THE PURGE / AMERICAN NIGHTMARE =+

24 Août

D’entrée de jeu, j’attribue un 1sur5 pas volé aux petits rigolos qui ont eu la lâcheté (pire, la médiocrité!) de résumer le film à son titre ; surtout que celui-ci est parfaitement honoré, mais pas dans le sens naveteux. Le second film de James DeMonaco (après Little New York où Ethan Hawke était déjà un personnage-clé) est un thriller à concept roublard, dont le succès (corrélé par un accueil critique pincé) pourrait appeler une saga : affaire à suivre, ce n’est pas garanti, tout reste possible, le pire en particulier, mais pas nécessairement.

Ne dérogeant pas à la tendance lourde, American Nightmare nous emmène dans un futur proche dystopique, c’est-à-dire contre-utopique. Dans ce monde voisin du nôtre, le gouvernement américain autorise la criminalité dans le cadre d’une purge annuelle ; pendant douze heures, de nuit, les citoyens peuvent laisser allez leurs instincts et décimer leurs semblables ; ou ceux justement qui ne le sont pas. Naturellement, chaque citoyen (sauf les membres du gouvernement) est exposé et doit se protéger par ses propres moyens.

La purge aurait rétabli l’équilibre, en assumant la part de violence refoulée par la société et permettant à la sauvagerie d’exulter par la catharsis organisée d’une « nation ressuscitée ». Elle est accessoirement une méthode d’éradication des marginaux et  »parasites » (le SDF en est un dans ce monde-là, au service de l’économie et de la sécurité. Ce n’est pas juste le retour de Hobbes ; c’est l’application du darwinisme social, mais ponctuellement, comme un carnaval qui résoudrait les tensions accumulées. Sauf que le darwinisme n’est pas seulement arbitraire et l’inégalité qu’il célèbre, c’est celle des moyens.

L’action se déroule autour d’une famille aisée ne souhaitant pas participer, se contentant de se barricader chez elle ; tout en se résignant, comme les autres citoyens, à cette loi odieuse ; et lui trouvant une légitimité, un bon sens surtout. Mais malgré cette réserve, le déferlement primaire éclatera le verrou de leur maison, pour pénétrer dans leur cocon et les souiller comme le lot commun des américains. The Purge

En résulte un home invasion classique et tendu, avec ses deux valeurs ajoutées : style virtuose et audacieux (sublimant les sensations d’intrusion et de menace sourde avec des manières évoquant Panic Room, autre méta-home invasion) ; exploitation efficace d’un postulat fascinant et visionnaire. Celle-ci est toutefois limitée ; passée l’excellente demie-heure d’exposition, où le sujet est écumé et ausculté de façon synthétique et intelligente, The Purge ne sait pas dépasser les bases de son principe. Sur le terrain social et politique bien sûr (elle résout les problématiques de fond par des témoignages moraux un peu stériles ou à côté de la plaque) ; mais aussi en termes plus purement spectaculaires, où elle rate des occasions. Par exemple, le contrat tacite entre les assaillants, réunis pour tuer, pourrait être brisé ; ils pourraient s’entre-tuer et la famille les y inciter – et la loi concernant cette purge annuelle serait toujours respectée (mieux, honorée). Au lieu de ça, The Purge semble hésiter, montrer cette fatalité et la résistance qui s’y oppose, sans savoir pleinement quoi en faire, sinon la vivre en tentant de sauvegarder la vie puis l’éthique, au moins de ses héros.

Si le film est presque démuni face à ses propres idées, en se rangeant aux solutions de ses protagonistes, il sait aller au bout de ce qu’il propose et en tire les leçons et le sens politique (la sauvagerie des plus propres d’abord, puis les nantis eux-mêmes pris au piège du darwinisme social dont ils s’accommodaient à l’instar de Mary – voir dont il vivait, comme c’est le cas de James). Et à ce jeu monstrueux, The Purge est d’une habileté remarquable, transformant un programme basique de survie en métaphore vivace. Lorsque la réalité est acquise, pas de spéculations, juste la mise à l’épreuve d’une théorie et d’individus qui ont accepté, par défaut, par égoïsme ou convoitise, de rejoindre l’intolérable espace de défoulement accordé par une société anxiogène.

Note globale 64

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Suggestions… Evil Dead/2013

Note 60 à 64 suite à un second visionnage (janvier 2021).

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9 Réponses to “THE PURGE / AMERICAN NIGHTMARE =+”

  1. 2flicsamiami août 24, 2013 à 07:56 #

    Donc, en gros, tu trouve ce film plutôt pas mal. A voir alors pour se faire son propre avis, les critiques ne semblant pas tous unanime quant à la qualité de ce film.

    • zogarok août 27, 2013 à 00:57 #

      C’est vrai. Elles ont tort et sont excessives. Comme le dit Vora, c’est un home invasion classique – alors dans le pire des cas, c’est au moins ça.

  2. tangokoni août 24, 2013 à 10:27 #

    Bonjour Zogarok,

    je suis agréablement surprise de te lire, car tu rejoins mes impressions sur ce film, qui, contrairement à son intitulé, n’est pas une purge, et que je me doute, comme tu le précises, certains ont eu vite fait de réduire au titre.
    C’est vrai que certaines choses auraient pu mieux être exploitées (à mon goût) mais franchement, j’ai passé un bon moment avec cette pellicule, qui porte à réfléchir, et me parait assez juste dans son approche de ce dont l’être « humain » est capable.

    • zogarok août 27, 2013 à 01:00 #

      Bonjour Tango !

      Il y a un tassement après l’entrée en scène des étudiants fils à papa. Mais la fin est intéressante car elle va au fond du processus.

      Qu’aurais-tu fait à la place de Mary, la mère ? Est-ce que c’est une façon de réguler les choses et confronter les autres à leurs actes ; ou au contraire, laisser des monstres s’en tirer impunément ?

  3. Voracinéphile août 24, 2013 à 11:28 #

    Aha, voilà enfin La Purge ! Oups, American Nightmare pour l’exploitation en France. Déçu par une exploitation faiblarde d’un excellent concept pour ma part. Après, on reste dans un home invasion avec des idées intéressantes, mais il y aurait effectivement eu mieux à faire, insister davantage sur les tensions entre les différents personnages (je pensais à l’intérieur de la famille, où les protections deviendraient une prison, mais on pourrait en faire de même chez les assaillants). Je vois que tu insistes sur le darwinisme social, c’est ce que j’aurais aimé voir être développé. Et puis, ce concept est si stimulant qu’on fantasme déjà sur des suites. Pour ma part, je verrais bien, dans une ville développée (type Los Angeles ou Washington), des cohortes d’américains traquant tous les SDF de leur ville se réunissant pour tenter d’y survivre. Survival urbain avec de forte connotations sociales, qui dit mieux ?
    Un premier essai gentil mais pas vraiment transcendant (un home invasion plus classique que prévu, en fait).

    • zogarok août 27, 2013 à 01:08 #

      Oui mais vu la nature des membres de cette famille, c’était inapproprié. Mais ça aurait été intéressant – et Henry assume ce que tu réclame justement !

  4. Kapalsky août 24, 2013 à 12:10 #

    Un concept détonant et un film pas si surréaliste que ça, d’autant plus que le darwinisme social, que tu exposes d’ailleurs très bien dans le texte, est plus ou moins déjà en marche aux USA, où les inaliénables lois sur le port d’armes, le respect de la propriété et de la légitime défense permettent à peu de choses près à des individus en ayant les moyens de revendiquer les actes les plus moralement condamnables.
    Dès que le film dessin de son postulat, il s’égare malheureusement sur les voies d’un home invasion balisé donc, qui n’a pas la puissance visuelle ni la tension qu’un David Fincher aurait pu instiller.

    • zogarok août 27, 2013 à 00:53 #

      Je n’aurai pas fait le lien entre le respect de la propriété (toutes proportions gardées..) et ce processus de sélection. Quand aux lois sur le port d’arme, ce n’est pas le même esprit. Pour la légitime défense, c’est effectivement la porte ouverte… Il y a aussi cette hypocrisie générale : chacun a théoriquement les moyens de se défendre…

      Je partage ton idée : le concept aurait été prodigieusement exploré par Fincher – surtout en considérant Panic Room et The Game.

  5. selenien août 31, 2013 à 18:50 #

    Un bon film de genre mais qui n’a pas eu l’impact attendu vis à vis de son idée de départ… Effectivement Fincher aurait sans nul doute fait mieux… 2/4

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