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SDM 2023-3/3 : décembre

6 Jan

Dumb money =+ (comédie>suspense USA) : voir la critique. 757-557. (58)

Misanthrope =+ (suspense) : Le jugement courant d’après lequel le début est impressionnant, le reste pas à la hauteur, n’est pas seulement non partagé… je ne comprends pas ce qu’on a vu de si bien vs ce qui aurait été si décevant. Ou bien le film a pour une raison étrange (bande-annonce/teasers ?) leurré une originalité dans l’esprit des spectateurs, bientôt déçus. J’ai au contraire trouvé l’introduction ennuyante, probablement pas assez brutale, impudique ou pyrotechnique pour avoir l’air autre chose que vulgaire ; puis j’ai apprécié le développement du trio et de leurs relations, bien que ce soit comme l’enquête, les décors, les tensions avec la hiérarchie et les collègues : routinier. Le dénouement en deux temps avec confrontation au tueur puis négociation avec le léviathan pourri est un pastiche du meilleur du genre, où le sens moral est tourmenté (pour y aller plus à fond, on peut voir Contre-enquête de Lumet).

Je ne peux m’empêcher de me demander si cette intro m’est parue médiocre par une volonté du film (même si au premier plan, celui du divertissement ou de la tension, ça me semble effectivement fade, quelque soit l’intention) ; car les cibles et le contexte inspirent aucune envie ou sympathie… or cette absence de goût rapproche du dégoût déclaré du tueur, auquel on trouve non des circonstances atténuantes (ou si en trouve, ce qu’il est et ce qu’il fait est trop stérile au mieux, affreux et insoutenable sinon) mais la légitimité souterraine qu’ont les ‘monstres’ d’une société. 677-566. (62)

Marcel le coquillage (avec ses chaussures) + (intimisme) : Réussite technique et sentimentale. Un coquillage adorable mais aussi moqueur, pas si innocent. L’humain est nase, dans les circonstances c’est approprié. 677-678. (72)

Aftersun – (intimisme) : Je vais rester sage et qualifier ce film de léger – il ne sait même pas donner l’instinct de se moquer comme La nuit du 12, ni exaspérer comme sait le faire un Nope, ni amuser par l’ampleur de ses ratés comme un truc tel The sadness ou n’importe quelle autre baudruche boursouflée. Dès qu’on passe deux phrases à son sujet, on est rendu à gonfler son contenu. 353-322. (22)

Reality =+ (suspense) : Ce film sort vaguement du lot grâce à son parti-pris de fidélité aux faits et sa mise en scène parano, le tout en exploitant une transcription du FBI. C’est un spectacle d’empathie et courtoisie d’une faussetés flagrantes, avec un va-et-vient entre surenchère de ‘small talk’ et questions franches pendant une heure avant de lever le mystère sur la nature de l’affaire – dans le dialogue le plus insignifiant ou lunaire, il n’y a qu’une mise sous pression glaciale, professionnelle. Et un seul instant où la subjectivité éclate – de façon bien grasse face à une Reality perdue et suffoquant sous son masque. Je reste peu convaincu de la qualité du personnage de ‘Reality’, sans doute caractérisé de façon ‘blanche’ par pudeur envers la personne réelle – et le dispositif donne de la légitimité à cette inanité. Sur le fond le film tire sur l’ambulance, avec la majorité médiatique de son côté, mais il fallait un cas ‘facile’ à charger pour s’autoriser la démonstration tout en paraissant ancré dans la réalité, donc pas un exercice de style nébuleux ou outrancier (politiquement) à la Punishment park. Néanmoins je dois reconnaître être mitigé quand il convient de plaindre cette femme, car je ne sais pas si une telle méthode est acceptable pour un enjeu à mes yeux non vital ; je n’aurais pas cet inconfort si les libertés individuelles étaient directement ciblées. 576-575. (58)

Killers of the flower moon ++ (drame) : voir la critique. 898-988. (86)

Paysage à la main invisible + (drame) : Quasi disparition du travail et paupérisation de masse : les humains colonisés vivent une Grande Dépression XXL et vraisemblablement irréversible ; ce n’est pas l’économie qui est cassée, c’est la pertinence de la quasi intégralité des vies humaines, managées par des aliens bien trop puissants et supérieurement intelligents pour envisager une quelconque compétition. Comme l’indique le titre, les ravages économiques et sociaux sont tenus pour inévitables et assimilés à la ‘création destructrice’ par les nouveaux dominants ; en résulte une guerre des classes, ou des nuances d’une même grande classe, car l’Humanité entière est prolétarisée (et colonisée) ; tout discours d’émancipation devient inaudible – il ne reste qu’à collaborer au degré le plus raisonnable et supportable possible (les limites de certains, déclassement relativement plus douloureux aidant, tendent à s’évanouir ; l’amertume, le laisser-aller et l’exhibitionnisme gagnent la jeunesse). J’ai rarement vu un film s’éviter à ce point toutes facilités : l’intrigue cœur mute régulièrement, les acquis se dérobent (y compris les secondaires et positifs qui semblaient devoir simplement accompagner et soutenir le récit), puis surtout le rapprochement avec les extraterrestres tourne toujours à la déception ; cette science-fiction enchaîne les retours à la froide réalité. C’est probablement car il est si frustrant, difficile à présenter et facile à considérer obscur et décousu, que ce film a récolté un accueil si tiède ; mais c’est aussi ce genre de proposition, probablement brouillonne mais toujours stimulante et proche de l’inédit, qui peut faire des émules quelques années plus tard. 768-888. (82)

Yannick =+ (comédie) : Cette clownerie-là m’a fait rire et a fait l’objet d’un effort de cohérence et de volonté qui était timide sinon disparu dans les précédentes de Dupieux. Le personnage reste un abruti et la tendresse pour lui un désordre qui m’est étranger ; mais il est vrai qu’il nous sauve d’un vaudeville pourri et sa performance d’ahuri vaut mieux. 547-456. (58)

The pale blue eye =+ (suspense>intimisme) : J’ai été sensible à ce duo d’enquêteurs et leurs tragédies ; l’enthousiasme pour ce film ne doit se mesurer qu’à ça. Il y a encore moyen d’adhérer à l’enquête elle-même et d’aimer cette ambiance sombre. La réalisation est tiède, minimaliste au point de donner une impression de huis-clos sur une grande partie (et de budget cramé pour la distribution devant la levée de l’intrigue). Mais j’aime que ce film soit à ce point discriminant, laisse à l’état de détails tout ce qui n’aurait fait que meubler le suspense, privilégiant la quête elle-même, l’émotion et les relations ; même si ce manque d’envergure l’empêchera de marquer les mémoires – ce point, le personnage joué par Melling (qui est un Poe très ‘librement’ adapté) avec une signature unique s’en chargera. 757-677. (68)

Dream scenario + (suspense) : à revoir et critiquer. 777-889. (8ou9)

Saltburn =+ (suspense) : J’ai commencé par faire le deuil des deux heures à venir devant ces images de mélo gay-Chalamet et trouvé peu d’espoirs dans les débuts sur le campus. Mais Saltburn fait partie de cette minorité de film en constant progrès. La seule scène où le film s’égare soudain est cette échange absurde entre Nate châtré/Felix et Farleigh, tous deux costumés comme des évadé.e.s de Why women kill, pour une petite joute décadente mêlant ressentiment personnel et accusation opportuniste de racisme par une avaleuse soudain prise de scrupules et de conscience d’un au-delà de ses intérêts nombrilesques. J’espère que tout le monde aura bien compris que le méchant est ce petit Fareigh, ventre à terre pour reproduire avec mesquinerie les inégalités venues du fond des âges, de même que la célébration des ‘bons usages’ ; il est d’autant plus abject que sa position est fragile et sa légitimité inexistante. Au contraire, notre psycho-prolo est étranger à la haine et ne cherche jamais à troubler ou blesser gratuitement les autres ! Je dois reconnaître que ce romantique, dont les exploits au bain puis surtout post-enterrement m’ont ému et convaincu, à l’usure apparaît un peu pervers : quand il préfère danser à oualpé au lieu de profiter de sa MILF à mobilité réduite, je comprends qu’il n’est pas tout à fait net ! 678-577. (68+)

Oppenheimer =+ (drame) : On peut relativiser tant qu’on veut le génie ou le mérite (ou la légitimité à être numéro 1) de Nolan ; une fois encore il montre un savoir-faire supérieur. Aucune impatience de mon côté en pourtant trois heures finalement pas si remplies (au moins ‘quantitativement’) et certainement compressibles sans dommages. Mais encore une fois, j’en sort avec l’impression que l’essentiel pourrait s’envoler rapidement (ce qui m’est arrivé avec Dunkerque que je crains d’avoir sur-noté, pas car c’était un plaisir mais à cause de son ampleur et son efficacité), à l’exception de quelques scènes plus chargées émotionnellement et/ou avec une surprise. Mais contrairement à Tenet je sais déjà que des morceaux précis me resteront : les moments de tournis subjectivistes, ceux avec ses deux amantes, la petite blague du président Truman, puis généralement ces moments où Oppenheimer abdique et accepte de jouer son rôle – ou n’a plus qu’à le déguiser. 787-667. (68)

 

SDM 2023 : Novembre (2), Avril à Octobre (1). SDM 2022 : Novembre (4), Aout à Octobre (3), Juillet (2), Janvier et Mars (1). SDM 2021 : Décembre ou 3/3, Juillet ou 2/3, Juin ou 1/3 .

Mini 2023 : Décembre, Novembre, Octobre, (pas de Septembre), Aout, Juillet, Juin, Mai, Avr, Mar, Fev, Jan.

 

KILLERS OF THE FLOWER MOON ++

5 Jan

Je crains que ce film sur l’accumulation primitive en soit un d’anticipation – et qu’il le sera encore dans cent, puis deux cent ans… pour d’autres, aux yeux desquels nous pourrions être ces amérindiens (le plus inquiétant à ce stade étant l’envergure de ce ‘nous’), encore qu’eux osent à l’occasion brandir leur héritage et leur capacité à répliquer – qui ne peut être mise à exécution sans que cela revienne à de l’auto-destruction.

Techniquement irréprochable, flanqué d’une ambiance sonore et de caractérisations individuelles aussi proches que possible de la perfection, Killers of the flower moon est une représentation fine et implacable de ce qu’est l’Humanité : une masse de gens susceptible d’être trompée, abusée, prostituée, sans relâche, par un tout petit nombre – tant qu’elle se sent dépourvue d’alternative ou est suffisamment déracinée et aliénée pour s’interdire de dire ‘non’ (et tant que les ‘corps intermédiaires’ aux plus gros leviers, autrement dit les notables, ont leur part du gâteau – ou des vanités, mais l’univers historique de ce film n’est pas à ce point dégénéré que les collaborateurs s’y contenteraient de satisfaire leur vanité).

Les cajoleries même non crédibles sont essentielles pour huiler la machine, tout comme quelques gains réels en qualité de vie ou en sophistication des divertissements – qu’importe leur caractère illusoire ou transitoire ! Car les sujets doivent pouvoir se raccrocher à quelques points positifs – sans avoir trop à inventer, se faire un récit pas trop déshonorant ; les victimes ici ‘ne savent pas’ qu’elles en sont. Pourtant tous savent – et ne savent pas, simultanément ; j’ai vu que beaucoup de spectateurs misaient sur la faible intelligence du personnage joué par DiCaprio pour expliquer son attitude ; ces gens sont-ils irréprochables ou dans le déni – ou d’une vanité telle à cause de leurs quelques points de QI supérieurs à ce type mal nourri, gâté en rien, donc qui n’aurait pu se développer brillamment ni même développer une indépendance hors de la sauvagerie ? Collaborer car on est tenu, c’est ce que fait à peu près tout le monde, à peu près à chaque interaction – les plus mal lotis, comme les membres du couple à l’écran, le font jusque dans l’intimité (et ce n’est même pas ‘au couple’ qu’ils collaborent !). Collaborer ou se taire – qui revient à collaborer tant qu’on est dans le jeu et Ernest y est car il est embarqué ; les indiens y sont car ils sont cernés.

Et puis la contribution de ce patriarche est réelle ; il n’a probablement rien inventé, mais il a pris l’innovation à son compte ; ce psychopathe avide (aux mimiques de Balkany – surtout Isabelle) est un accélérateur – du progrès d’abord ; puis, une certaine stabilité atteinte, la conquête étant faite, le temps de ponctionner et purger venu, c’est un accélérateur de la restructuration démographique. Il faut probablement sacrifier ce genre de diable à temps (à moins qu’on estime que sa violence contre les corps et un peuple soit la suite logique et nécessaire de sa brutalité ‘sociale’) ; la civilisation se donne ce beau rôle, via le FBI (à ses débuts, forcément lui aussi une force de progrès [‘humanitaire’ cette fois] et de pacification) qui à la manière de L’homme qui tua Liberty Valance vient tempérer les ardeurs féodales et culpabiliser le goût du sang.

Écriture 8, Formel 9, Intensité 8 ; Pertinence 9, Style 8, Sympathie 8.

Note globale 86

Page IMDB   + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… There will be blood

BILAN ANNEE 2023 – CINEMA

1 Jan

  1. Dream Scenario
  2. Killers of the flower moon (82)
  3. Sick of myself (78)
  4. Le garçon et le héron (78)
  5. Paysage à la main invisible
  6. Marcel le coquillage (avec ses chaussures) (72)
  7. Oppenheimer (68)
  8. Saltburn (68)
  9. The pale blue eye (68)
  10. Tar (62)
  11. Reality
  12. Yannick
  13. Dumb money (58)
  14. Beau is afraid (58)
  15. Misanthrope
  16. The Whale (52)
  17. [TV] South park : Joining the pandeverse (48)
  18. Bonne conduite (38)
  19. The fabelmans (38)
  20. Barbie (36)
  21. Aftersun

 

Moyenne des 21 films vus en 2023 : sur100

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DUMB MONEY =+

6 Déc

Les investisseurs dans GameStop en 2020-2021 ont commis un acte de foi et ce film le souligne ; sans s’intéresser à la qualité de la société, il signale quand même son déclin, montre le peu de fréquentations des magasins. Par contre ce film omet de parler des fonds Hestia et Permit, entrés au capital longtemps avant et de leur attitude ‘activiste’ ; puis surtout il omet Ryan Cohen (fonds RC Venture – et CEO de GameStop depuis fin septembre soit quelques jours après la sortie de ce film) entré en 2019 comme le petit investisseur et gros redditeur connu sous le pseudo de Roar Kitty. Puis de façon générale il n’évoque rien de l’évolution de la société en elle-même, poids lourd qui malgré sa déchéance avait noué un partenariat avec Microsoft trois mois avant cette explosion boursière.

C’est un film pour le peuple, pour ‘David contre Goliath’ ; il affirme, fait réel à l’appui, que les petits peuvent prendre la main, tirer parti du capitalisme – par effraction et en sachant que les dés sont pipés (fonds renfloués – mais fonds Melvin tombé plus tard en faillite, comme quoi l’élastique ‘des gros’ aussi peut rompre), mais ils peuvent prendre leur part – et jouer les arbitres des marchés, en tuant un acteur et regonflant un autre. Cela évite de dire que le gâteau est pourri (le gâteau capitaliste ou le gâteau GameStop au ROCE inacceptable, c’est à voir) ; et aussi de considérer l’affaire dans son entièreté, avec ces mouvements préalables au capital ; aussi d’évoquer le rachat d’actions, qui dans des circonstances françaises serait vilipendé quoiqu’il arrive – dans les circonstances américaines, serait probablement ennuyeux (or ce film sur le plan de l’intrigue et de l’émotion est bon – et si The big short l’était peut-être, il avait cette sale manie de prétendre parler à notre intelligence tout en nous prenant [d’autant plus] manifestement pour des mal-comprenants naturels).

Cette histoire, c’est effectivement celle des petits (et des jeunes ou demi-jeunes, pas des boomers dont on moque tendrement l’incompréhension – tendrement d’autant qu’ils n’ont pas tort d’être prudents, même si c’est l’ignorance et la méfiance qui les guident) ; pas une opération capitalistique contrainte par un fonds ou des actionnaires historiques ; mais la voir par ce prisme c’est aller avec l’euphorie. Car on pourrait la raconter autrement ; on pourrait aussi parler de bulle avec tout l’inévitable envers négatif ; on pourrait montrer que la foule s’emballe, fait le jeu de grands capitalistes et pourrit celui d’autres – or on ne voit que des riches lésés versus des prolos gavés. On ne voit même pas les membres de l’entreprise GameStop ! Sinon deux employés – des petits, des anonymes, encore. On pourrait aussi suggérer le lancement d’une offre NFT (en début 2022 par GameStop) – que ce soit avec le même enthousiasme d’innovateur ou affranchi, ou de façon critique.

Mieux, on pourrait évoquer la bonne vieille réponse à ce genre d’envolées sur une société cotée ‘compliquée’ (ou d’une importance mineure pour le marché) : l’augmentation de capital, c’est-à-dire une dilution de chaque part de propriété détenue jusqu’ici – survenue dès avril 2021. Dumb Money ne remet jamais en cause la dimension romantique de l’investissement dans GameStop : or au départ, y aller c’est comme placer aujourd’hui son argent dans Xilam car on misait déjà sur cette société à un autre niveau ; car elle a un potentiel évident (mais en sommeil) et puis simplement car on aimait le produit (Les zinzins de l’espace) ; finalement, parce qu’on est un cinéphile croyant qu’une éventuelle accélération de l’animation française passera par là.

Dumb Money est du bon côté en affichant la réaction inéquitable de RobinHood (interdiction ponctuelle d’acheter le titre… mais pas de le vendre, alors que la pratique courante et équitable consiste à suspendre absolument la cotation) et en saluant le braquage populaire, par suite l’invitant à entrer sur un terrain où il a le droit et de l’intérêt à s’engager (encore que ce soit moins vrai pour les USA, où c’est une option connue, que pour le reste du monde, où cette possibilité sent le soufre). Mais si la posture est bonne, l’information est défaillante ; et avec Dumb Money, on ignore la réalité économique de GameStop – ce business alors en train de vivoter, n’ayant de perspectives que de s’éteindre doucement sans actualisation du modèle. S’il n’y avait ce décollage spéculatif puis la fronde avec ce qu’elle a de politique et de romanesque, ce serait toujours un investissement douteux – donc concrètement, ça l’est toujours, ou du moins (car le bilan s’est redressé) c’est encore fragile et spéculatif. D’ailleurs la comparaison avec Xilam est bien trop avantageuse (encore que sur le fond, une société en dépendance ne soit pas ‘meilleure’ qu’une société à la dérive – mais la production Xilam est autrement ‘aimable’ donc vendable sans recours à un influenceur exceptionnel) ; c’est plutôt de Casino/Carrefour qu’il faudrait rapprocher GameStop.

Or les fonds vadeurs, ou fonds vautours (ils sont présentés comme tels ici), sont comme les ‘business angels’ : des accélérateurs pour les affaires précaires ou demandeuses de capitaux. Les vautours s’en sont pris à une carcasse ; le peuple a décidé sa résurrection. D’ailleurs le film évite de dire que le peuple a sauvé une entreprise prise à la gorge – ça se dessine au départ puis la griserie des ‘day traders’ et de la lutte prend le dessus, l’objet se déplace. Il s’agit de montrer que le ‘marché libre’ n’est pas si libre… ou bien qu’il faut forcer de façon extraordinaire et coordonnée. Sauf qu’à ce titre la belle unanimité me paraît invraisemblable : à la fin, les deux lesbiennes ont remboursées leurs dettes ; probable qu’elles n’aient pas tant racheté que ça… ou soient de nouveau sorties, avant que GameStop redevienne une action sous-cotée [plus ‘raisonnablement’ désormais]. On voit d’ailleurs que l’infirmière persiste dans sa foi ; elle est toujours gagnante à ce jour, comme une investisseuse de long-terme qui a su être ‘contrariante’… son engagement a un prix, un coût d’opportunité, car les sommets de janvier 2021 sont loin maintenant… et l’auraient plusieurs fois remboursée.

C’est le problème de ces ‘holdeurs’ sur des investissements spéculatifs ; ils se réjouissent de l’irrationalité quand elle va dans leur sens, mais ne prennent pas de gains – car ils se croient tellement malins ou invincibles. D’ailleurs le film élude ce problème, ce sont davantage les candides et les bourrins qui sortent (ou le souhaitent) – plutôt à raison car dans l’absolu il y a eu un gain énorme [or si un investissement fait x10, sortir 10% seulement de la position latente suffit à rester investi de façon ‘gratuite’ – sans trahir la cause ni le groupe]. Mais il reste binaire, comme son héros ; on ne parle de couper une partie de sa position qu’à trois minutes de la fin. De loin ça a l’air d’un détail ; mais c’est un angle mort de plus soulignant que le film n’invite pas à un investissement raisonné, mais veux croire au ‘to the moon’ et à la démocratisation ; or la seconde risque de servir à éponger les pertes de la première, avec des gens qui se sentiront lésés par le système, alors que c’est eux qui auront participé à une de ses excroissances.

 

 

Écriture 7, Formel 5, Intensité 7 ; Pertinence 5, Style 5, Sympathie 7.

Note globale 58

Page IMDB  + Zogarok sur SensCritique

Suggestions… Le loup de Wall Street + Corporate

SICK OF MYSELF +

3 Déc

Un de ces films pour lequel je peux comprendre toutes sortes de réactions (et de notes), mais aussi qui à défaut d’être taillé pour me plaire (avec sa protagoniste irrécupérable et auto-cobaye), parle un langage auquel je suis forcément sensible (tout comme Nanni Moretti sait me crisper… et me donner envie de revenir). Un langage ‘complaisant’ car subjectif mais comme une participation dépouillée de toute conviction ; un langage brutalement réaliste à propos des motivations individuelles, présentées comme ‘grossières’ en premier lieu, quelque soit la sophistication et/ou la radicalisation avec lesquelles elles germent – un langage sans sermon, générant du pathétique sans tendresse, ou la laissant à la discrétion du spectateur.

C’est radicalement démonstratif donc lourd et implacable ; je me réjouissais d’anticiper les saillies intégristes dans Prayers for Bobby, ici je me régalais de voir empilées les petites lâchetés et grotesques fuites en avant, les dénigrements dans chaque compliment, les opportunités lamentables d’afficher sa vertu et son courage de façon ‘télégénique’. Ce film est cruel et sans figures positives, ou alors elles sont plombantes et passagères ; mais la comédie sombre et triviale est aussi une façon d’entrer doucement et sans idéalisation dans une tragédie individuelle – que seul un bourru ou un sadique déguisés en moraliste (ou ‘critique’ social) pourraient manquer ; à la fin il n’y a plus de quoi ricaner (déjà au départ on riait pour éviter de suffoquer) et d’ailleurs, à ce désir ridicule d’exister par l’autre, on pourrait en substituer d’autres incitant à saboter sa vie.

Cette attitude déplorable est une adaptation en valant bien une autre à un environnement humain froid et superficiel – qu’elle choisit certainement ; que pourrait-elle choisir d’autre à ce stade – et dans un contexte où la mise en scène de soi compte autant, est décorrélée de toute contribution sérieuse ? Car on appelle ‘art’ un assemblage de meubles volés par son amant ; en guise de création, on trouve des braquages et du recyclage. Qu’aurait à gagner quelqu’un de si ordinaire à devenir sage, qu’aurait-elle à améliorer et faire valoir ? Elle n’a rien de propice à faire la différence ; alors elle choisit l’option qu’empruntent tant de ses camarades – mais elle y va tellement à fond qu’elle mériterait, finalement, légitimement l’attention ; celle aux grands blessés, bien banale ; puis celle aux grands tarés, bien supérieure !

L’approche a des ressorts communs avec celle misanthrope et mesquine d’Ostlund (The square, Triangle of sadness), mais une dose massive d’empathie fait la différence, y compris en terme de narration : on a moins de temps pour s’ennuyer tandis que le réal s’astique sur la tête du monteur et du chef-opérateur, lesquels naturellement n’osent plus bouger. Les scènes du récit intérieur flirtent parfois avec la satire (séquence de l’enterrement) et à terme avec l’absurde apparent ; l’ivresse et la confusion du sujet mènent alors. Dans ces scènes intérieures, Signe est célébrée mais aussi menacée – cette enquête à charge, c’était simplement dans sa tête ; on s’est joué de nous ? Non, car ce n’est pas davantage un thriller qu’un film social – ou ça l’est incidemment. C’est le déroulé d’une maladie morale et mentale en train de se gangrener. Être objet de l’agressivité de ses congénères, c’est surtout être l’objet accaparant ces congénères ; pour une personne en si mauvais état, être menacée c’est mieux qu’être ignorée. Toute volonté dirigée vers elle la galvanise ; tout inquisiteur sera son allié. Elle a probablement voulue être digne d’être aimée ; elle doit maintenant être digne d’être remarquée, même si c’est au prix de la dégradation ; un tel profil, pendant masculin, verserait facilement dans l’agression ou le militantisme armé.

Alors on doit admettre et c’est inconfortable : Signe n’est pas simplement une connasse, ni une grande fille méprisable, ni une mythomane grotesque ; c’est aussi une malade. Malade de son narcissisme, malade de son ineptie, malade d’être une femme insuffisamment désirée. Et sur sa route, il n’y aura jamais d’allié bénéfique (sauf peut-être à l’hospice, c’est-à-dire au garage où elle peut moisir ou -il faut se garder de l’espoir- préparer sa reprise en mains) ; dans cet univers d’inclusion sociale et de tolérance déclarée, elle ne trouve que des abrutis et des lâches interchangeables. Les plus éveillés s’échangent des regards, tout comme le font ses amis ; si l’édifice s’effondre, peut-être la grondera-t-on, de façon laconique et péremptoire, surtout d’une façon qui tienne désengagé – la fermeté comme l’ouverture ne sont bonnes qu’à cette fin ! Où sont les gens exigeant simplement qu’elle arrête son cirque ? Où sont ceux qui oseront voir une malade au lieu d’en profiter, ou sont assez débiles pour voir sérieusement une différence à célébrer ? Il faut à la fois être courageux, honnête, lucide et bienveillant ; puis être prêt à assumer d’avoir secoué tout ce cinéma… qui a toutes ces qualités ? Simultanément ? Qui a ce sens stupide et remarquable de l’effort ? Pour une personne sans attrait ni qualité – sauf celui d’avoir commis un exploit ? Ces gens doivent exister et appartenir à un autre monde… il est improbable qu’ils sachent alors comment aider à se ré-équilibrer dans celui-ci.

Écriture 7, Formel 5, Intensité 8 ; Pertinence 8, Style 7, Sympathie 8.

Note globale 78

Page IMDB  + Zog sur SensCritique

Suggestions… Blue Jasmine + Crimes of the future + Oslo 31 août

SDM 2023-1 : avril à octobre

13 Nov

The Whale =- (intimisme) : Vu en avril. Se regarde comme les cachalots abdiquant tout effort de décence : avec curiosité voire sidération plutôt qu’émotion. De la cohérence au niveau des tares ou vices mais peu de consistance, certainement car le film se pose en complice de l’amour inconséquent de la sincérité de ce champion de la mise à distance de l’intégralité des problèmes qui peuvent se poser à lui. Le type est muré derrière une foule de dénis (comme accepter de voir l’ignominie de sa fille), son entourage est déplorable et incapable d’apporter une aide véritable : tout dans la moralisation inepte et la pommade affectueuse, jamais de contrainte visant des résultats au-delà de la soirée de la part de l’infirmière. Le final spirituel est une consécration de la fuite perpétuelle de ce type qu’on traite comme un monstre pathétique, alors qu’il est davantage un fou dangereux pour lui-même ; ce qui est bien montré en revanche, c’est que le combat est perdu. Passer le cap vers la comédie aurait été bénéfique pour tout le monde, la farce assumée aurait dissipée le petit parfum mesquin imbibant cette exhibition d’une bête de foire. 757-545. (52)

Tar =+ (drame) : Vu en mai. Voir la critique. 676-657. (62)

The fabelmans – (intimisme USA) : Vu en mai. Voir la critique. 477-343. (38)

Beau is afraid =+ (comédie) : Vu en juillet. Un peu bancal ce passage semi-animé mais admettons… oh mince c’est… tout un chapitre ! J’ai d’abord aimé ce quasi-cartoon psychanalytique et le film sait renouveler le divertissement jusqu’à réaliser, aux alentours du passage au théâtre justement, qu’il ne fait que bricoler sans laisser de chances à son protagoniste de devenir intéressant en-dehors de ses mésaventures. J’en suis sorti avec cette désagréable impression de ‘tout ça pour ça’ (il m’a même fallu parcourir des avis de spectateurs pour me rappeler de nombreux éléments dont les énormités finales dans la lignée d’Henenlotter) et celle d’avoir vu une collection d’épisodes traversée par le même ahuri pleurnichard ; c’est à se demander si Beau is afraid ne devait pas être une mini-série ou n’est pas qu’une collection de courts-métrages reliés en urgence alors qu’une courte fenêtre d’opportunité s’ouvrait.

Pour autant, j’ai rarement vu un film aussi juste sur le thème de la culpabilité et aussi frontal quant à sa source (après y avoir été de façon détournée pendant au moins deux heures) : si ce type est un phobique et un inapte, il le doit à sa génitrice ; cette créature est la synthèse de ce qu’elle a voulu, ajustée par son impatience. Et puis elle ne fait que rejoindre la longue liste des individus probablement préservés d’un bonheur trop complet par une sage loi supérieure et invisible : elle était une entrepreneure géniale, elle ne pouvait pas aussi réussir son fils !

Dans le registre de la fuite en avant inventive avec un héros malmené par l’ensemble de la réalité, je préfère de loin Black book ou L’antre de la folie. 588-566. (58)

Barbie – (fantaisie>comédie USA) : Vu en octobre. Voir la critique. 576-333. (36) 

[Moyen-métrage] South Park : Joining the pandeverse =- (comédie USA) : Vu en octobre. Restera comme un des épisodes les plus ennuyeux et mal bâtis de South Park, générant approximativement aucun rire franc ce qui doit être une première (ou ne concerner qu’un nombre infime d’épisodes atypiques, comme celui avec Butters dans les Caraïbes). La conclusion est incroyablement bâclée, alors que celle du précédent ‘épisode allongé’ (Streaming Wars) était jubilatoire. Seule l’ultime scène est un peu agréable et marquante : une demi-minute de véritable fantaisie vs une quarantaine de minutes à barboter dans les mêmes démonstrations simplistes sans savoir quoi faire de son intrigue principale, ni de ces personnages parallèles (qui ne sont que pénibles). Le retournement en faveur des compétences manuelles est bien vu mais c’est la seule ‘idée’ finalement digne d’être exploitée, ce que les auteurs ont compris… ce qui laisse dubitatif concernant l’existence de cet épisode, davantage utile à se payer Disney et railler les milliardaires mégalos de l’époque qu’à nous offrir de nouveaux exploits de Cartman ou Randy… du moins des exploits dignes de ce nom. Il est temps d’arrêter cette série qui historiquement doit être encore la plus drôle. 465-555. (48)

 

 

SDM 2022 : Novembre (4), Aout à Octobre (3), Juillet (2), Janvier et Mars (1)

Mini 2022 : Décembre, Novembre, Octobre, Septembre, Aout, Juillet, Juin, Mai, Avril, Mars, Février, Janvier

SDM 2021 : Décembre ou 3/3, Juillet ou 2/3, Juin ou 1/3

 

 

TAR =+

11 Nov

Sur le désarroi d’un individu au sommet de la chaîne se découvrant remplaçable – Lydia Tar est contrainte de voir, peut-être les limites de son talent, certainement celles de l’aura et des passe-droits que ce talent octroyait. On la traite pour son image : maintenant cette image devient celle d’une personne de l’establishment qui est pourrie et désinhibée. Or ce n’est pas ce qu’elle est, ou si elle l’est, c’est par accident, ou dans un reflet particulier ; oui mais elle n’a toujours été qu’une image et une missionnaire ; l’image est salie, la mission lui est retirée ; c’est cruel dans les deux cas, injuste dans le second (lui enlever la musique, c’est lui interdire le seul levier pour canaliser sa vanité et la faire se décentrer – d’un narcissisme qui ne peut qu’être douloureux livré à lui-même). Au pire, les méfaits idéologiques et comportementaux dont on l’accuse ne devraient pas compter face à sa contribution pour l’art ; et l’attaquer, ce n’est pas simplement la brutaliser elle, c’est mépriser l’art – c’est ignorer l’œuvre. À moins que l’œuvre ne soit que le refuge des prédateurs plus raffinés – ou inaptes aux conquêtes véritables, la culture étant le domaine des inaptes au commerce, au management des foules et du destin collectif ou des plus puissantes institutions ?

Le film est remarquablement rebutant au départ à cause de son choix d’une voie hermétique et artificielle, spécialement avec cette séquence du déjeuner proche de l’anti-cinéma où le duo ne fait que parler et juger à demi-mots de gens et choses dont on ne sait encore rien. Ces manières doivent illustrer le pouvoir et le prestige du personnage comme la ‘hauteur’ de son univers, en ponçant bien à fond l’ego social du génie – avec cette face publique qui suscite l’admiration pour les initiés à son art, le respect vague sinon secrètement vide des autres ; car qui sait s’il s’agit bien d’un génie ? Peu de gens sauront le juger ; ce qu’on voit, c’est qu’elle est brillante et largement au-dessus de la mêlée par son style et ses réalisations. Mais est-elle davantage qu’une conservatrice de la culture ? Qu’une chorégraphe plus habile que suffisamment d’autres ? Cette difficulté à lire la qualité et l’originalité de sa contribution à l’art est probablement une façon de nous mettre à la place du commun, qui d’ailleurs ne la hait pas pour cette contribution, mais bien pour les fautes commises depuis sa position – voire à cause de sa position pour les plus enclins à guillotiner.

Mais ces jeux de leurres sont un peu surfaits (comme un prétexte à la fuite en avant), de même que la trajectoire de la chute – cependant il n’y a pas d’erreurs : la façon dont est avancé le visage toxique peut sembler maladroite car tout se ‘devine’ trop vite, par exemple l’intimidation de l’enfant a tout d’une surprise ratée. Mais c’est aussi une excellente façon de montrer la confiance excessive de Lydia en son image : car peu d’adultes pourraient sembler hors de tout soupçon d’intimidation sur un enfant et rien chez elle ne l’appelle à passer pour une des exceptions naturelles. Donc le commun de ces moments de supposé dévoilement et ceux où Lydia vit en cohérence avec son image renvoyée pourraient être allégés ; ainsi le film pourrait facilement être réduit d’un tiers sans rien omettre, même en prenant soin de garder les signes extérieurs de mystères ouverts. Car malgré ses deux heures et demi il se permet de laisser en plan l’essentiel des petits arcs pour n’épanouir que la crise égotique et les effusions ; comme si tout, des affaires l’impliquant à la culpabilité de Lydia, devait n’être que détail – et la souffrance, la seule vérité et la seule marque de ces événements.

Sauf qu’au-delà de la ‘tour d’ivoire’ illustrée, Tar fait sienne cette manie d’étirer et ressasser des films ‘sérieux’ et lourds manifestement plus soucieux de nous convaincre de leur importance que de prêter un regard ou offrir une histoire – alors que celui-ci, avec la pression publique du wokistan et en se faisant l’ombre de son héroïne, a une manière spécifique de traiter de la tyrannie (généralement plutôt traitée du point de vue de la victime totale ou du combattant). Laquelle sort du cadre et se répand, la majorité lésée (les collègues) se crispant et répliquant sans excès, les prolos pressés (les jeunes ou étudiants, les observateurs mondains à l’affût du sang) se vautrant dans la rage et la mauvaise foi – s’adonnant à l’ivresse de salir en meute. En somme ce film s’interdit d’explorer des réalités à cause de ce qui fait son succès : l’empathie pour une personne puissante acculée, dont le point de vue en silo a facilité le ‘confort’ psychique et la réussite. Empathie pour une personne et complaisance aristocratique (qui ne peut se vivre que comme tragique dans ce cas, jusqu’à cette conclusion vomissant la ‘sous-culture’).

Écriture 6, Formel 7, Intensité 6 ; Pertinence 6, Style 5, Sympathie 7.

Note globale 62

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BARBIE –

10 Nov

En bon film star pour les masses c’est sur le fond un bric-à-brac d’idées (ou d’échos d’idées) à la mode hypertrophiées ou alambiquées en vain, sinon pour égailler la galerie et les critiques. C’est simplement un divertissement criard et opportuniste avec des éclats de drôlerie ou même d’esprit, calibré avec compétence puisque dès qu’on ne vient pas braqué il y a moyen de pas ou peu s’ennuyer – et je suis venu sans envie ni espoir. The fabelmans de Spielberg réussissait un tour similaire sans passer par l’avilissement – c’était plus doucement et sobrement hystérique. Tout de même certains moments de pastiche trop poussé et les clips avec Ken ont failli avoir raison de mon indulgence.

Par contre, les scènes avec l’équipe dirigeante de Mattel sont tellement minables qu’elles en deviennent écœurantes ; cette volonté de jouer la carte du ridicule pour se ‘dédouaner’, combinée à l’ineptie du trait et de l’imaginaire (mention spéciale à la blague de ‘l’ami juif’ qu’on ne devrait pas pardonner à un enfant qui essaierai de jouer le clown – ce serait lui rendre un mauvais service), rend plutôt l’entreprise pitoyable et suspecte à mes yeux – qui peut trouver ce numéro sympathique ? Respectable ? Pour autant cette attitude correspond bien à l’esprit général de masochisme autoritaire imbibant cette foire où les femmes sont fortes mais ont une grosse souffrance à faire valoir, tandis que les hommes sont lamentables mais il ne faut pas leur en vouloir – mais surtout n’oublions jamais de le rappeler ! Et à eux, de le leur rappeler doucement, car ils sont susceptibles… toujours prêts à faire de la société un enfer !

Finalement ce film ne tient que grâce à son outrance et son couple d’interprètes ; sinon, par quelques initiatives vite usées (la Barbie déglinguée, le délire avec les chevaux). Heureusement il y en a pour tous les goûts (même pour les amateurs de mélo spirituel – la conclusion) et en terme de dialogues et situations, ce Barbie a aussi un lot honorable de bouffonneries à son actif, fondées sur des caricatures ou des inversions… sauf que la seule chose qui ne soit pas considérée comme absurde dans ce programme, c’est le féminisme (solidarité et supériorité féminine), donc tout écart n’est effectivement que plaisanterie. Féminisme de courge superficielle quoiqu’elle s’en défende, mais féminisme encore !

Écriture 5, Formel 7, Intensité 6 ; Pertinence 3, Style 3, Sympathie 3.

Note globale 36

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THE FABELMANS –

9 Nov

Petite histoire de famille au ton léger avec peu d’arguments. Ce n’est pas une de ces catastrophes qui vendrait de façon obscène l’ascension irrésistible d’un génie malgré les barrages et traumas caricaturaux etc ; ça ne risque pas car c’est un ton plus bas. Ce film utilise la vocation du réalisateur que comme un fil au service du rythme et du remplissage, essaie de nous faire avaler des couleuvres – et les étirent. Le point de vue est mignon et débile, ultra répétitif et focalisé, ne tolère aucune finesse. La seule motivation patente de Spielberg et son alter ego consiste à mobiliser et divertir le groupe de façon uniforme (et joyeuse) ; dans une moindre mesure, à se raconter que le cinéma est une épreuve et une consolation – mais à l’écran, tout en affirmant l’inverse à l’occasion, il n’y a de place que pour la consolation, avec un monde simplifié à outrance même par rapport à la moyenne des productions de masse, des complications et épreuves allégées sinon sucrées.

Le rejet de la profondeur concerne aussi l’art : où est la passion pour le cinéma, pour les films, les réalisateurs ? Ses propres recherches, de cinéphile, de technicien par l’apprenti réal ? À des détails près (notamment la direction du chef de guerre) on ne voit que son émerveillement devant certains effets ou tournages – ceux d’un spectateur charmé. C’est pourquoi la scène de rencontre avec John Ford (Liberty Valance, Le fils du désert, Les raisins de la colère, La taverne de l’irlandais), passé le côté rigolo du vieux bourru (trope déjà placé avec tonton cascadeur) joué par un type inattendu (David Lynch), apparaît dans sa bêtise et son conformisme absolus – scène d’autant plus bancale que rien n’indiquait auparavant que le garçon en était admirateur – mais Ford est ‘le’ cinéaste de l’époque alors dans un monde dépouillé d’ombres, d’individualités hors cartoon et de contradictions durables, admirer ‘le’ patron du domaine est au minimum une évidence.

Finir là-dessus est un peu gênant et montre que Spielberg n’avait pas l’intention de faire une autobiographie digne de ce nom, même de façon biaisé ; il a fait une de ces attractions efficaces et vite digérées (mais d’une efficacité telle qu’elle peut suffire à rendre ce travail admirable), pleine de sentiments et surtout jamais sombre ou ambiguë, dont il a le secret – mais ce créneau est saturé. Beaucoup déplorent la prestation de Michelle Williams, alors que c’est une ‘bipolaire’ convaincante : je me demande ce qui a pu meubler les deux heures pour eux ?

Écriture 4, Formel 7, Intensité 7 ; Pertinence 3, Style 4, Sympathie 3.

Note globale 38

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