COSMOPOLIS +

18 Oct

Embarrassant une part de la critique et les fans, exaspérant la masse des cinéphiles, Cosmopolis est déjà, de l’avis dominant, l’accident industriel de la carrière de Cronenberg. Il faut dire qu’on y plonge pas spontanément et que Robert Pattinson lui-même peine à se glisser dans son costume. Trop sarcastique, trop complexe, trop désenchanté et impitoyable pour une icône glamour aussi galvaudée. L’espèce d’indifférence engagée, d’ivresse monocorde à l’œuvre va pourtant absorber toute la matière d’un Monde voisin de palier du nôtre. Cosmopolis convie à la veille du crépuscule d’une société, en prenant le pouls d’une ville-monde, d’une sorte de mégalopole synthèse, d’un de ses princes malgré lui et de toute sa cour.

Au bord du précipice

Les deux derniers jours de sa vie, au moins de celle-là, remplie de déambulations en limousine et de joutes comptables ou philosophiques, un golden boy rencontre les hommes et femmes y jouant un rôle, de sa conseillère en art à l’entarteur terroriste désirant l’aligner sur son tableau de chasse. Lui qui contrôle le Monde par des théories systémiques, un mental dissocié de toute Humanité, voit l’ordre établi sur lequel il se repose s’effondrer. Son esprit hypocondriaque et son quotidien mécanique l’ont floué ; n’ayant pas su anticiper ce retournement, il tente alors de le dépasser.

C’est vrai, Cosmopolis démarre péniblement ; toutes les failles des principes supposément à l’œuvre sont exacerbées au départ, du romantisme décadent outré aux fumisteries péremptoires en passant par l’hagiographie d’une star nihiliste. Puis rapidement, la logique de Cosmopolis se dessineet s’engage un monologue difforme, un monologue à plusieurs, flamboyant et efficace. Le film assiste ce golden boy poursuivant compulsivement et peut-être par défaut d’intention les courbes du Monde ; alors qu’au départ, son masque de dandy abrasif sonnait faux, Cronenberg s’amuse à rendre tout transparent, exhibant son vide et sa faible marge intrinsèque sur la banalité et la misère. Cette façon de déguiser la trivialité, tout en la gonflant obstinément, ne faisant que rendre la banalité intrinsèque de ce petit univers plus outrée encore (cet aspect atteint son expression maximale avec les séquences matrimoniales scandaleusement « j’adore l’odeur de l’orage ») ; mais justement, le film commence par dénigrer une condition, confrontant à une chute pas seulement restreinte à l’économie ou l’équilibre politique, mais investissant globalement les sphères de la société.

En cela, Cosmopolis est destructeur, c’est une litanie, un poème accompagnant vers la mort ou l’implosion ; sans devenir pour autant une festivité à charge. Le film n’est pas « antilibéral », simplement il n’accorde de crédit à aucune illusion, tout en décortiquant les raisons de leur attractivité, tout en se nimbant de leurs fastes, pour mieux les souiller par des réflexions et des sarcasmes qui ne peuvent surgir que sur un champ de bataille largement entamé.

Un espace dématérialisé et sibyllin pour tromper le sort

Une des vérités nues explorées par le film, c’est que les ouvriers de ces emprises omnipotentes peuvent être de faibles créatures adoptant les traits de tyrans ou de prophètes. Replié dans son cocon impersonnel, fonctionnel et lustré, Pattinson ne fait que maquiller sa subjectivité pratique et son vide d’une espèce de relativisme absolu, d’une remise à plat de toutes les croyances et les systèmes qui lui sert de dogme personnel. Ce masque grandiloquent est celui d’un homme leurrant son absence d’investissement et de désirs, incapable de gérer des biais émotionnels réprimés mais dévorants. Il a Tout pour cacher qu’il ne veux et ne maîtrise Rien : c’est l’envers de l’orgueilleux, de l’artiste ou du criminel, c’est une bête anémiée mais surtout pas un survivant.

Ainsi, lorsqu’il se prétend « citoyen du monde », il se complaît dans un idéal romantique de son destin, pour mieux assumer son conformisme et sa nonchalance, tout en nourrissant son narcissisme flétri. Ce que ne dit jamais Pattinson, parce que c’est bien plus crû que toutes ses thèses, c’est qu’il a tout pour jouir mais que sa position l’assèche. En se construisant une vie parfaite, lumineuse et ordonnée ; en se soignant ; il fait ce qui est juste. Améliorer sa condition au mépris du monde extérieur, soumettre l’environnement à sa tiède volonté, c’est comme faire son devoir. Mais cette faim insatiable, celle d’un loup atone, hyper-rationnel mais inconscient, jouissant d’un chaos dont il n’aperçoit que la noblesse et la beauté, arrive à son point de rupture et un no man’s land s’ouvre – or ce no man’s land a toujours été le cap final pour le golden boy, puisque son existence passive et précieuse était une régression luxueuse, puisque rompre et affronter le monde sensible est le seul défi dangereux, le seul stimuli véritablement dérangeant, au terme d’une vie à se planquer.

En se ré-actualisant, Pattinson réalise son absence critique de certitudes tout en perdant la protection contre cette absence de certitudes, c’est-à-dire l’annihilation du principe de réalité, l’épuration du concret qui tâche et ralenti. La dernière partie conduit Pattinson à retourner à la vie, même si c’est bien trop tard et bien trop maladroitement. Sortir de sa zone de confort, mettre en péril ses certitudes et son intégrité physique en s’aventurant dans les quartiers des réprimés de ce Monde dont il est un rouage mais qui aujourd’hui s’écroule. L’enjeu est d’assister sa perte de contrôle, donner un peu de pragmatisme et de panache à sa descente, avec froideur et systématisme, tout en s’autorisant quelques réminiscences dégoulinantes. Paradoxalement, sa compulsion à déstructurer, en privant les choses de mystère, et en leur restaurant un sens définitif (or la logique est l’ennemie du bonheur et de la paix), y trouve un écrin plus offert que jamais. Il a d’abord fallu priver les choses, les faits et les hommes de sens : pour les aliéner définitivement. Et maintenant, maîtriser sa propre chute.

Jouer un rôle et ordonner le chaos éternel

Il y a un grand drame intime dans Cosmopolis, un malheur de riche mais il est vertigineux. Pattinson n’a pas pris conscience qu’il pouvait devenir un nouveau Seigneur, une icône, au lieu d’être simplement un esprit broyant du réel lointain et des théories. Il n’a pas profité de sa condition car il y était indifférent et indifférencié, absorbé par des spéculations emphatiques, un petit théâtre opulent et un hédonisme froid.

Au-delà du dédain envers la toute-puissance des idéologismes et des mœurs propres à un contexte, Cronenberg poursuit une perspective magistrale : c’est comme si toutes les sociétés transformaient leur nature sans trahir leurs finalités et les lâchetés de leurs composantes. Comment honorer son rôle, alors que toute composition est factice, en raison de l’acceptation de sa condition de particule sociale et alors que cet état est la limite de tous les Hommes ? Pourquoi aux milieu des élites, des hommes cherchent-ils à s’extraire ; pourquoi ce partage éternel entre adhésions sociales démonstratives (par la culture et les goûts, par le mariage, par les fréquentations) et quête d’un cocon propre à soi ?

Cosmopolis ne dresse pas de bouc-émissaire, ne créée pas de gimmicks voués à incarner des archétypes flattant les convictions pressées ; il jette un regard sceptique, mais pas fataliste, sur cet ordre du Monde, où l’aliénation et la régression apparaissent à l’Homme comme ses issues de secours ou le tremplin de toutes les sublimations. Eric Packer réalise progressivement qu’une différence de degré le sépare de congénères dont ils survole l’existence. Dans un club d’un standing honnête mais commun, le jeune homme découvre cette plèbe se défoulant pour compenser sa condition étriquée, ses fardeaux sans espoir, par le divertissement, la narcotisation, les festivités. Il comprend que ces élans sont aussi grégaires que passionnés, aussi auto-sacrificiels qu’épanouissants. Il ressent leur humeur, leur lâcher-prise et leur contentement, avec tendresse plutôt qu’avec la cruauté que sa condition lui permet.

Parce qu’il est sincèrement sans illusion, parce qu’il rebondit sur les avatars du monde contemporain en préférant une analyse impitoyable au sophisme affirmatif, parce qu’il refuse le dogme et l’emprunt d’une vision politisée au profit d’une approche globale, Cosmopolis gagne en langueur et en lucidité ce qu’il perd en potentiel d’adhésion. Ce n’est pas un film aimable, il donne mais refuse de galvaniser, ne se soucie pas d’asseoir des convictions, préférant remuer son patient et le diagnostiquer sous tous les angles possibles, au lieu de décider formellement d’achever ses souffrances, par la réforme ou l’amputation.

Néolibéralisme, anti-absolutisme, ordre cynique et humanité impulsive

Pour autant, Cosmopolis ne s’inscrit pas lui-même dans cette distanciation aveugle qu’affectionnent la plupart de ses personnages. Cronenberg se sert du support littéraire et de ses extases verbales pour confronter une vision propre à la réalité qu’il entend décrypter. S’il n’est le porte-parole de personne, Cosmopolis désenfume sans ambiguïté, justifiant par la raison un idéalisme politique. La séquence, peut-être oiseuse et surréaliste de prime abord, du dialogue avec Samantha Norton livre un discours visionnaire, emprunt de bon sens essentialiste et régulièrement projetée par les Hommes. Évoquant pêle-mêle les rapports fusionnels entre destruction forcée et capitalisme, le lien entre capitalisme et anarchisme, la défiance envers un futur chaotique déstructurant le présent, elle illustre le fossé entre ceux qui conceptualisent un Empire et la masse des dissidents potentiels ou actifs à tout projet progressiste.

Dans le contexte présent, en 2012, cela signifie la dualité des néolibéraux-nés (politisés pour des raisons viscérales) et la masse, dont les nuances n’existent pas à l’oeil des précédents. Autrement dit, Cosmopolis évoque bien la cohabition entre les « 99% et les 1% » ; le film n’est pas dans la masturbation intellectuelle, il est encore moins lâche, il a même le courage d’aller chercher les motifs et les passions éternelles engendrant le malaise de Civilisation directement observable. De plus, Cronenberg tranche implicitement en faveur de la réforme globale, puisque les tenants de l’ordre cynique s’effondrent et que parmi eux, Pattinson, qui devrait être conduit à la  »réaction », décide plutôt de larguer les amarres, de reprendre pied et sens. En outre, l’imminence de la mise à mort des gourous et des sbires de la globalisation économique est suggérée sans détours.

Par définition (pas besoin d’ostentation), Cronenberg est partisan de la rupture avec l’ordre mondial actuel, non par militantisme, mais par soif de liberté, de connaissance, de développement. C’est avec talent et intelligence qu’il détruit les mythes modernes pour laisser libre cours à l’altérité. Et le cosmopolitisme est un mythe moderne, un mythe archaïque et remanié pour assurer par la violence, l’intimidation, la promesse d’une délivrance et des plaisirs terrestres, le maintien de la canalisation d’un chaos mesquin en évidence sociétale.

Cosmopolis l’exprime sans détours : dans tous les contextes de civilisations cosmopolites, où les absolus se sont évaporés, le cauchemar est le même : c’est de vivre en se justifiant, alors que tous les modèles de ces sociétés sont délibérément amenés à leur point de rupture. La transgression devient accessible sous peu de conditions, mais elle est coordonnée (vidée de sa substance donc, mais compensée) ; de même, les esprits dissidents ou ambitieux sont cooptés par un statut quo impersonnel.

Somme toute, l’institution nihiliste, c’est cet ordre légal privant d’idéal, d’incertitudes, de dangers et finalement de transcendance. Parce qu’il n’y a plus de vérité restrictive, il n’y a que des pantins. L’abîme est là : l’individu ne s’émancipe jamais tant qu’il est un acteur social. Et pour lui il s’agit toujours d’avoir un rôle, une place, ou bien un cocon, des stimulations (ces impératifs définissent tout : l’identité singulière ou collective, la quête de sens, le but poursuivi). Dans son incarnation du petit-maître de ce Monde néolibéral, Eric Packer étouffe, s’ennuie. Il passe sa brillante errance à lutter contre sa nature vide, son âme défunte. Il ne palpe plus rien et réalise que l’aliénation des uns ou les heurts des autres les remplissent, les protègent de la vraie brutalité du Monde social : celle de n’avoir finalement rien à offrir que des compensations hachées, segmentées. Même la puissance ne transcende rien, si ses effets ne sont pas manifestes ; la lucidité lui permet de mieux cerner l’obscurité, alors que la base a encore l’opportunité de se confondre dans des évidences plus artificielles. La conscience pleine est toxique. Le pouvoir et le romantisme doivent se cumuler.

Vers une œuvre systémique et impersonnelle ?

Ce n’est pas un film-somme sur un sujet, ce n’est pas le point culminant d’une œuvre, mais c’est bien un programme évoquant à merveille autant son époque que des enjeux, charnels, intellectuels et de pouvoir, trouvant éternellement leur écrin. Après une décennie de perte de vitesse, Cronenberg n’est peut-être pas sorti du tunnel, mais il est définitivement hors de son propre monde, au-delà de ses préoccupations et obsessions organiques et viscérales : si ce film peut paraître opaque, pédant à certains, en même temps que clinquant et vain, Cosmopolis envoûte néanmoins, parce qu’il affronte le monde réel et sensible comme dans un trip de luxe. Cronenberg, le génie morbide, est devenu un performer systémique. Cela peut augurer du meilleur comme d’une forme de laissez-aller chic et toc, émaillé de vérités perçantes, entre complaisance glamour et catastrophisme stoïque. Dans le pire des cas, Cronenberg se chargera d’habiller des productions inégalement impliquantes d’un esthétisme monomaniaque. Une routine sophistiquée, quoiqu’il advienne.

Parce que le cinéma de Cronenberg, même lorsqu’il prend des allures brouillonnes ou opaques comme c’est le cas avec Cosmopolis, plonge dans les entrailles même dans ses déclamations et expérimentations les plus superficielles. Les entrailles ne sont plus celles d’un esprit malade, mais d’une société rationnelle. Parce qu’il traduit dans son propre langage, abondant et profond, des schémas, des vérités, des perceptions dans lesquelles se retrouveront et se confondront tous les Hommes, quelque soit leur condition, leur grille de lecture. Ainsi, le cinéma de Cronenberg redevient un espace d’interaction, où le spectateur projette et négocie ses propres visions. Et ce n’est pas les élégants A History of Violence, Les Promesses de l’Ombre, ni même l’amusant A Dangerous Method, qui inspiraient à ce point.

Note globale 81

Interface Cinemagora 

Note passée de 81 à 78 (novembre 2021).

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16 Réponses to “COSMOPOLIS +”

  1. mymp octobre 18, 2012 à 14:37 #

    Quelle critique ! L’accident industriel (les accidents d’ailleurs) serait, pour ma part, Les promesses de l’ombre (et A dangerous method aussi).

    J’ai l’impression que tu fais davantage une critique riche du livre que du film, livre plus complexe et plus abyssal que son adaptation ennuyeuse. Tes arguments et ton analyse décortiquent très bien les soubassements du bouquin de DeLillo, que Cronenberg a adapté de façon trop superficielle, trop vidé de sa substance. Le film n’est pas raté, il manque juste de vrais mystères, « d’asymétrie ».

    PS : au-dessus de la dernière photo de Sarah Gadon, au milieu du paragraphe, c’est Eric, et non Etic. Et j’ai toujours du mal à croire que tu n’aies que 21 ans quand je lis ta prose exigeante et si parfaitement argumentée 🙂

    • zogarok octobre 18, 2012 à 16:56 #

      Félicitations Mymp, tu dépose le 1000e commentaire. Enlève les spams et les attardés (il y en a eu peu), tu n’est plus que le banal 800e.

      Excellent, oui vraiment excellent, parce que ce livre je ne l’ai pas lu, d’ailleurs je lis très peu de romans (seulement des essais ou de la documentation). Ce n’est ni par anti-intellectualisme primaire ni par mépris des auteurs, simplement ça ne m’attire pas – paradoxal pour un « L » au lycée.

      Donc rien de ce que j’ai dit n’est issu du livre. Je ne pense pas « décortiquer », je le fais plutôt dans le cas où je n’ai pas su être inspiré, mais pour « décortiquer » avec brio, il faut encore que l’inspiration vienne en soutien. Donc Cronenberg a bien su traduire l’essence du livre, que je ne connais pas (je ne me suis pas informé à son sujet – j’aimais le faire avant pour « ancrer » les critiques, mais j’ai laissé tomber, ça parasite facilement la réflexion si on s’attache aux faits avec emphase) et ne lirais sans doute jamais ; il a su m’inspirer, peut-être parce que j’avais envie de m’exprimer sur les sujets traités. Sauf que c’est bien lui qui me permet d’accoucher de tout cela, de plaquer mes réflexions : Cosmopolis, comme Faux-Semblants par exemple, est en ça la démonstration d’un génie… et d’un pédagogue, car Cronenberg n’est pas soupçonnable de « mystifier » ses films. C’est peut-être ce qui peut les rendre « superficiels » ou « linéaires », mais cet ordre-là n’est pas réducteur. Cette absence d’ « asymétrie », je l’ai bien pris ; elle rend fluide ce qui aurait pu ressembler à un puzzle masturbatoire. Ca a en l’air, ça a en peut-être la forme depuis un certain angle de vue, mais c’est un film très profond, complexe (limite « mystique », mais de façon rationnelle), tout en ayant le courage d’être honnête intellectuellement. « Essentialiste » en somme.

      Pas tellement d’accord pour les accidents industriels. Le tandem A History of Violence/Promesses de l’Ombre est une rupture mais, une fois passé la déception du premier, le second apparaît habile. Peut-être un peu strictement « fonctionnel », cantonné dans son genre : il faudra que j’y revienne, je l’ai vu au tout début de ma vie de cinéphile. Quand à ADM, j’ai adhéré, le film est intense et sérieux, même s’il n’a pas la carrure d’un pionnier.

      Je t’assure, j’ai 21 ans depuis trois jours.

      Ah, ça c’est terrible, les compliments avant de se faire tacler parce qu’on a confondu le prénom ou le nom d’un acteur. Merci de me le signaler, c’est vrai que ça fait tache.

  2. Voracinéphile octobre 18, 2012 à 22:38 #

    La claque est vraiment rude (même si j’avais un pressentiment confirmé par ton comm sur L’échelle de Jacob) !
    Moi qui me suis vraiment ennuyé en salle, qui ai senti les reliefs saillants des visions sociétales (les dialogues surréalistes ont souvent l’air de se focaliser sur des détails qui trouvent des résonances dans l’actualité), je n’ai absolument pas accroché au film. J’imagine que c’est dû au manque « d’atomes crochus » du film, qui laisse son public se débrouiller avec ce qu’il montre sans tenter de le « séduire », et qui du coup ne m’a pas emballé. Je sentais dans le final qu’il y avait une révélation derrière le dialogue, mais je ne l’ai pas trouvée. Frustration ô combien fâcheuse, me faisant employer l’injure « masturbation intellectuelle » avec sincérité. Je crains de devoir revoir le film pour lui donner une nouvelle chance, mais je reste dubitatif. Même en me concentrant, je bute encore sur l’écueil de ces monologues surréalistes refroidissants.

    Entre parenthèses, avec trois jours de retard, bon anniv !

    • zogarok octobre 18, 2012 à 23:29 #

      Merci !

      Il n’y a pas de mal à employer une telle expression, elle est justifiable, les raisons qui y mènent évidentes. Mais je ne partage pas cette perception du film, je crois surtout qu’il emprunte une forme « intello hermétique » que de façon temporaire (Cronenberg est très condescendant avec Eric/Pattinson, il semble complaisant et empathique au début, puis il le montre tel qu’il est : vide et faible. Mais omniscient).

      Mais ces dialogues ne sont pas surréalistes. Ils sont automatiques, certainement opaques ou pédants a-priori, mais ils n’ont rien de complexe – ils ne demandent pas d’effort, suivre un film à intrigues en demande davantage – tout en étant pertinents.

      Maintenant, si j’aime énormément et que j’y vois un retour en puissance de Cronenberg, je comprend qu’on soit sceptique, puisque même franchement acquis, je pointe les limites.

      Comme je te l’ai dit, il fait partie de ma liste d’ « excellents » du moment, on pourrait parler de grand chelem. Je (te) recommande aussi les autres gros coups-de-coeur tout récents (mais tu dois déjà les avoir vus) : Society et Seul contre tous.

  3. Voracinéphile octobre 19, 2012 à 09:20 #

    A retenter pour ma part, mais sans public avec moi.
    Oui, j’ai déjà vu Society (un bon bis comme on les aime, et le premier essai concluant de Yuzna) et Seul contre tous (déjà chroniqué, un brûlot généralisé aussi drôle que monstrueux). Deux bons films « qui tâchent » et qu’il y a largement matière à chroniquer. Ca m’a donné envie de revoir Society, ça… J’en profite pour te rajouter Family Portrait dans la liste des must seen, mais attention, c’est un des films les plus déprimants que j’ai pu voir (la violence psychologique y est intense et omniprésente). Un chef d’oeuvre d’une puissance rare, composé de 3 moyens métrages.

    • zogarok octobre 19, 2012 à 10:11 #

      Seul contre tous est déjà sacrément déprimant, surtout couplé avec Carne. Mais il y a un rayon d’espoir, même s’il est « mal placé ». Enfin, la vision des rapports humains est terrifiante (et biaisée).
      J’ai toujours eu l’impression que Yuzna allait me plaire et ce Society, c’est du sur-mesure.

      Je note pour « Family Portrait ». J’ai entamé « Possession »… suite ce week-end.

  4. Voracinéphile octobre 19, 2012 à 11:38 #

    Yuzna est un bisseux attachant, je serais curieux de voir comment tu prends des oeuvres comme Le retour des morts vivants 3 ou encore Le dentiste (ce sont ses réalisations les plus sympathiques avec les suites de Re animator, Society étant indéniablement son meilleur film). Par contre, il a fait aussi des nanars chiants, comme Rottweiler, Faust…

    Curieux de voir ce qu’il ressortira de Possession. Je pensais être tombé amoureux du style Zulawski (j’ai beaucoup aimé « L’important, c’est d’aimer »), mais le visionnage de « Diabel » m’a refroidi (trop disjoncté à mon goût, malgré de belles séquences).

    • zogarok octobre 19, 2012 à 11:43 #

      Mince, j’espérais encore mieux. Les deux premiers « Retour des Morts-Vivants » sont calamiteux, mais celui-là semble plus raffiné. Peut-être que « Faust » est chiant, mais les images issues du film valent largement la séquence finale de « Society ».

      Je n’ai vu que 40 minutes environ, c’est extrêmement déroutant, on peine à y trouver ses repères. Par contre, ses films sont durs à trouver.

      • Voracinéphile octobre 19, 2012 à 12:57 #

        Yuzna n’a hélas jamais eu beaucoup d’argent, il n’a pas eu une carrière aussi productive que Stuart Gordon (son poulain, Brian l’a lancé avec From Beyond, un régal pour tout bisseux, et beaucoup de projets depuis (Castle freak, Dagon…)). Je n’avais pas aimé Faust quand je l’ai découvert, faudrait que je le revois.
        Ah, un brusque retour de mémoire me fait dire que tu devrais rechercher activement Necronomicon. C’est un film à sketch des années 80 que Yuzna a produit et en partie réalisé. Très intéressant pour les différentes mini adaptations des nouvelles de lovecraft, et c’est le premier travail de notre Christophe Gans national (qui nous livre un premier segment classe). Un vrai plaisir coupable pour moi, un de mes films bis favoris.

        • zogarok octobre 19, 2012 à 13:24 #

          Même a-priori favorable pour Gordon, quoiqu’en ayant zappé le début de « Castle Freak », j’avais été refroidi. Je trouverais le temps pour tout ça .

  5. Voracinéphile octobre 19, 2012 à 13:01 #

    Heu je me rends compte que le fait que Yuzna ait toujours été indépendant et donc qu’il a toujours géré des budgets limités n’a pas vraiment de liens avec sa filmo de taille moyenne. Disons qu’il a beaucoup plus produit et aidé sur des films qu’il n’en a tourné. Et ceux qu’il a tourné ne sont pas toujours ses meilleurs projets (Le dentiste est par exemple un film d’horreur sympathique où un dentiste pète les plombs et se met à torturer ses patients pendant leurs rendez vous. C’est très drôle parce qu’on y a tous pensé un jour ou l’autre lors d’une consultation, et là, c’est suffisamment cracra pour nous faire grincer des dents. Mais sinon, rien de bien méchant.

    • zogarok octobre 19, 2012 à 13:27 #

      Oui, il est surtout producteur, mais il a bien fait de passer à la réalisation vu ce Society. Il y a quelques erreurs techniques, dont une perche entrant dans le cadre (j’ai halluciné, pourtant c’était vrai) et la construction paraît un peu « anarchique », mais ce dernier aspect renforce l’aspect onirique, surtout qu’il s’agit non pas de négligence, mais d’une préférence pour la cohérence interne plutôt que formelle. Donc, du parfait « bis ». Mais il faut maintenant que je confronte les autres opus. Le Dentiste m’attire moyennement..

  6. mymp octobre 19, 2012 à 13:14 #

    Ah, un littéraire, ça ne me surprend pas en fait 🙂 Bon anniversaire alors ! Et je gagne quoi en étant le 1000e (800e ?) commentaire ?

    Le livre est beaucoup plus « masturbatoire », pour reprendre ta jolie expression, que le film qui n’a pas gardé grand-chose de sa substance. Cronenberg l’a adapté de façon très plate, stricte et binaire. Quand tu vois ses adaptations magnifiques de Dead zone, Faux-semblants, Crash et Le festin nu, ce Cosmopolis-là résonne d’échos bien pauvres. Je ne me serais pas farci le bouquin juste avant de voir le film, j’aurais peut-être eu un autre avis, j’aurais peut-être aimé le film alors étranger à la comparaison, j’aurais peut-être trouvé ça dingue et bien vu, mais ça fait beaucoup de peut-être pour un seul film.

    Les promesses de l’ombre, je n’en sauve rien à part la scène du sauna, sinon c’est raté, pas de tension, pas de dramaturgie qui impressionne, c’est niveau zéro pour le scénario et les enjeux. A history of violence est mieux, j’en garde peu de souvenirs parce que je préfère quand Cronenberg détonne (Crash) ou surprend (Le festin nu).

    Hâte de lire tes articles sur Society et sur le Noé, son meilleur avec Irréversible.

    • zogarok octobre 19, 2012 à 13:22 #

      Et moi j’ai hâte de lire ton avis sur Society, il n’y a quasiment aucun film de ce genre sur ton Blog, je ne sais pas si le domaine t’intéresse, si tu le tiens en estime. Je n’avais pas aimé Irreversible, mais c’était une autre époque, peut-être que je le verrais autrement aujourd’hui ; j’ai consulté ton article justement pour l’occasion, je sais que tu en est un grand fan.

      Effectivement, après l’investissement dans un livre, et ce qu’il a pu apporter, son illustration paraît restreinte, voir poussive, mais ça c’est fatal. Sans parler du film qu’on a monté dans notre tête.

      Tellement dur avec « Les Promesses » (assassiné dans un de tes articles) ; mais j’ai la même préférence pour le Cronenberg d’avant Spider, visionnaire (Videodrome), iconoclaste (Le festin nu – adaptation là aussi, jugé très en-dessous de Burroughs-sous prétexte que ce dernier serait inadaptable, ce que je crois volontiers), transgressif (Crash) et génial (Faux-semblants).

      800e en excluant spams (et rétroliens parasites). Ah, tu gagne rien. Enfin si, une médaille en chocolat, mais virtuelle.

      Oui mais j’étais un L un peu dissident… Philo-Histoire, Littérature un peu, le reste, RAB. Les résultats en attestaient, ça dessinait une courbe toute plate, avec quelques pics brusques. Ca a suffit !

  7. maxlamenace89 octobre 21, 2012 à 18:52 #

    Belle critique, du coup ça me motive un peu plus pour découvrir ce film qui s’est quand même fait démonter par pas mal de gens. En même temps c’est parfois les films qui divisent le plus qui peuvent s’avérer être de vraies réussites… Sur ma liste, donc.

    • zogarok octobre 21, 2012 à 21:26 #

      Même si on ne l’aime pas, c’est un film qui compte. Je comprend la désaffection et en même temps, ça me paraît absurde (qu’elle atteigne de telles proportions – 26% d’adhésions sur allociné, contre 74% de 0-1-2). D’abord, s’il s’agit de dire que Cronenberg a « un problème » (c’est-à-dire qu’il a pris une nouvelle voie), on pouvait le faire depuis plusieurs années (depuis A HISTORY). Ensuite, bien que très « verbeux », le film est formellement impeccable et son propos n’est pas impénétrable, ni tellement « logique ». On peut le juger « brouillon », c’est totalement recevable, mais pas vain.

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