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LES REVENANTS =+

19 Nov

Des milliers de récents décédés reviennent subitement à la vie. Ils sont proche de l’aphasie, quasi-mutiques, dorment pas ou peu. Ils appliquent des acquis et vieux réflexes avec langueur. Leur seule initiative est un rituel collectif nocturne et la faculté assortie – se déplacer. La société tâche de les ré-intégrer, doit trouver des postes adaptés pour les anciens actifs. Certains restent abandonnés dans les centres gérés par les décideurs politiques, à défaut d’entourage les réclamant. Cette donne extraordinaire est traitée avec recul et gravité, avec un travail important sur l’ambiance (et une musique des profondeurs). La mise en scène est froide, ambivalente entre rationalisme naïf et plongeon dans le mystère. Le phénomène est observé dans une ville française, bien que l’événement concerne le monde entier ; la séance centrée sur le cas de Jonathan Zaccai.

Globalement le film reste dans l’expectative. Il multiplie les questions, avance des hypothèses par le biais des divers experts ou des réunions en conseil municipal. Le monde extérieur à la commune semble oublié y compris pour l’avancée des investigations, sauf vers la fin via la radio. C’est que les vivants sont dépassés et leurs constats ne servent qu’à les morfondre, ce qu’ils s’efforcent d’éviter en relativisant, sans quoi ils seraient emportés par le trou noir qu’ils sentent déjà sur eux. Les hypothèses valent autant que les faits lorsqu’il s’agit d’éclairer la situation : il faut accepter l’incongruité en restant détachés. Il peut y avoir une foule d’informations à circuler que ça ne change rien, aussi le film montre l’essentiel. Les espoirs et enthousiasmes face à ce retour sont mitigés dès le départ, puis vite oubliés. Les morts revenus n’apporteront plus rien, que la lourdeur de leur présence vaine et absurde ; et cette équanimité insondable et effrayante.

C’est un bon film pour ce qu’il pose, ce qu’il ouvre et ce qu’il est ; mais un film avec beaucoup de limites – délibérément installées. Les Revenants pourrait simplement appartenir à une nouvelle branche du film de zombie – peu récupérable car trop floue et plombante. Ces revenants ressemblent à des passifs-agressifs radicaux, systématiques, absolutistes. Ils savent esquisser un sourire et se bloquent là-dessus, en terrassant insidieusement leur public désarmé par cette aura contre-nature, aberrante mais sûre d’elle-même. Ils laissent entrevoir une mission : ils pourraient être les ambassadeurs d’une faucheuse ‘ultime’ ou d’autre chose plus menaçant et inconnu à l’imaginaire traditionnel. L’attitude un peu excentrique du personnage interprété par Frédéric Pierrot semble tirer le film vers la surenchère poseuse, mais elle se défend aussi dans le sens où celui-ci pourrait être absorbé par son sujet d’étude (et si le film s’engage peu, il semble reconnaître que les revenants ‘déteignent’ sur les vivants). D’ailleurs la capacité qui le distingue, celle d’intellectualiser, est aussi inutile que ses mises en garde.

Cette remise en question de la mort par Les Revenants en précède d’autres aux styles éloignés : la série US Les 4400 fut tournée au moment où la sortie de ce film se préparait ; la série The Leftovers (2014) misera sur un postulat inverse (des vivants s’évaporent) et sur l’émotionnel à fond ; enfin et surtout la série éponyme de Canal+ (2014) est une adaptation, généralement mieux jugée que son modèle. Robin Campillo, monteur (L’Autre monde) et scénariste (Vers le Sud, Entre les murs), repassera derrière la caméra dix ans plus tard pour Eastern Boys, lui aussi ancré dans une réalité crue et paisible, pleine d’anecdotes vulgaires et familières.

Note globale 62

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Suggestions…

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (4), Ambition (3), Audace (4)Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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RAW MEAT / LE MÉTRO DE LA MORT =+

24 Juil

Derrière le titre barbaque se trouve un pseudo film d’horreur, un drame social et humain pathétique enrobé avec des tics de proto slasher et surtout de comédie douce-amère. [Le britannique] Raw Meat (Death Line pour les américains, Le Métro de la mort pour les français) est le premier long-métrage de Gary Sherman, qui enchaînera avec Dead & Buried puis Vice Squad, où il s’agira encore de passer des ‘frontières’ pour voir la démence et la perdition résolue : du premier au troisième s’opère une évolution de la fantaisie surnaturelle à la mesquinerie en action (Dead & Buried étant peut-être le plus apprécié et le plus éloquent à cause de cette position de passeur et de ‘trieur’).

Dans ce premier opus, la pudeur ou du moins des scrupules froids se substituent à la compassion, ce qui donne l’impression d’un film démissionnant mais seulement arrivé au bout du chemin crucial, en autorisant la contemplation, même en ne ratant pas une miette. Sur le plan horrifique, il s’en tient à une collection d’abjections, avec une poignée de déferlements hors-champ par la suite résolus ou relativisés ; ‘dédramatisés’ serait inadéquat car le vrai drame est celui des monstres, qu’on ne sonde pas et ne ‘vivra’ jamais en dépit des coups-d’œils insistants mais prudents. La construction donne l’impression d’une désinvolture mitigée, encadrée : les personnages se fréquentent, les investigations ne récoltent rien de décisif ; en marge on investi quelquefois le métro où c’est folklo – et folklo ‘autrement’ (comme le son de Will Malone en ouverture). Ce n’est qu’à la toute fin que toutes ces latences doivent trouver leur accomplissement en accéléré. Ce temps de la descente en métro suite à l’enlèvement se décompose en deux axes : la poursuite de l’otage et le semi-zombie s’activant avec sa lampe-torche en crachant « Je veux vivre » ; les quelques révélations concernant ce peuple des tréfonds et son histoire. La générosité du film trouve sans cesse des limites qui peuvent aider à constituer une ‘aura’ de mystère, mais ne remplisse pas ce dernier, surtout que le script se coltine de sévères angles morts et se fonde sur des pirouettes faiblement justifiées ; c’est probablement qu’ici on redoute (et donc confronte) plus, à raison, les dégâts de la corruption que l’emprise des mystères.

C’est bien le mélange des registres et son originalité qui font la saveur du film, pas son intensité. En premier lieu, ce fond de comédie, persistant même face à des scènes de cauchemar, jusqu’à ce que le filtre froid et organique finisse par réduire toute tension (un peu comme les Guinea Pig y parviennent, à force d’extrémités charriées dans la banalité et la platitude du réel). Les vieux enfermés dans leur fonction et en train de se gâter sont le fil conducteur comique. Cette tendance culmine lorsque Calhoun le psychorigide se fait poivrot ou sort de sa zone de confort (son bureau, ses ruminations et les moments où il est habilité à travailler l’autre). D’ailleurs Donald Pleasance (aussi acteur de théâtre, apparu dans une centaine de films, passé à la postérité via Halloween) est avec les ‘exploits’ visuels le principal intérêt. Dans la peau de cet inspecteur Calhoun, il est de ces types si blasés qu’il en oublient presque leurs plaintes fondamentales, s’accrochant à leur humeur et à leurs habitudes, tout en jetant des petits commentaires injurieux ou sans pitié. Il ne cesse de menacer ou ‘calmer’ à un quelconque degré. En gardant malgré tout une attitude inquisitrice naturelle, il fait penser à un reflet de l’inspecteur des impôts du Dîner de cons : lui a troqué le masque de bon camarade et les enthousiasmes médiocres avec une espèce d’aigreur hautaine, tranquille, un dépit assumé et finalement agréable (que c’est bon d’être bougon).

Plaisant et contenant un fatras valant le détour, Raw Meat est loin d’être passionnant ou très remuant, mais a un bon potentiel de fascination. D’après son rythme et les terrains où il s’épanouit le plus et le mieux, c’est d’abord une enquête policière lorgnant sans s’agiter vers la comédie. Finalement le reste paraît anodin, surtout bon à faire le lien avec les gadgets parfois impressionnants. Ainsi la première visite de l’arrière-monde sous le métro, avec ses cadavres et ses miasmes bizarres balayés lentement dans un souterrain incertain, fait penser à un négatif ‘placide’ (et ‘cru’, raw effectivement, même pour la musique) d’une dégringolade effroyable contenue dans La maison près du cimetière de Fulci. Du point de vue ‘entertainment’, le tort est de donner tout clés en mains, sans organiser de chasse aux trésors, en accordant peu d’importance à la gestion de l’attente et aux émotions. Le montage ‘flegmatise’ avec les vices et vertus inhérentes, multipliant les beaux plans songeurs face aux profondeurs. Toutefois le film arrive tôt par rapport aux outrages conséquents des 70s (il sort en 1972) et peut aussi s’apprécier comme chaînon manquant entre un cinéma feutré et pragmatique, dissipé par rapport à l’épouvante classique et ‘hors-réel’ mais conventionnel à-côté ; puis un autre à venir, embrassant sans réserve les libertés du bis et du ‘cinéma de genre’. Par ailleurs il ne démérite pas par rapport à ses successeurs indirects, ceux qui invitent l’Horreur dans le métro (Creep -2005, End of the Line, Kontroll d’Antal) ou aux premiers films de Del Toro manifestement sous le charme (Mimic).

Note globale 68

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Suggestions… Troll + Le Masque de la Mort Rouge + Street Law/1974 + Massacre à la tronçonneuse + Maniac + Midnight Meat Train + Sweeney Todd + L’Abominable docteur Phibes + La Sentinelle des Maudits

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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THE LOVED ONES +

23 Déc

loved ones 1

Original, jusqu’au-boutiste et viscéral, The Loved Ones est un de ces ‘petits’ films racé surgissant soudainement pour ré-enchanter le spectateur-consommateur blasé. Comme Mandy Lane ou Alice Creed, c’est la production discrète vendue avec le lot commun de l’horreur bis, cachant en vérité une expérience redoutable. Ce sont ces moments de tension, de rage et d’effroi qui motivent la plupart des amateurs du cinéma d’horreur et dont ils savent combien ils sont rares.

Au tout début, la réalisation suggère que Lola sera la victime ultime du programme, ou une quelconque victime vengeresse. Ce sera le bourreau. Bientôt le spectateur se demandera quelle solitude a amenés là Lola et son papa. En vain, car on sait ce qu’ils nous présentent (tel leur album d’exactions), mais pas davantage : comme Brent, nous plongeons, aujourd’hui, ici et maintenant, dans leur enfer. Sean Byrne réussit à susciter énormément d’empathie pour Brent, tandis que ses bourreaux ne sont jamais diabolisés.

Leur délire profond anesthésie toute considération morale à leur égard, si bien que la haine est formelle, superficielle et balancée par une certaine circonspection. En raison de cette acceptation de l’ambiguïté et de l’attachement à Bren, l’extrême cruauté de Lola et son papa est d’autant plus dérangeante. Le film est terriblement dur, au point d’engendrer un doute, un mouvement de recul. Il est trop remarquable et immersif pour qu’on décroche, d’autant qu’il y a une situation à régler et un personnage à délivrer.

Pourtant Byrne ne dramatise absolument pas la situation et son absence de solennité est même déroutante. Il va jusqu’à développer une fibre comique très marquée, se montrant extrêmement sarcastique sur les adolescents. The Loved Ones tutoie alors volontiers le gras, sans tomber dans la banalité. Le cas du petit gros totalement dépassé, ami de l’otage et profitant d’une emo-goth en total laisser-allez, est assez jubilatoire.

La séance est concise, brillamment menée, sans révélations ni effets de malins. Il y aura des surprises mais jamais la moindre incohérence ou de détail surfait – sauf peut-être celui de la cave, mais cet aspect extraordinaire est traité avec un sérieux total. La simplicité de The Loved Ones, sa franchise et ses qualités d’écriture en font un produit valable, servi par un casting possédé. Il y aura des fous rires nerveux devant ce maelstrom d’atrocités et de psychismes en lambeaux, puis quelques moments de rage, mais une rage bizarre, sereine, carrée.

Note globale 74

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Suggestions… La Cabane dans les bois + Haute Tension + Hitcher     

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GRACE =-

5 Août

Film curieux et mal-aimable, Grace est la déclinaison en long-métrage d’un court éponyme et le premier de Paul Solet. C’est un espèce de programme horrifique intimiste, racontant l’aliénation d’une mère par son enfant, un bébé répugnant. Pas dans son apparence directe, mais dans ses manières voir même, dans ses instincts.

C’est le sujet de Grace, obsédé par le putride, se démarquant par son rapport malsain à toutes les excrétions et productions du corps, son malaise quand à la Nature. Dans ce monde chic et froid, cet îlot de crypto-aristos non résignés, Solet fait croître l’impureté. Grace est véritablement dégoûtant, bien plus qu’un film d’horreur ou de gore typiques. Il est écœurant et désagréable (plan rapproché sur la mastication, images de vache à l’abattoir), ce que sont censés être les films d’horreur ou d’épouvante, or en vérité on y prend plaisir ; là, jamais.

Aussi le début est déroutant. Puis tout n’est que surplace obstiné, à décrire cet amour maternel inconditionnel. Les auteurs ne semblent admettre aucune nuance, exécutant un travail empirique focalisé sur la noirceur et la transgression manifestes. Il faut en saluer les qualités de mise en scène (photo et éclairages), l’esthétisme poussé flirtant avec le raffinement superficiel. Et pour l’anecdote [la plus en mesure de survivre], les performances étonnantes des trois femmes.

Toutefois c’est surtout un film poisseux ne racontant pas grand chose – et se refusant d’ailleurs à prendre de tels risques. Redondant et très limité, malgré son audace, il n’a plus qu’à afficher son obscénité (le lait égale le sang) et sa morbidité rentrée. À chacun de fantasmer sur la richesse et la justesse de cette intériorité. Mais pour qu’elle existe, il faudrait que les personnages existent aussi, en-dehors de cette fonction mammaire qui obnubile tant l’ami Paul.

Note globale 48

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Suggestions… Rosemary’s Baby

Aspects favorables

Aspects défavorables

* esthétisme poussé

* performances étonnantes des trois femmes

* un programme… idiosyncratique

* lourdeur et psychologie pauvre

* quel est le but ?

* quel est le fond ?

Note ajustée de 49 au départ, puis 50 (lors de la suppression des impairs) à 48 (juillet 2021 pour la publication).

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ANTEBELLUM *

24 Nov

1sur5  Un témoignage de l’égocentrisme et de la part délirante du BLM. La cause doit être partout ; ils se voient comme des victimes d’un establishment digne de Purge/American Nightmare 3 [qui n’aurait de haine que pour eux]. S’ils ne peuvent prouver de choses exubérantes qui se produiraient aujourd’hui, ou se contentent pas des faits diffusés partout, ils vont chercher le passé – dont ils sont victimes ; mais plus seulement comme héritiers – il faut que ce soit littéral ! C’est LEUR personne et celle d’une jeune femme exemplaire en particulier qui sont ainsi victimes du système.

Parler de pathos dans ce cas serait une blague ; c’est La passion du Christ sans trop de barbaque pour qu’un maximum de gens y soient accessibles ; mais avec des sévices, humiliations, injures ou moqueries constamment (et bien sûr les viols – et une bagarre absurde). Puis nous avons ce twist graduel (éventé par le trailer – bravo les champions !) : à la 39e minute, nous débarquons dans le présent. L’héroïne se réveille dans un monde où une militante envoie de grosses punchline à Timothy Paul, un vieux blanc ressemblant à un Dick Chesney désespéré quand il a finit de parler. Elle est confrontée à des blanch(hes) racistes à l’hôtel. Puis vient l’enlèvement et le retour au camp.

Avec ce produit l’intersectionnalité touche ses limites : un homme noir sait s’élever contre le colon et lui faire mordre son chapeau. Voilà la saine masculinité versus la toxique ! Comme l’indique toute la seconde partie, il faut se méfier des alliances avec les blanc(hes) ! La mise en scène est propre et ‘lourde’ ce qui a toujours ses vertus, mais il manque le jus et un minimum de stature et de vraisemblance. Ça tourne en roue libre, manque de tension, multiplie les symboles et étrangetés de potentiels conspis indéchiffrables (voire de manipulation ou possession démoniaque(s) ?) ou d’aspirants militants en quête de contenant (avec une possible allusion à Shining). Enfin c’est d’une laideur discrète et complète à la limite du gerbant – cette esthétique dégueulasse de clips chics pour beaufs sensibles et jeunes z’engagés. Le final est une déclaration de guerre – à l’ensemble du monde (blanc) ou seulement des États-Unis ?

Note globale 16

Page IMDB  + Zogarok Antebellum sur Sens Critique

Suggestions…  The Hunt + Hold Up

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