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COBRA =-

8 Juin

cobra

Après l’illustre Rambo 2, le tandem George Pan Cosmatos/Stallone enfonce le clou. Ultra-typé et extrêmement vulgaire, Cobra est une sorte de blockbuster au pays de Nanarland. Bien qu’il ait l’allure d’une quintessence de série B, il jouit d’un budget assez large : suffisamment pour faire apparaître des hélicoptères, sans qu’ils absorbent la moitié des finances comme pour Les tomates tueuses. Le film sera un relatif échec au box-office, stoppant net une rafale de plébiscites connus par Stallone, auteur du grotesque scénario de cette bouffonnerie semi-volontaire à 25 millions de $, tapissée de placements Pepsi.

En terme de bourrinage c’est une merveille. Stallone interprète le lieutenant Marion Cobretti, aka Cobra, une grosse brute cool coupant sa pizza aux ciseaux. À l’aise dans le monde physique, Cobra est carré, non-émotif, puissant et il garde une allumette entre les dents ; mais aussi, il est droit, avec sa morale de bonhomme, bien limpide et sans débordements. Face à lui, la secte des haches, une bande de tarés avec gueules d’atmosphère. Il faut les voir, avec leurs faciès de porcs suants ou de sur-névrosés transis. Ils grillent les feux rouges et se prennent pour les agents d’un « nouveau monde ».

Et pour les contrer, des connards d’intellos (Andrew Robinson, le Larry d’Hellraiser) barrent la route. C’est pour ça que le type venant vers Cobra à la fin, en lui parlant comme s’il avait à faire à Judge Dredd, se trompe : « This is where the law stops and I start ». Cobra contraste avec le côté Lawful stupid (quoique héroïque) du Judge : il n’est pas toujours attelé à la tache comme lui, mais sait également faire carton plein en y allant serein. Cobra outrepasse les règles pour combattre les tueurs, car dans les affaires hors norme, il faut cesser de tergiverser et y aller avec toute son humble supériorité et sa sincère virilité.

Le côté  »engagé » du film ne le rend pas nécessairement plus sympathique mais au moins plus pittoresque. Il s’agit ici de dénoncer la criminalité (on aurait pu croire la corruption aussi, en fait ce sera pas à l’ordre du jour – juste une infiltration de ces enfoirés) et appeler à la prendre en main pour de vrai. La grossièreté générale et intégrale affecte évidemment cette rhétorique sociale ; le climax intervient en voiture, avec Stallone accompagné de sa protégée (Brigitte Nielsen, son épouse d’alors). Armée de son bon sens, elle clame qu’il faudrait « enfermer tous les détraqués ». Réponse laconique et percutante de Cobra : « faut le dire au juge ».

Putain ! Chienne de justice ! Et en une phrase il lâche tout : « Nous on les attrape, les juges les libèrent ». On se croirait dans du vigilant pour bœufs sanguins, avec des univers, des motivations entières, réduites à leur plus simple expression. On est pas trop loin d’Harry Brown idéologiquement, juste à l’autre bout de la ligne concernant la sensibilité et la mesure de son sujet. Mais c’est ainsi pour tout dans Cobra, car on est dans l’exploitation sauvage, la désinhibition extrême. C’est tellement lourd, mais avec une inspiration grandiose pour ça ! Et il y a tellement à nous foutre à la vue !

Quelquefois cela vire à l’absurdité complète : objectivement, dans la scène du supermarché, Stallone est surtout en train de tirer sur des caddies et défoncer des poireaux. Problème du film autrement choquant que ses filtres rouges dégueulasses : on ne voit pas les morts, bien qu’elles soient nombreuses. Et ça sonne très cheap. Pour ces raisons le film se plante parfois ; le saute-moutons de voitures est soporifique, la lourdeur ne paie plus lorsque les deux camps se préparent en simultané. Ces passages à vide entament fortement le capital de Cobra et montrent les limites qu’atteint un ‘nanar’ involontaire, souvent tenu comme un plaisir coupable depuis et même entré dans la légende par cette voie.

Involontairement, Cobra a des airs de parodie ‘grave’ bientôt plombée par ses défauts de cohérence (les bidons inflammables dans l’usine, la veille à l’hôpital, la précision des tirs ; le défaut de stratégie des méchants atteignant des sommets n’ayant d’égal que leurs mines crispées ou dégénérées). Dans une comédie burlesque claire et nette, ils seraient délibérés et instrumentalisés, ou alors constitueraient des coquilles sans incidence. Ici ils ont plutôt tendance à alourdir le délire et à souligner des failles critiques. Malgré tout, Cobra garde un charme remarquable et reste taillé pour être ‘culte’, même si les pires raisons y participent.

Il est largement plus aimable que d’autres action-movie badass des années 1980 en raison de l’ampleur de son univers et de l’intensité des caricatures ; il est aussi plus entraînant que Commando, autre colosse du plaisir coupable dans ce registre-là, avec le concurrent principal de Stallone, monsieur Terminator (Schwarzenegger). Dans Commando, le second degré en roue libre, un peu mollasson, finit par engendrer un détachement malvenu. Cobra au contraire est plutôt sincère, emphatique lorsqu’il s’enfonce dans la bouffonnerie et doté d’un bon gros message signant la différence entre les petits joueurs écervelés et les beaufs lumineux avec des convictions.

Note globale 52

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Suggestions… Léviathan/Cosmatos + Running Man + L’Ange de la Vengeance

Scénario & Ecriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (2), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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JE VOUS SALUE MARIE **

17 Fév

2sur5 Le fétichiste des éruptions intellectuelles jette son dévolu sur la religion – catholique. Après une période de babillages conformes au pire des habitudes, son Je vous salue Marie cesse de jouer avec les mots et les questions pour mieux rapporter le cheminement d’une jeune vierge présentée comme la Marie du nouveau jour. À terme Godard refait la vérité et la vocation de Marie et finalement reformule donc la foi et un culte pré-existant à sa sauce. Conclusion : tout peut être balayé, pardonné, etc, tant qu’on est lunaire, chaste et de bonne volonté.

Toutefois mademoiselle se révolte, de façon si belle et bonne que la solution lui apparaît : la fornication alternative sera la vraie méthode pour niquer Lucifer (ça c’est dans le texte). D’où cette sentence magique : « On a pas besoin d’un trou de bouche pour manger, mais d’un trou de cul pour avaler l’infini » (62e minute dans la version courte). Décidément la pédanterie mène à des sommets, certes des sommets à l’envers, mais musclés à leur façon. La catholicité réelle est tout de même de la partie, d’ailleurs on fait retentir l’orgue ; puis les sujets sont forts : quelle cause première, qu’est-ce qui orchestre, etc.

Questions monstres, il faut évacuer ; c’est bien difficile ; alors on tartine, puis se drape dans des annonces sur l’esprit et le corps interagissant. Plouf plouf, mais avec des gratifications ! Dans une scène éclair la fausse Marie est surprise nue dans sa salle de bains et nous ferme la porte ; peu après on la retrouve dans sa baignoire avec la voix-off expliquant ses satisfactions élevées. Dans les empilements qui suivront la nudité sera très présente et le montage (par Anne-Marie Miéville, réalisatrice du Livre de Marie qui est le complément et la supposée introduction à ce Je vous salue Marie) se fait moins épileptique, presque posé, ce qui permet au style Godard de s’harmoniser dans son apathie raisonneuse.

Les multiples passages de diverses filles matures mais sans impuretés, gras ni poil divertissent, mais cette redondance a le tort de s’appliquer aux autres motifs. Les plans face au ciel se répètent, comme si Godard avait aperçu là-haut un moignon d’idée et revenait guetter, à moins que ce soit simplement par pause, habitude, ou car paraît-il la révélation surgirait de là. Quoiqu’il en soit cet opus vaut le détour, car même si au départ les manies les plus désinvoltes et débiles de Godard sont poussées à fond, avec systématisme, dans l’ensemble la séance doit être une des plus agréables. Godard se lâche en terme d’humour (pas autant que dans Week-end et sans viser ce niveau) et fait défiler un chien stoïque, son élu consacré dans Adieu au langage.

Note globale 42

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Suggestions…  Flash Gordon + Merci pour ce moment

Note ajustée de 40 à 42 suite à la suppression des notes en -0.

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SAGA RAMBO +

31 Août

RAMBO +

Sylvester Stallone restera dans l’Histoire du cinéma grâce à deux contributions majeures au cinéma d’action : Rocky et Rambo. Les deux opus originels de ces sagas sont en dissonance avec la carrière future de Stallone et donc son image dominante. Les deux suites de Rambo dans les années 1980 seront elles-mêmes, déjà, des décharges de testostérones un peu aveugles et sans grande épaisseur. Le premier opus, baptisé First Blood aux USA mais adapté d’un roman (de David Morrell) nommé Rambo, présente la chasse à l’homme d’un innocent et ne contient qu’une seule mort (un abruti sadique), dont le héros éponyme n’est pas directement responsable – dans le 3e opus, il y aura 127 victimes. Ce rôle a été proposé à de nombreux acteurs américains des plus fameux (De Niro, Al Pacino, Dustin Hoffman, Jeff Bridges..), qui l’ont tous repoussé.

Rambo cherche à montrer les ravages de la guerre et se déroule hors des champs de bataille. Le personnage éponyme est un vétéran du Viet-Nam, vagabondant dans sa patrie en y trouvant qu’indifférence et incompréhension. Au-delà de l’ingratitude des concitoyens américains, le film pointe surtout le cynisme des décideurs états-uniens et la violences des autorités à tous les échelons. Le métrage s’ouvre sur la découverte de la mort du dernier camarade de combat de Rambo, dont le cancer est un effet de « l’agent orange », défoliant utilisé par l’armée américaine. John Rambo est seul et bientôt livré à une police locale dévoyée. Le seul délit de Rambo est l’errance. L’homme doit porter un fardeau et être blâmé pour cela, alors qu’il n’est coupable de rien. Bafoué à la base, détruit jusqu’au-bout, il devrait encore se justifier et subir les turpitudes de ses supérieurs ou d’autres bandits assermentés. Dans un premier temps, il oppose une résistance passive à l’agressivité abusive s’abattant sur lui. C’est un homme impassible parce qu’il est solide mais abîmé : et en tant qu’abîmé, il se doit d’être d’autant plus fort. Il est imperméable parce que vidé de son énergie et par réaction immunitaire, qui le contraint à endurer l’iniquité.

Il ne s’attend à rien, a passé depuis longtemps le cap du dégoût ou de la haine, ou du moins les a-t-il endormis pour arriver à tenir. Ce profil (son histoire moins) fait donc écho à celui du héros de Rocky, où Stallone interprétait de façon tout aussi brillante une brute sensible, endurcie par un univers impitoyable et médiocre : dans Rocky l’outsider devenait un champion, ici le rêve américain est dénié et le champion n’est qu’une bête humaine devenue obsolète et même dangereuse, tardant à mourir alors qu’on l’a purgée de ses ressources. Rambo n’est donc pas un film de guerre mais sur la guerre et ses lésés, c’est-à-dire le matériel humain, employé pour confronter le réel mais aussi instrumentalisé pour être fondu en machine de guerre. La bureaucratie militariste se décharge de toute responsabilité et laisse ses sbires se défouler. Lorsque la traque de Rambo s’engage, le déploiement est excessif. Les forces de police sont surtout conduites par leur colère gratuite et leur mesquinerie, voir par la promesse de récompenses. Rambo revit alors, chez lui aux Etats-Unis, une situation où il est l’ennemi public. Là où il devrait avoir le repos et être respecté pour son sacrifice, il revit l’enfer. Le stress post-traumatique vient se joindre à ce vécu pour en faire une réminiscence littérale.

Les limites plus formelles du film sont là : la démonstration est implacable, mais le prétexte de la chasse peut sembler léger (les policiers s’enflamment vite) et les enchaînements qui en découlent gardent un côté surfait. Ces quelques détails, ou les tunnels d’irrésolution liés à la traque ou son organisation (notamment lors de son lancement), n’entament pas la force et la cohérence du propos. Le final est ouvertement politique et explicite le message, avec l’implosion émotionnelle de Rambo, qui s’est déjà effondré sur ce terrain. Film d’action original, aéré plus que désuet, Rambo est aussi un survival décalé, révélateur d’injustices occultées : c’est le cas en général et ça l’était à son époque, lorsque les soldats rentraient dans une Amérique sous influence hippie, vannée par l’échec de l’expédition et tous ces efforts de guerre infructueux, la mettant face à son immoralité, ses faiblesses et son usure. Les vétérans deviennent alors des charges pour les rois du monde-libre et accessoirement les bouc-émissaires des moralistes s’opposant à ce bourbier sans tenir compte du facteur humain lié à leur propre maison.

Note globale 72

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Suggestions… Predator + Assaut/Carpenter + Class 1984  

Scénario & Ecriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (3), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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RAMBO 2 =-

Rambo perd sa substance initiale pour être re-politisé anti-communiste dès sa première suite. La séquence d’ouverture est éloquente, en elle-même et en tant qu’annonce : la photo de Jack Cardiff est remarquable, les décors soignés et déjà, le scénario est bancal. Le colonel vient chercher Rambo en prison pour lui confier une mission en Thailande. L’opération est hautement périlleuse mais il sera probablement gracié pour ce service. C’est tout à fait défendable mais ça cloche déjà par rapport au premier opus. Le seul écho relativement fidèle, c’est qu’il se passe peu de chose pendant que Rambo s’égare dans la jungle – c’est l’essentiel, parsemé de scènes d’actions explosives mais sans sève.

Rambo II est moins méprisé que son successeur mais peut-être encore plus considéré comme un navet grandiloquent ; au rayon ‘nanarland’, Rambo III garde pour avantage les réparties bouffonnes ou perçues comme telles (« ça fait du bleu » ou encore « dans ton cul »). Ici les punchlines se font plus solennelles tout en étant à niveau question beauferie ou même niaiseries propagandistes ; c’est par conséquent plus ridicule dans l’ensemble. Le récit est très léger et volontiers incohérent, la romance avec Julia Nickson-Soul (sosie de Sophie Marceau) complètement ratée mais peut-être pas autant que la mort de la dame.

Ce qui sépare Rambo 2 du culte zeddard Hitman le cobra (1987) c’est son brio en dépit de ses manquements. Rambo 2 n’est pas un film de marioles, mais il apparaît tout de même patraque. Le scénario de James Cameron a été (comme pour les autres opus) retapé par Stallone : il faudrait savoir dans quelle mesure cela explique les bizarreries de ce produit à la fois bête et maîtrisé, raide et confus, brutal et atone. L’énergie de la réalisation de Georges Pan Cosmatos (Léviathan), qui retrouvera Stallone dans Cobra (son Commando), semble ‘glacée’ sans être du tout inhibée.

Les gueules d’atmosphère (les russes ou les supérieurs de Rambo – Trautman, Marshall Murdock) se répètent, se contredisent, amorcent de vaines déclamations et lâchent quelques bons mots. Souvent cité [pour sa scène de torture et plus largement] comme un archétype du film d’action décérébré, Rambo 2 honore sa réputation mais sans tomber dans la stupidité cynique ou le grotesque franc, malgré ses engagements idéologiques ou moraux sommaires ou outranciers. C’est une bourrinade un peu relax tirant vers le mélo, avec des exploits badass rares mais généreux (climax : le délire du retour à la caserne).

Note globale 48

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Suggestions… Légitime Violence + L’Etudiante + Le Chacal

Scénario & Ecriture (1), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (1)

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rambo 3

RAMBO 3 =+

Changement d’ambiance. Rambo III est plus expéditif, plus violent mais aussi plus carré que son prédécesseur. Il ne se donne plus de justifications improbables même s’il tache d’insuffler quelques instants de sensiblerie virils et fugaces. Comme Rambo II, il est dans l’action pure et dure, avec un ennemi communiste conventionnel, en opposition au premier Rambo. Mais Rambo II tentait d’imiter les tensions introspectives exprimées par ce premier opus, alignant des séquences chancelantes et insipides à cet usage. Rambo III cherche davantage à maintenir un mouvement net et y parvient, même s’il n’a pas grand chose à exprimer ; s’il tourne à vide, au moins, il tourne et avec force.

Le sérieux extrême est toujours au rendez-vous, soutenu par des scènes d’action plus lisibles et des dialogues aux registres variés. Le changement de cadre est bénéfique, l’exotisme forestier s’épuisant déjà dans le second opus, alors que le désert afghan offre de larges possibilités, rapprochant parfois de décors très ‘BD’ (Indiana Jones ou Tintin) sans souscrire aux ambiances assimilées. On entre dans un ‘ailleurs’, directement et entièrement sur la zone de combats, où le sol américain n’existe plus (sauf dans le plan d’ouverture avec l’ambassade en Thaïlande). La lourdeur bizarre du 2 est évacuée, donnant un programme équilibré (en opposition aussi au 1, au découpage trop schématique).

C’est encore un divertissement avec sa morale, souvent déformée par les détracteurs mais aussi plus largement par un public avide de caricaturer – comme s’il en était besoin avec des produits fabriqués pour être grossiers et donnant la marchandise promise par ailleurs. Il y a certes une centaine de morts mais sauf bolcho à l’horizon, John Rambo n’est aucunement un patriote malveillant et sans âme dégommant des étrangers inférieurs (ou cramant des viet-namiens au napalm). Au contraire on a à faire à un gentil film pro-afghan (après tout on pourrait les montrer comme une main-d’œuvre décérébrée) où les bourrins ouvrent leur cœur et parlent d’honneur. Ici les afghans forment une communauté de soldats valeureux et héroïques, défonçant les ennemis de la Liberté.

Au contraire de ces saints badass (le folklore aperçu est superficiel, comme les échanges), on retrouve les soviétiques : la mort de leur empire est proche mais il est encore temps pour ces cocos de se manger leur Viet-nam. Produit reaganien à fond, mais du reaganisme mielleux où l’axe du Bien inclus une race de warrior positifs, un John Rambo acceptant sa destinée de machine de guerre (habile court-circuitage -rachat?- du propos du 1) et même un colonel descendant sur le terrain, profitant de la fourberie soviétique pour rappeler ses aptitudes et son mérite (au contraire des autres militaires ou bureaucrates). Aujourd’hui le démon est mort et les alliés vertueux l’ont remplacé, par conséquent même les gauchistes pourront apprécier sans culpabilité la coolitude de Rambo III, sauf naturellement les moralistes avec trois wagons de retard.

Note globale 56

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Suggestions…

Scénario & Ecriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (2), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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john rambo

JOHN RAMBO +

Vingt-six ans après le premier Rambo, le super-soldat malgré lui fait son retour, dans l’un des rares films occidentaux reflétant les conflits armés contemporains en Birmanie. Stallone réalise lui-même John Rambo (il tournera Expendables l’année suivante), quatrième opus en rupture avec les deux suites de 1985 et 1988, produits conformes aux velléités de l’administration reaganienne. De la dénonciation d’abus de pouvoirs et manipulations de ressources humaines par l’armée, Rambo devenait un américain indépendant rejoignant la ligue anti-communiste, soutenant au passage les bons, pieux et badass Afghans (3e opus) dans leur combat pour la liberté.

Débarrassé de toute grandiloquence et de toute connivence avec une idéologie du moment, John Rambo se rapproche du premier opus en auscultant discrètement l’état psychologique et moral de son (anti)héros. John Rambo s’inscrit plus clairement dans le registre de l’action-movie et est sur ce plan le meilleur cru de la saga, de loin le plus intense et énergique. Simple, carré, percutant, il pose un cadre concis, opère en 80 minutes, avec une mission menée à son terme : faire le job, montrer ce que c’est surtout. John Rambo (film comme personnage) est un exécutant excellent et sans bavures, mais aussi un exécutant lucide, sec.

L’approche est intéressante, nullement hagiographique, brutale et sincère. Le personnage éponyme a évolué, son recul s’est radicalisé et teinté d’un désespoir inamovible. Mature, posé, Rambo n’est plus secoué par ses troubles passés et a carrément évacué toute spontanéité. Il prend en charge les situations, sa non-émotivité flirte avec l’indifférence aux agitations voir aux provocations des autres, sa maîtrise des contingences le conforte dans une telle position. Fataliste, il admet que les hommes sont ainsi, faits pour la guerre. Une telle disposition est vertueuse, lorsqu’elle rend prêt à agir en occultant ses besoins propres ou une morale personnelle ; quand il ne vivote pas, il s’élance afin de réparer, un peu, ce monde inique et sordide.

Rambo est un Churchill désabusé (et sans recul) lorsqu’il se tourne vers les autres recrues de la mission en cours (« vivre pour rien ou mourir pour quelque chose ») – l’armée d’élite partant en sauvetage. Le revers se manifeste là, en écho à ce fatalisme bourrin et implacable : il manque une extension pour faire de ce John Rambo un ‘grand’ film, quoiqu’il pèse déjà très lourd. Pas de ré-adaptation, pas de révélations ou de cheminement vers la révolution, pas de promesses lumineuses. Il ne pouvait y avoir d’envolées, c’est son caractère et le ciment de sa puissance ; mais sans doute qu’un plongeon plus large dans l’intimité de Rambo, ou même une relance majeure qui aurait allongé le programme, aurait pu porter ses fruits.

Tant pis, ce happening consiste à monter au créneau, un créneau d’une violence extrême et puis rien d’autre, du moins sans se perdre en ambitions futiles ou en espoirs menaçants. Ainsi, au départ Rambo rejoint le groupe humanitaire en étant persuadé qu’il ne changera rien de la donne actuelle ; mais la volonté, l’engagement sérieux et les charmes de la leader (Julie Benz, vue dans Les Visiteurs 3) le poussent ; de plus sa nature lui interdit de rester passif, quelque soit ses constats. Le final marque un retour au pays et célèbre cette simplicité ; un coin joli et pacifique pour le guerrier revenu de tout.

Note globale 73

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Suggestions… Rocky Balboa + Du Sang et des Larmes  

Scénario & Ecriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (4), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (4)

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LAST ACTION HERO =-

2 Août

Renié par son auteur John MacTiernan, Last Action Hero est un objet de culte pour de nombreuses personnes et a été l’un des premiers fétiche de cinéphiles pour toute une génération. Son appréciation est paradoxale puisqu’à ce biais subjectif s’ajoute des considérations critiques souvent plus mitigées. Il semblerait qu’il faille avoir tissé un lien intime et juvénile à Last Action Hero pour mieux l’aimer et peut-être, l’excuser.

Car si son concept est ambitieux, il est aussi traité de façon très superficiel. Dans Last Action Hero, un enfant se voit remettre un ticket magique par l’ouvreur de sa salle de cinéma préférée, qui lui-même l’a obtenu grâce au magicien Harry Houdini. Le petit Danny Madigan se retrouve alors au cœur de l’action de Jack Salter IV, film d’action de sa saga favorite avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal. Il suit son héros et déambule avec lui dans le film, où il est un élément perturbateur et omniscient.

Ainsi il accomplit un rêve de gamin et de cinéphile : entrer dans le film ; mais il va au bout des choses et passe son temps à exposer les ficelles. Il pointe cette réalité artificielle, celle d’un film car elle est trop belle, trop lisse, trop flamboyante. Le film se veut une parodie des blockbusters et des gros films d’action, mais aussi un hommage au 7e art et enchaîne les références explicites à des classiques de tout ordre (Terminator 2, Les Griffes de la Nuit, Amadeus, Le Septième Sceau, etc).

Danny lui-même pointe les contraintes (film tout public) et les codes (du film d’action et de gangsters) façonnant le spectacle pour lequel son héros et tout son environnement ignorent être pré-destinés. Danny se situe cumule ainsi action conforme et analyse extravertie, pendant que se déroule un programme interminable, avec un point de vue à hauteur, c’est-à-dire enfantin, avec des amertumes dérisoires et un contenu critique vide et prétentieux. Le film peut tout à fait donner à rêver pour les spectateurs acquis très jeunes ou sensibles d’emblée – quoiqu’il en soit son ambiance est lourde, ses gags médiocres.

Monsieur Prout et les gaz bombardés sur la ville induisent de l’ennui et rien d’autre, sinon peut-être un peu de fatigue. Les sympathies du film sont grossières, sa démagogie à destination du public jeune assez primaire ; elle s’illustre notamment par cette prof de cinéma en intro, cool sous les airs old school, plébiscitant le souvent moqué Le choc des titans. Les punchline s’accumulent, avec quelques perles secondaires et beaucoup de choses quelconques. Et surtout John MacTiernan est derrière la caméra et peu importe le contexte et ses limites, la qualité de ses prises de vue et de sa représentation de l’action est la même. L’homme de Predator et Piège de cristal s’en tient à la pure surface et immédiateté, avec brio et démesure.

Note globale 52

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RESERVOIR DOGS =+

17 Mai

En 1992, Reservoir Dogs est une surprise et lance la carrière de l’un des cinéastes les plus influents des deux prochaines décennies : Quentin Tarantino. Doté d’un budget dérisoire gagné avec la vente du scénario de True Romance, Reservoir Dogs a d’abord vocation à n’être qu’un film amateur en format 16mm. Miracle : Harvey Keitel, le monstre de Bad Lieutenant, rejoint le casting. Tarantino commence à voir plus grand et construit progressivement le casting, obtenant notamment Steve Buscemi qui commence alors à se faire connaître grâce à son rôle dans Barton Fink.

Le film sera tourné dans des conditions minimalistes, quelquefois pénibles, avec toujours un budget très modeste. Il va connaître un succès en salles modéré mais agite énormément la profession et le public. Reservoir Dogs sidère, est couvert d’éloges et suscite certaines polémiques, concernant le langage de ses interprètes et sa violence extrêmement crue. Le style Tarantino s’impose, dès ce premier coup-d’éclat : les dialogues jubilatoires et parfois brillants, cette complaisance envers la violence, le parti-pris pour un cinéma de divertissement pur.

Et surtout, plus qu’un film, une fabrication artisanale précise composée d’éléments empruntés aux multiples classiques universels et personnels de Tarantino. L’ensemble des détails, dans Reservoir Dogs, renvoient ainsi à un autre dans l’Histoire du cinéma. Globalement, Reservoir Dogs se veut selon son réalisateur une version de L’Ultime Razzia de Kubrick, par l’utilisation similaire des flashbacks. Au-delà, même l’idée des couleurs pour désigner chaque gangster est issue d’un film antérieure (Les Pirates du métro) et Tarantino s’inspire directement du cinéma hong-kongais, des polars de Melville (Le Samourai, Le Doulos), de Joseph Lewis, ou de façon plus vaste du film noir et de ses composants bien précis.

Enfin Reservoir Dogs intègre une foultitude de références à la pop culture et les revendique par le biais de ses personnages. La séquence d’ouverture est d’ailleurs une conversation dans un bar, avec tous les protagonistes, au sujet des diverses productions du moment ou d’un passé proche. Cette mosaique de références, ce style décontracté et frontal, cette intégration de la culture mainstream mêlée à des références plus classiques ou bien underground, font de Reservoir Dogs un film d’un genre nouveau. Il est considéré comme une étape importante pour le cinéma indépendant américain et l’ensemble des séries télévisées de grande ampleur citent le film à leur tour. Il a aussi généralisé la structure narrative non linéaire et le cinéma de cinéphile dans un mode plus terre-à-terre mais qualitativement exigeant.

Tarantino allait ensuite persévérer, parvenant selon l’avis général à son climax avec Pulp Fiction, mais surtout donnant dans la surenchère à partir des aspects qu’il mettait déjà en avant. Son cinéma atteindra un certain degré de vacuité (les Kill Bill), dangereux mais parfois sublime, jusqu’à l’écroulement total et la vulgarité dans Inglourious Basterds puis dans une moindre mesure avec Django Unchained. Dans Reservoir Dogs, les failles de ce cinéma sont déjà là : gratuité des effets, philosophie laborieuse, grossièreté du trait, superficialité crâne, méthodes aléatoires confinant à la paresse déguisée. Elles sont l’envers d’un style unique, hommage de chaque instant au cinéma et à la culture indifféremment de sa source ou de son niveau.

Note globale 64

 

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Suggestions…  Jackie Brown + Les Affranchis 

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