions d’un membre d’une unité armée, suite à une besogne qu’il n’a pas accomplie. Le conte invoque ainsi les sentiments du loup, son humanité refoulée, au milieu d’un univers austère contrôlé par ses camarades Panzers, les machines à tuer.

Ce décalage, comme celui du traitement très réaliste de faits pourtant fictifs [et de surcroît dans un film d’animation], nourrit toute la poésie de cet anime particulièrement adulte et cérébral à l’excès. Le trait est néanmoins pessimiste, jusque dans l’évocation du combat pour la liberté : la reconnaissance de son être au-delà d’un statut civique assujettissant est une problématique résolue avec un désenchantement certain.

Le film est à peine plus limpide dans sa forme que dans son fond ; cohérent, il l’est pourtant, mais toujours nappé d’une part sinon de mystère, au moins d’ambiguïté. La représentation du Japon des 50’s est à cette image ; à la fois inscrite dans la veine esthétique d’Oshii [d’abord imaginé comme support d’une série, le concept est tiré d’un vieil avatar de son imagerie, les soldats Kerberos] et dernière référence de l’anime traditionnel confectionné à partir de cellulos, tout en possédant une identité visuelle l’isolant tout à fait. L’aspect technique et visuel a toutes les chances de faire basculer les indécis dans le camp des conquis : plutôt qu’animateurs perfectionnistes, ce sont des orfèvres qui se sont attelés sur ce Jin-roh. Ce graphisme expressif et cabalistique ouvre à la richesse du film, maintenant de cette façon l’hermétisme ambiant à une distance honorable. Sitôt que notre vague sentiment de perplexité est évacué par la délicatesse, le soin et l’intégrité de l’ensemble, ne compte plus que le magnétisme global.

Note globale 71

Interface Cinemagora

Voir le film sur Dailymotion (VOSTF)

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THE BURROWERS **

3sur5  Juste sur le plan formel, The Burrowers a tous les atouts, et même plus qu’on en demande, pour être promu en salles. Surtout que seule sa méprisable exploitation commerciale rappelle ce film plein de charme à son statut de série B. Photo impeccable, jolis effets de style, privilège à l’atmosphère : c’est au moins l’œuvre d’un habile technicien et metteur en scène assumant parfaitement le manque de moyens à peine latent.

Mais si le film a pu inquiéter les annonceurs, c’est qu’il fonctionne sur la fusion improbable de deux genres que peu ont songés à concilier jusqu’ici : le western et l’horrifique. En téléportant ses monstres [même pas cheaps] dans un contexte inhabituel, J.T.Petty risque de faire parler de lui chez les amateurs d’ingrédients Z, à coup sûr comblés de les voir enfin s’offrir un digne traitement de catégorie A.

Sauf que c’est justement lorsque les  »enfouisseurs » du titre apparaissent que le film s’essouffle, sa dernière partie sacrifiant la mince parcelle de mystère mais du même coup la réelle tension qui imbibait le métrage. Qu’importe, puisque ces créatures issues de la mythologie des autochtones américains n’auront jamais été la fin en soi de ce film à la trame relativement simple, assez économe en terme d’esbroufes, mais férocement ambitieuse. Les personnages sont très finement écrits, suscitant chacun l’empathie, même ceux qu’il était si facile de parodier ou livrer en pâture [Henry Victor, personnage censément veule, répugnant et détestable] : preuve, s’il en faut, qu’on est à mille-lieux du tout-venant de la production fantastico-horrifique US. En filigrane, mais sans chercher à discourir, un plan d’ensemble sur la haine  »valide » d’une époque et l’asservissement des Indiens. Une réussite globale et, à quelques infimes lourdeurs près, un souffle de fraîcheur.

Note globale 61

Page AlloCine & IMDB

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Séances Express : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20

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LE MYSTÈRE DES PINGOUINS ***

16 Août

4sur5 Ce film d’animation s’intéresse au développement de l’enfant sans le ramener compulsivement aux adultes et aux normes. Ou du moins il s’en donne les moyens en se concentrant sur un protagoniste plus doué et pressé que ses camarades, encore sous influence des représentations niaises mais déjà peu impressionnable. Ce gamin à l’esprit scientifique, ambitieux, arrogant et droit montre du sang-froid face aux épreuves et de la gêne devant la révélation de ses envies et petites faiblesses. Victimisé par une brute, il saura la duper et garde son répondant en toutes circonstances. Son intelligence et sa curiosité sont encouragées ou du moins pas refrénées.

Tout dans ce caractère est valorisant et juste pour les enfants. On s’inscrit dans le culte du ‘petit génie’ à l’heure de la valeur refuge et narcissique du ‘surdoué’ (le fruit faux et normal du malaise quand règne la foi dans la compétition), mais le film évite de se fourvoyer en incitant à l’empathie avec la personne plutôt qu’avec son ego. Son copain est un froussard et son entourage n’est pas brillant mais rien ni personne n’est rabaissé, aucune justification émotionnelle ou biographique tortueuse n’entre en compte pour le flatter. Il sert plutôt de modèle, humain donc animé, limité mais déterminé, d’autant plus méritoire.

Le film prend son jeune cœur de cible au sérieux et élève le niveau du scénario et des sentiments, à mille lieux des gros tirages américains du moment, de leurs gags et de leurs connivences vaseuses. Sans être renversant pour les adultes, notamment ceux qui auront grandi devant les Miyazaki, il sait aussi leur parler et potentiellement les divertir. Il peut être rapproché et favorablement comparé aux œuvres d’Hosoda (plus directement percutantes et tire-larmes).

L’animation numérique est posée et ravissante, riche en détails, le dessin exploite toutes sortes de nuances de bleu (du vert au violet jusque dans les yeux), le style est enveloppant, aérien tout en restant matérialiste. Un court passage dans une ville fantôme de type méditerranéen évoque la peinture symboliste et surréaliste (la référence pour une fois n’est pas galvaudée). Seule fausse note : les sons d’ambiance sont décents mais la musique atrocement aiguë et le tout bien lisse (aussi, « jeune homme » devient lassant la 20e fois en VF).

L’explication du mystère ouvre à d’autres totalement laissés de côté à ce stade. L’enquête occupe l’ensemble de la séance et les découvertes sont relativement cohérentes ou indépendantes ; les réponses sont a-priori valides mais un peu alambiquées, car les buts demeurent obscurs. Il y a là-dessous des motivations plus poétiques et intimes – comme si la part ‘rationnelle’ devait conduire à cet essentiel. Le film apparaît alors définitivement comme un rêve d’enfance issu d’une époque d’éveil décisif et enrobé par une fantaisie bien défendue. On flirte avec la science-fiction or c’est bien Un été 42 pour enfants qui s’est joué (avec pour climax la sorte de dépucelage accompagnant la révélation concernant les canettes).

Note globale 72

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Le Blob + The Stuff + Piano Forest + Le garçon et la bête + Solaris + Les maîtres du temps

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THE SKY CRAWLERS **

13 Fév

3sur5 Adaptation par Oshii (l’homme d’Avalon et de Ghost in the Shell) d’un seinen de Hiroshi Mori, centré sur l’existence ambiguë d’un jeune pilote. Dans un futur apparemment proche et délivré des conflits, Yuichi Kanmani est affecté à une nouvelle zone. Il n’a pas de souvenirs et de motivations que celles de sa vocation artificielle. Il fait partie des kildrens, ces jeunes soldats qui suite à leurs engagements cessent de grandir, quoique l’ordre soit incertain dans le regard offert au spectateur.

Le film est d’une lenteur radicale, avec les écueils fréquents et les compensations du ‘contemplatif’. Les démonstrations dans le ciel, avec ou sans simulations de batailles, offrent les moments les plus enchanteurs et ludiques. Les modèles sont inspirés de prototypes japonais réalisés pendant la seconde guerre mondiale, la base est sous influence européenne. Plusieurs séquences hors des bureaux et des repères quotidiens flattent l’œil, l’ensemble est mis en scène avec soin : prises de vue, panoramiques, éclairages raffinés, profondeur du dessin. Mais la balade manque de substance ; trop de secrets ou de non-dits appuyés. Les thèmes sont forts, l’environnement sous-employé, la cohérence respectée.

Fidèle à son sujet, Sky Crawlers est répétitif et plongé dans une expectative gommée. La trajectoire du protagoniste est emblématique d’une absurdité collective. L’état de Kanmani reflète un évanouissement global, contre-coup du dépassement des conflits. L’Humanité s’est maîtrisée en sacrifiant le sens de l’Histoire et les souvenirs de ses petits prodiges avec ; c’est le temps où les héros ne voient et ne savent plus rien, sont dépossédés, inaptes au martyr, incapables de savourer la sérénité dans laquelle ils sont insérés. La vie éternelle devrait multiplier les risques ; alors on entre dans une boîte très étroite. Les badauds viendront admirer la situation. Le spectateur a le droit aux coulisses, avec son luxe compartimenté, ses divertissements fades.

Note globale 62

Page Allocine & IMDB   + Zoga sur SC

Suggestions… Appleseed + Fourmiz + Blood the last vampire + Jin-Roh + Memories

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (4), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

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PERFECT BLUE =+

25 Mar

perfect blue

Premier long-métrage d’un génie de la japanim, mort avant d’élever sa notoriété au niveau de Miyazaki ou Takahata, Perfect Blue est une démonstration remarquable mais aussi un spectacle intensément frustrant. La découverte d’un style neuf et une intelligence roublarde font de ce film une référence classique de l’animation japonaise mais un parfum d’escroquerie flambante reste. Inspirant considérablement Black Swan de Arronofksy, Perfect Blue renvoie lui-même à des références très fortes : De Palma et surtout David Lynch.

Satoshi Kon crée une atmosphère lynchéenne, casse les repères, instaure une ambiguité avec la réalité, d’autant mieux cultivée que l’héroine doit créer un rapport à son nouveau milieu (une chanteuse passant au cinéma). La dépersonnalisation connue par l’héroine sert cette démarche tout en donnant à ressentir la condition d’idole, la puissance acquise par son image, la perte de soi et les menaces de cette exposition. Satoshi Kon se réfère à cette catégorie comme à une institution impersonnelle et durable, ce que ses figurants ne sont pas.

Audacieux en apparence, l’édifice est fragile et l’originalité chiquée. Le film s’appuie sur des images sensationnelles, parfois brillantes, mais vides ; tisse son histoire sur des clichés culturels, mais aligne de jolis motifs en faisant de la schizophrénie latente une méthode de mise en abyme. Néanmoins les ficelles sont trop volumineuses et l’agacement règne, même si une tension très esthétique maintient l’intérêt en toutes circonstances. À ce moment-là, cet ambitieux bricolage ne fait pas seulement la synthèse de Lynch, il se rapproche (et sans doute se nourrit) fortement du De Palma le plus théorique et clinquant.

Les références sont spécifiquement Body Double et Dressed to Kill. Même aspiration au calcul virtuose, au film de malin étourdissant et implacable ; même propension kitsch malgré une prodigieuse élégance, ou au moins une tension vers elle. Perfect Blue n’a pas leur grâce et son intelligence apparaît du coup plus frelatée, le tour de magie plus grossier. À la place, Perfect Blue est plutôt le Machinist de la japanim : un délicieux objet laqué, puissamment stylé, doté d’un certain pouvoir d’envoûtement, si creux malheureusement, si pâle fondamentalement tant il investi des sentiers éculés comme un fantôme arrogant aux parures luxueuses.

Les autres réalisations de Satoshi Kon seront généralement plus convaincantes que cette œuvre-clé là. Le Satoshi Kon expérimental et conceptuel a toujours été plus pesant et Millenium Actress, malgré son initiative lumineuse, sera assez pénible tout en suscitant le respect. Au contraire, Tokyo Godfathers, simple chronique avec des marginaux est un spectacle grisant et émouvant, un film de Noël exceptionnel. Puis Paprika sera le chef-d’oeuvre, où la dialectique sert la profusion et non la supercherie virtuose. La mort prématurée de Kon en 2010 est tragique car elle coupe dans son élan ce qui s’annonçait, dès ce Perfect Blue adulte et introspectif quelque soit ses défauts, comme un nouveau maître de l’animation, tout court.

Note globale 62

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

Note relevée de 60 à 62 suite à la suppression des notes en -0.

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