LA CHEVAUCHÉE FANTASTIQUE =+

10 Sep

la chevauchée fantastique

Dès les débuts du cinéma hollywoodien, le western a été un de ses genres principaux, celui le plus exploité et sans doute le plus représentatif car le plus américain. Certains cinéastes spécialisés en sortaient jusqu’à un par semaine à l’époque du muet. Le western ne devient cependant un genre noble que pendant la période dite classique, s’étalant de 1939 à 1952, date où le western moderne prend la relève, avec ses variantes : baroque, surwestern.

1939 est l’année de cette mutation, marquée par plusieurs westerns de qualité ou de renommée (comme Les Conquérants, Sur la piste des Mohawks, Femme ou démon avec Dietrich) et surtout par La chevauchée fantastique. Ce film de John Ford devient rapidement la bible du western classique et ouvre un âge d’or. Mettant en vedette John Wayne, il le sort d’une décennie de surplace, l’acteur écumant des séries B quelconques depuis 1930 et La piste des géants. C’est sa première collaboration avec son ami John Ford et leur tandem sera le phare du western pour une décennie. Wayne jouera dans les westerns d’autres réalisateurs comme Hawks et à l’arrivée, dans la plupart des westerns majeurs de l’époque. Quand à Ford, il avait déjà l’expérience du western, puisqu’il avait tourné quelques muets et deux westerns épiques au milieu des années 1920.

Le film exagère les caractères de ses personnages, comme si nous étions les témoins d’un dessin animé (mention spéciale au vieux peureux digne du lion du Magicien d’Oz boosté à la prose humaniste). Les opinions politiques sont appuyées à outrance, avec un point de vue conformiste et gentil : il y a le vieux business conservative anti-étatiste amer et ombrageux, forcément le film se moque de lui, les humanistes au cœur simple étant davantage flattés, de même que les bons petits soldats de la tradition. Le banquier est le seul à passer à côté de l’essentiel, restant focalisé sur ses affaires sans goûter aux bonheurs communs ni aux effervescences et turpitudes communautaires. Ford le catholique nuance tout de même et rejette sur de vilaines aigries l’incarnation des « préjugés bourgeois » (forme innocente des comités de tempérance vues par Peckinpah dans La Horde Sauvage).

Le ton est doux, vaguement poétique et foncièrement guilleret. Tout le monde viendra à bout des aléas et les grincheux quitteront la scène. Wayne est engagé dans une relation romantique sortant le film de sa torpeur (même si elle est mal écrite) ; une liaison à laquelle lui croit, dont elle doute à contre-cœur. Ford trouve un équilibre entre la tension narrative et ce qui l’intéresse le plus, l’anecdote, les expériences et émotions positives de chacun. Lui et ses auteurs créent un environnement fourmillant de détails afin de rendre cet Ouest plus vivant. Ainsi le public a facilement prise avec la mythologie américaine. De plus, s’il tournera la plupart du temps en studios pour ses quatorze westerns parlants, ici Ford emmène son équipe dans la Monument Valley, située sur le plateau du Colorado.

C’est la première apparition notable au cinéma de ce site naturel qui deviendra un totem jamais abandonné du western, singé même dans les western d’animation des années 2010 comme Cars ou Rango. La Chevauchée fantastique inspirera Les sept samourais de Kurosawa, dont le scénariste adule l’archétype matriciel du western. Heureusement toutefois que le western sera chamboulé plus tard, y compris par Ford lui-même, dès 1956 avec La prisonnière du désert, puis carrément remis en question en 1962 avec L’homme qui tua Liberty Valence. Le prix de l’optimisme étant tout de même des personnages d’une parfaite inanité, si approfondie soit-elle – seul Wayne faisant figure d’exception dans sa peau de solitaire adapté, homme fort mais timide et délicat pour les femmes. Aimable mais pas fin. 

Note globale 62

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