PARASITE ***

25 Juin

3sur5  Le père confie à un moment que tout plan est inutile car la vie ne se passe jamais comme prévu. Manifestement le film où il s’exprime se situe loin des gesticulations humaines car tout s’y déroule en fonction d’une démonstration sur les conflits de classe sociale et sa mécanique ignore les lourdes contradictions et les compromis sur son chemin. On voit bien ces nantis se laisser avoir par des suspicions absurdes – jamais au bon endroit, jamais contre ceux qui les nourrissent. C’est pourtant curieux qu’ils ne mènent aucune enquête, même une simple vérification [sauf une consultation servant à souligner les qualités d’arnaqueuse de la fille et apporter un minimum d’ancrage]. Pour des riches ‘petits et moyens’ aux prises avec des affaires moyennement graves, soit ; à un plus haut niveau d’opulence et d’engagement, surtout lorsqu’il y a accumulation, la vigilance semble naturelle.

Les limites du film sont dans cette lourdeur – c’est aussi elle qui soutient une intrigue amusante et son substrat social. Il suggère un monde protégé et insouciant à l’égard des indigents ; il faut forcer sa chance sinon mourir et moisir, pour ceux qui ne sont pas dans le bon réseau, pas recommandés (ou pas bien nés). Parasite légitimerait la tricherie si elle n’avait un prix : ainsi ‘Monsieur Kim’ recoure à son fils pour s’illusionner sur la reconversion certaine du chauffeur qu’ils ont utilisé. Des points mineurs sont soulevés, des tangentes semblent à portée : maman et sa fille souhaiteraient-elles une compagnie, une relation privilégiée – où on écoute, approuve, ‘croit’ aux piteuses fictions et représentations qu’elles se font ? Espèrent-elles un gigolo ? La sœur froide et capricieuse sait se fondre dans un rôle ou un décors, elle est typique des charlatans et on l’aperçoit déjà isoler sa victime (déjà seule, comme [selon le film qui amalgame le supposé point de vue de tous les membres de la famille et du groupe] les gens de sa caste logés dans une bulle sortant de l’esprit toute conscience du risque). Sa famille souligne son talent à l’occasion et la carrière s’ouvrant à elle ; le film s’en délecte seulement dans le cadre de cette affaire, pour elle comme pour l’essentiel le terrain reste en suspens à la scène de la culotte (sauf le développement sur l’odeur des pauvres).

Dans une des séquences au discours le plus riche pointe l’opposition entre les attentes de deux hommes ‘normaux’ et bien constitués – le prolo souhaitant une femme fonctionnelle et pratique, prenant en charge les tâches domestiques ; le CSP+++ évoquant « l’amour ». Peut-être pour romantiser la capture d’une superbe prise – avec cette anecdote on arrive aux notions de confort et de sentiments selon le niveau d’aisance : sous la pesanteur de la crasse on ne les envisagent jamais bien haut ; à l’écart de ces menaces on éprouve des états détendus voire primesautiers (ou du moins, ça en a l’air et c’est ce qu’a décidé de figer ce film). Toujours on en revient aux métaphores appuyées dont la portion la plus claire est cette lutte des gueux au sous-sol pendant que les riches sont à l’aise et à la fête au jardin. La narration aussi est prévisible, avec le retour évident lors du camping ; c’est même parfois trop gros, le film s’en tire par la comédie (la tuberculose à l’aéroport).

Bong Joon-ho avec ses équipes sait techniquement donner de l’ampleur et du style – comme strict raconteur d’histoire il est plus pataud malgré des dehors flamboyants. La dette aux trucs et aux rebondissements est forte, Okja y échappait davantage, pas Snowpiercer mais il était assez solide par ailleurs pour que ce ne soit que du bonus. Plus qu’une autre cette livraison embarque facilement et laisse circonspect à la sortie ; pas d’escroquerie, mais une bonne donne de boursouflage autour d’un noyau créatif, engagé et candide, le tout avec science et modération. Si vous avez été éblouis par la profondeur supposée de ce Parasite et particulièrement par la sombre gaudriole, vous devriez donner leur chance à de nombreuses comédies italiennes aux alentours d’Affreux sales et méchants ; si c’est pour la conscience amère et la cruauté des détails, bienvenue en France, pays de La cérémonie (ou de La vie est un long fleuve) ; si c’est pour les rapports de domination et de compétition dans le contexte coréen, The Housemaid et tant d’autres ont déjà fait le travail.

Note globale 64

Page IMDB     + Zoga sur SC

Suggestions… Pandémie + Mademoiselle + Breathless 

Les+

  • travail lisse, résultat limpide et efficace (personnages, écriture, technique, dialogues)
  • acteurs impeccables (le choix comme les exécutants)
  • rythmé et drôle, heureusement car..

Les-

  • déjà vu, une grosse surprise au milieu sinon rien
  • traite trop prudemment ses thèmes – accumule simplement
  • de l’opportunisme épais, des omissions et éléments sans suite, voire des incohérences
  • .. lourdingue sur le fond

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