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SÉANCES EXPRESS n°12

30 Juil

> The Fall** (60) fantastique US

> CHUD** (48) épouvante US

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THE FALL **

3sur5 Tarsem Singh est un orfèvre. Après The Cell, The Fall est une nouvelle logorrhée fantasmagorico-kitsch d’une beauté plastique prodigieuse. Mais cette confirmation est plombée par la révélation, assez outrageuse (voir dérangeante), que Singh est incapable de dépasser le sanctuaire publicitaire. Surtout, les symboles et les univers imbriqués de The Cell laissent place à un patchwork d’emprunts et un programme visuel halluciné mais redondant. Les quatre ans de tournage dans une vingtaine de pays différents ne sont pas sans effet, au contraire : mais The Fall est aussi somptueux qu’il est creux, voir insipide.

C’est si beau que ça ne peut que devenir merveilleux ; et finalement ça ne le devient jamais, bien qu’on se pâme en permanence des déluges imaginaires orchestrés par Singh. Mais l’écrin de ces bouffées est faible, indécis surtout : The Fall se profile un moment en film à sketch narré dans un contexte peu circonstancié, avant de se concentrer sur un récit précis, ou deux infirmes fuient leur condition en construisant un monde oriental malléable à souhait. D’une part, l’ambiguïté résolue mais terre-à-terre entre le monde réel cru et fermé (avec ses laborieux quiproquos) et les animations ludiques et délurées ne fonctionne pas ; dans le même temps, l’empathie pour le duo asymétrique est déceptive, peu tonifiante et même assez bassement lacrymale.

Il y a un paradoxe entre la volonté de jouer la carte mélodramatique et l’aspiration exubérante à voguer en roue-libre. Celle-là s’exprime à chaque embarquée introspective, déborde de toute part et fait toute la puissance et le charme de The Fall. C’est ce qui confirme que, sans surprise sauf peut-être pour l’artiste lui-même, le mélo n’est pas la discipline appropriée.

Car il la prête à ses deux personnages aux humeurs volatiles, The Fall n’a pas de colonne vertébrale. L’émotion est censée structurer le récit, de la même manière qu’elle porte ou restreint les élans créatifs. Mais au lieu d’apporter un dynamisme, cette méthode semble indiquer que quelque chose est en train d’être raté. Il aurait mieux valu faire un pas définitif en avant, basculer dans ce monde, pour que s’épanouisse l’onirisme, au lieu de le poursuivre sans relâche. En l’état, la narration est étriquée et bouffie, malgré la foule de gimmicks géniaux, de bribes de contes fascinants (l’épouse volée et le Labyrinthe). Évoquant le Baron de Munchausen par ses excentricités, The Fall est une orgie chromatique glacée, une invitation au voyage et à la rêverie stérile quoique délicieuse.

Ainsi le film est assez frustrant car il ébauche une grande et véritable épopée. Or un éloge de l’imagination, c’est bien. Limiter ou banaliser ses fièvres visionnaires pour un tel principe, c’est quasiment une tragédie. Ça donne du Jodorowsky bridé et poli… soit encore un spectacle valant d’insistants coup-d’oeil et beaucoup d’estime. Nous sommes dans le domaine du catalogue pictural de haute volée, quand on s’attendait à un trip renversant.

Note globale 60

Page AllocineMetacritic

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C.H.U.D. (CANNIBALISTIC HUMANOID UNDERGROUND DWELLERS) **

2sur5 Série B récompensée en son temps (festival du film fantastique de Bruxelles en 1985), CHUD a naturellement subi l’outrage du temps mais ravira les amateurs de bis et de show fantastico-horrifiques kitschs, modestes mais généreux. Plutôt raillé par la critique mais salué par le New York Times (ou travaille l’un des personnages), CHUD, loin d’être un classique, traîne néanmoins sa petite aura d’honnête ouvrage du genre. Un an avant The Toxic Avenger, il s’inscrit dans la lignée des films d’horreurs volontiers cheap et grotesques fondant leur pitsch sur la menace de créatures radioactives.

Partant, l’intrigue se noue entre plusieurs mondes diversement impliqués. Pendant 93 minutes, Douglas Cheek flirte avec le chaos urbain de la rue ou du monde des laissés-pour-compte (embarqués ou mutilés par cette menace des souterrains) et infiltre le faste lisse des technocrates immobiles et repus, pendant que des enquêteurs et curieux divers s’appliquent à lever les mystères. La trame est partagée entre plusieurs personnages, du docteur benêt au journaliste en passant par un bénévole crasseux et un agent du gouvernement taiseux et agité.

Pas brillant un instant, l’ensemble est pourtant prenant, bien agencé et Cheek maîtrise le tempo tant dans l’horreur que le suspense, gérant la hâte du spectateur par une progression par paliers simple, claire et efficace. CHUD tient ses promesses, ne demeure pas dans la suggestion une fois l’attente consommée ; et malgré le côté désuet des masques et maquillages, il est suffisamment original et intense (mais comme peut l’être une série B pas loin d’être fauchée) pour tenir en respect le risque nanardesque. Les scènes de terreur font preuve d’un grand soin, tant dans la science de la narration que dans l’esthétisme. CHUD est allé jusqu’à inspirer les créateurs des Simpson, le graphisme des créatures étant repris pour être attribué à des extraterrestres.

Au vu des toutes premières séquences, ce n’était pas gagné ; la VF d’un des personnages masculins frise avec la parodie, renforçant l’aspect parfois farfelu ou naïf des dialogues. En revanche, les limites économiques (voir scénaristiques) du film le rattrapent dans son dernier-tiers, avec une invasion des cyclopes avortée. Au lieu de l’éventuel apocalypse, le final s’avère besogneux et prévisible. Aimable.

Note globale 48

Page Allocine

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