Tag Archives: John Carpenter

ASSAUT +

26 Avr

Assaut, c’est l’action autrement : une proposition radicale pour un genre dont la caractérisation est souvent bâclée, réduite à une essence simpliste, qu’une majorité de ses productions honore. Second film de Carpenter après Dark Star, Assaut sera lui aussi un échec en salles, mais il interpelle les cinéphiles et est acclamé par la critique de l’époque. Carpenter espérait tourner un western dans la lignée de El Dorado mais en raison de son budget nain, il se tourne vers la relecture d’un autre film de Howard Hawks qu’il admire : Rio Bravo.

Toute la virtuosité, la gravité sublime mais inquiétante qu’on retrouvera dans Halloween est dans Assaut. Carpenter y opère une approche de l’action à la fois concrète car aride, brutale ; et carrément abstraite. L’ange d’attaque de Carpenter est quasiment mathématique, ce qui donne à son film un côté éthéré et très puissant à la fois. Les forces antagonistes n’ont pas de motifs grossiers comme souvent dans le cinéma d’exploitation : elles n’en ont aucune. Elles sont anonymes et omniprésentes. Ces menaces déshumanisées, lorgnant vers le surnaturel, deviendront une signature du style Carpenter, mieux exprimées que jamais dans Prince des Ténèbres et dans Fog, où cette fois la dimension magique sera assumée explicitement.

La sécheresse de Assaut heurte et contrariera les amateurs d’action plus hystérique et conventionnelle. La violence y est somme toute peu présente en volume, les effets sont minimalistes quand ils existent. Le talent de Carpenter est justement dans cette mobilisation implacable de tous les éléments du décors, dans cette contemplation du Mal hégémonique aussi. Le rythme est lent mais il n’y a jamais ni creux ni boursouflure. Comme dans Halloween, la ville semble gagnée par des forces patientes et impitoyables, s’installant tranquillement dans un espace toujours plus vide et vulnérable.

 

 

Sec, tendu, mais pas toujours intense, Assaut grave des images fortes dans l’esprit et laisse songeur. À l’image de sa BO, l’ensemble de ses propriétés sont à la fois décalées, un peu rigides et pourtant percutantes. Son absence totale d’exubérance semble une audace et une aberration, mais son style exerce un envoûtement indéfinissable, que les flash conservés en mémoire confirment. Comme Rio Bravo auquel il se réfère, Assaut est un film de genre contre-nature, ne donnant pas vraiment ce qu’on en attend. Contrairement à Rio Bravo cependant, Assaut n’est pas dans le bavardage et surtout il a une qualité que le classique d’Hawks n’a pas : le courage.

Ces clin-d’oeils aux prédécesseurs (dans le western – La Nuit des morts-vivants est plus un cousin de fait qu’une source d’inspiration) peuvent être l’objet d’une incompréhension. Le « Gotta’s smoke » de Wilson est une espèce de running gag pas forcément évident. C’est une référence de plus aux westerns traditionnels, mais celle-ci ne gagne pas à être explicite car son insistance enferme le film dans la ringardise bien plus sûrement que les canons esthétiques des seventies. L’humour à froid de Carpenter peut aussi décontenancer et certaines saillies du film, notamment avec le flic noir, volent bas.

Assaut a fait l’objet d’un remake avec Assaut sur le central 13 (2005) et Nid de guêpes (2002) en est plus qu’un hommage, un véritable reboot. Ce film étonnant mérite d’être remastérisé et est desservi par les copies exécrables distribuées.

Note globale 74

 

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DARK STAR **

16 Juil

dark star

2sur5  L‘intérêt principal de Dark Star, c’est d’être le premier film de John Carpenter, réalisateur de The Thing, Halloween, L’Antre de la Folie ou encore Christine. Il s’agit d’un film de fin d’études, tourné en 1974 alors que Carpenter a 25 ans. Il devait d’abord durer quarante minutes, puis a été allongé au double grâce à la contribution d’un contributeur, amenant le budget à hauteur de 60.000 $. Le contexte est un pot-pourri de la SF éprouvée, empruntant modestement aux produits du passé sans forcément s’approcher de quoi que ce soit.

Sans doute drôle, ennuyeux certainement, Dark Star est un film quasi Z, cheap à mort, à la mise en scène sans génie particulier, donnant dans la surenchère que ses moyens et une fibre trollesque permettent. L’ensemble est proche du gag agrémenté de réflexions philosophiques sans jugement : profondes, sincères, chiquées, peu importe pour le cinéaste. La première demie-heure est juste soporifique, jusqu’à l’entrée du ballon extraterrestre (28e minute). Il y aura de bons moments, comme celui de l’ascenseur (mais s’étalant bien trop) ou le détournement de Figaro (45e).

Malheureusement l’espèce de coccinelle croisée Blob disparaît rapidement et la balade dans l’Espace vire encore aux flottements hagards, jusqu’à ce final avec le glaçon. Ce fut du branque de grande ampleur, qualifié plus tard d’En attendant Godot dans l’Espace par son réalisateur. Ce machin pittoresque était sans doute amusant à concevoir, pour l’écriture comme le tournage, mais c’est d’un faible intérêt sinon. Il y a les prémisses d’Alien dans le scénario et c’est normal puisque Dan O’Bannon réalise lui aussi sa première contribution sur un film.

Mais les idées sont courtes et Carpenter aura tourné son nanar, avec des acteurs interchangeables, ses potes sans doute. Le temps du sérieux viendra rapidement puisque Assaut, c’est dans deux ans, Halloween, dans quatre. Nanar, soit, mais là il n’y a aucune signature, presque rien n’identifie Carpenter. Avec Les aventures d’un homme invisible, cela demeure le boulet (voir hors-piste) total de la carrière de Big John. Il a circulé dans les festivals en 1976 (donc tardivement), est sorti en France en 1980 (moment de Fog) grâce aux premiers succès de Carpenter et est finalement sorti en vidéo en 2014.

Note globale 52

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BODY BAGS / PETITS CAUCHEMARS AVANT LA NUIT **

28 Juin

body bags

3sur5   Body Bags aka Petits cauchemars avant la nuit est un film à sketches horrifique très sympathique, sans grandes surprises, s’inscrivant dans une tradition de produits du genre autour de 1990 et des Contes de la Crypte. John Carpenter et Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse) se partagent les tâches, Carpenter signant les deux premiers segments et jouant le rôle du narrateur dans les transitions. Ces séquences souscrivent à l’humour macabre et légèrement transgressif de rigueur, sur un ton moins gamin qu’ailleurs. Même chose en plus accentué pour le film lui-même, parfois d’un réalisme très cru dans les premier et troisième segments, le second étant plus fantaisiste.

La Station Service (The Gas Station) ne se démarque pas par son scénario, commun et peu relevé, mais la mise en scène de Carpenter est excellente. Cette approche de l’action, cette gestion du son et de la tension, cette façon de conquérir l’espace ou explorer des lieux (péri-urbains) au vide incertain, tout ce formalisme génial pourrait booster n’importe quel nanar. Déjà dans son premier téléfilm (Meurtre au 43e étage), Carpenter en faisait preuve. Le spectacle n’est pas brillant mais la présence d’un maître se ressent. À noter deux cameo importants, ceux des cinéastes Craven (Les Griffes de la Nuit, Scream) et Raimi (Evil Dead).

Les cheveux du Dr Miracle (Hair) traite d’un problème de calvitie réglée par un mauvais sort. Avec sa BO renvoyant à Twin Peaks, ce second segment est un petit drame pittoresque dans une atmosphère de faux soap. Très classique dans l’épouvante désuète de l’époque, c’est une réussite modeste, dont Carpenter a le curieux mérite de faire un feel-good movie réduit. Enfin Oeil pour œil (Eye) raconte les visions horribles d’un homme suite à une greffe d’œil. C’est au tour de Hooper et contrairement à ses habitudes d’alors, il opte pour une approche glaciale. Son film est adulte, désespéré et peu imaginatif.

Réalisé pour Showtime, Body Bags n’est pas en mesure de passer à la postérité ni de se distinguer dans le lot des films à sketches de son genre et de son temps. Les deux cinéastes y font de bonnes contributions mais leurs créations manquent d’épaisseur, d’originalité et d’images fortes. C’est en revanche un divertissement opérationnel qui séduira le public coutumier de ces délires-là.

Note globale 58

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LOS ANGELES 2013 ***

25 Avr

los angeles 2013

4sur5  Quinze ans après New York 1997, cette suite le surpasse par sa radicalité. Si New York 1997 était un film d’anticipation très inventif et plein de caractère, Los Angeles 2013 est un brûlot d’une fureur adolescente mais réfléchi et un action-movie à la mélancolie virile. Il reprend le postulat de son prédécesseur et radicalise les options, en présentant accessoirement un pouvoir ayant repris la main et jouissant des moyens technologiques avancés. En 2013, le contrôle de la population est rendu possible. Désormais c’est la grande prison est Los Angeles. Détachée du continent, elle est devenue le quartier où sont réunies les personnes incompatibles avec l’Amérique morale nouvellement instaurée.

Intelligent mais grossier, captivant et tapageur, Los Angeles 2013 laisse dans une situation inconfortable. Il y a des raisons d’y voir un spectacle pour buveurs de bière se prenant pour des conquistadors : Los Angeles 2013 est accessible à l’amateur de film d’action puissant et au dernier des abrutis, délivrant la marchandise avec force et étayant un implacable trip badass. Mais de la même manière que Ghosts of Mars sera un nanar flamboyant sentant le fuck amer, Los Angeles 2013 est une déclaration d’hostilité brutale et virtuose au monde contemporain. Carpenter, Russell et Debra Hill anticipent le tournant répressif et le règne idéologique et politique du néoconservatisme US tel qu’il se déploie à l’échelle mondiale après les attentats du World Trade Center (11 septembre 2001).

Los Angeles s’illustre par cette mise en exergue d’un fascisme réel et propre à son temps et ceux qui viennent, sur lequel il vomit toute sa bile. Il n’y a pas de refuge pour autant et le monde entier est devenu une poubelle en plus d’être une prison. Ce monde n’a pas besoin des tyrans pour être sali. Les anars s’entre-déchirent, n’ont pas ou plus de destin, imitent le pouvoir central initialement hai et d’ailleurs toujours dénoncé, se confondent dans le chaos décérébré et se détruisent eux-mêmes. Au milieu des courses et des explosions, il y a le blues d’un anarchiste au milieu de ses congénères stupides ou vicieux, face à l’inéluctable triomphe de dominants planqués, avançant avec leur Bien frelaté. Tous utilisent le spectacle pour exercer leur emprise, comme dans They Live. Mais pour les anarcho-fascistes jouissant du chaos dans Los Angeles, cette emprise est directe, physique : la réalité est moche mais il y a un contact avec elle, une capacité à vivre vraiment et à épanouir son être, même à satisfaire ses fantaisies ou ses ambitions les plus rudes (Carjack Malone aka Hershé Las Palmas).

Au contraire l’emprise du nouveau pouvoir étatique est particulièrement intolérable parce qu’elle s’exerce jusque dans les choses du quotidien, les plaisirs ordinaires mais vitaux. L’Amérique de LA 2013 usurpe son nom de « terre de liberté » où il n’y a « pas de tabac, pas d’alcool, pas de drogues pas de femmes – sauf si on est marié » : il y a ce côté libertaire outragé un peu poussif a-priori, mais finalement fondé. De la même manière, accuser la religion comme mobile et grille de lecture des dominants (sociaux) est assez curieux vu d’Europe, mais recevable somme toute aux USA et dans la majorité des pays. Sous le règne des flics (moralistes) totalitaires, le 20e siècle devient une période idéalisée. D’ailleurs, le seul espoir serait de revenir à l’harmonie d’autrefois, où vivre libre et dans la solitude était possible. Un ordre naturel a cet avantage de vous laisser des horizons à explorer, un territoire à choisir, la capacité d’être sans se justifier : dans un ordre naturel votre intégrité s’épanouit et vous n’avez qu’a être fort, en vous-mêmes, non parce que vos moyens vous le permettent.

Comme New York 1997 il est authentiquement et pleinement anarchiste, le propos étant cette fois bien plus accompli encore, arrivé à un stade final. Los Angeles 2013 est libertaire et réactionnaire : ce monde est foutu, on le sauvera par la purge catégorique de tous les moyens technologiques élaborés depuis des siècles. Umanbomber pourrait être fier de Carpenter. Oui mais après, que fait-on ? On souffre tous et reconstruit le monde sur soi, sans se leurrer sur un ordre commun ? Probablement, c’est l’occasion de vivre en anarchiste enfin, dans un contexte l’étant aussi puisqu’il n’y a plus de société, plus d’aliénations, plus de confort aussi ni de progrès toxiques. Dans cinq ans Carpenter tirera sa révérence avec Ghosts of Mars. Sa fin de carrière est particulièrement nihiliste.

Note globale 76

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NEW YORK 1997 ***

14 Avr

new york 1997

4sur5  John Carpenter écrit New York 1997 en 1976 en s’inspirant du scandale de Watergate et de Un justicier dans la ville avec Charles Bronson, en tout cas de sa représentation de New York. Le film sort en 1981, après Halloween et Fog et rencontrera un grand succès, commercial et critique. C’est l’un des premiers longs de Carpenter, au début d’une décennie dans laquelle il allait connaître son apogée. Le film se déroule dans un futur proche avec un contexte dystopique. Le pouvoir politique est mis en cause mais Carpenter montre également son délitement, égal à celui de la société. En 1997 donc, compte tenu de la multiplication par quatre du nombre de crimes aux USA, New York est devenue une prison détachée du continent. Le malfrat Snake Plissken y est envoyé pour retrouver le Président du pays, dont l’avion s’est écrasé sur le pénitencier. Il a 24 heures pour le ramener et sauver sa vie, puisqu’une injection a été pratiquée sur lui, avec un poison mortel programmé.

New York 1997 s’illustre par sa vision politique et son anarchisme conséquent, lucide sur lui-même et ses implications. Interprété par Kurt Russell, l’acteur fétiche de Carpenter, Snake Plissken est un voyou et ex-taulard forcé de travailler pour le pouvoir, contre les anarchistes : mais ceux-là ne sont pas forcément des amis. Il est l’anarchiste vrai, un individualiste badass et amer. S’il est contre le pouvoir, il n’est pas non plus le moteur d’initiatives collectives, il n’a pas de communautés et ne veut ni changer d’aliénation ni dominer à son tour. Dans le New York du futur du film donc, les compères anarchistes de Snake recréent leur monde, dans les bribes de l’ancien, pour fabriquer leurs féodalités : lui échappe à ce genre d’entreprises, même s’il baigne dans un milieu où il peut rôder à son aise. Il n’y a pas d’alternative : sinon tourner le dos, la marge est faible pour Plissken. Ainsi il peut faire une farce au Président à la fin, mais le ton n’en est alors pas moins dramatique, puisque c’est un coup pour rien, sans illusions. Il peut partir seul et jouir de son autosuffisance, sans cesser toutefois sa marche. C’est une vie de blasé absurde, mais en mouvement et ne cherchant rien que cette liberté, pas un quelconque salut.

Cette gigantesque projection dystopique est forte de son propos et de ses décors ambitieux. Carpenter pose un univers très inspirant dans le cinéma d’action et d’anticipation, avec sa jungle urbaine apocalyptique, dépourvue de sens et d’avenir, où triomphe une sauvagerie morose. Autour de la mission et du parfum de nihilisme, l’ensemble peut sembler un peu court : ce n’est pas timide, mais il y a une certaine limitation. Elle n’est pas relative aux moyens : Carpenter jouit d’un budget modeste mais décent (6 millions de $), brillamment employé. Et si la technologie du pouvoir peut sembler modeste par rapport à ce qu’un produit hollywoodien pur présenterait, c’est en cohérence avec la paupérisation généralisée et l’univers de chaos mis en scène. La légère frustration ressentie vient du ton de ce brûlot anarchiste, plus cynique que virulent, plus coriace qu’intense, transparent plutôt que profond.

Même s’il peut désorienter par son rythme, New York 1997 est un film magnétique et important esthétiquement. Il est difficile à situer : pour vulgariser, on pourrait dire (mais ce sera provocateur) que ça se place entre un Minority Report doté d’épaisseur, du Luc Besson motivé et un James Cameron en mode pugnace (celui-ci a participé à certains effets spéciaux). L’action dans NY 1997 est lente, très sèche, relevant presque d’une forme de contemplatif, sans allez vers le côté théorique (et mathématique) d’Assaut. Assez flamboyant, Los Angeles 2013 sera plus prompt à séduire les fans d’action bourrine. Cette suite sera un excellent écho, où le propos de Carpenter gagnera en culot et en originalité.

Note globale 71

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Suggestions… L’évadé d’Alcatraz + Aliens le retour + Le Cinquième Élément

Note ajustée de 71 à 72 suite aux modifications de la grille de notation.

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