COBRA =-

8 Juin

cobra

Après l’illustre Rambo 2, le tandem George Pan Cosmatos/Stallone enfonce le clou. Ultra-typé et extrêmement vulgaire, Cobra est une sorte de blockbuster au pays de Nanarland. Bien qu’il ait l’allure d’une quintessence de série B, il jouit d’un budget assez large : suffisamment pour faire apparaître des hélicoptères, sans qu’ils absorbent la moitié des finances comme pour Les tomates tueuses. Le film sera un relatif échec au box-office, stoppant net une rafale de plébiscites connus par Stallone, auteur du grotesque scénario de cette bouffonnerie semi-volontaire à 25 millions de $, tapissée de placements Pepsi.

En terme de bourrinage c’est une merveille. Stallone interprète le lieutenant Marion Cobretti, aka Cobra, une grosse brute cool coupant sa pizza aux ciseaux. À l’aise dans le monde physique, Cobra est carré, non-émotif, puissant et il garde une allumette entre les dents ; mais aussi, il est droit, avec sa morale de bonhomme, bien limpide et sans débordements. Face à lui, la secte des haches, une bande de tarés avec gueules d’atmosphère. Il faut les voir, avec leurs faciès de porcs suants ou de sur-névrosés transis. Ils grillent les feux rouges et se prennent pour les agents d’un « nouveau monde ».

Et pour les contrer, des connards d’intellos (Andrew Robinson, le Larry d’Hellraiser) barrent la route. C’est pour ça que le type venant vers Cobra à la fin, en lui parlant comme s’il avait à faire à Judge Dredd, se trompe : « This is where the law stops and I start ». Cobra contraste avec le côté Lawful stupid (quoique héroïque) du Judge : il n’est pas toujours attelé à la tache comme lui, mais sait également faire carton plein en y allant serein. Cobra outrepasse les règles pour combattre les tueurs, car dans les affaires hors norme, il faut cesser de tergiverser et y aller avec toute son humble supériorité et sa sincère virilité.

Le côté  »engagé » du film ne le rend pas nécessairement plus sympathique mais au moins plus pittoresque. Il s’agit ici de dénoncer la criminalité (on aurait pu croire la corruption aussi, en fait ce sera pas à l’ordre du jour – juste une infiltration de ces enfoirés) et appeler à la prendre en main pour de vrai. La grossièreté générale et intégrale affecte évidemment cette rhétorique sociale ; le climax intervient en voiture, avec Stallone accompagné de sa protégée (Brigitte Nielsen, son épouse d’alors). Armée de son bon sens, elle clame qu’il faudrait « enfermer tous les détraqués ». Réponse laconique et percutante de Cobra : « faut le dire au juge ».

Putain ! Chienne de justice ! Et en une phrase il lâche tout : « Nous on les attrape, les juges les libèrent ». On se croirait dans du vigilant pour bœufs sanguins, avec des univers, des motivations entières, réduites à leur plus simple expression. On est pas trop loin d’Harry Brown idéologiquement, juste à l’autre bout de la ligne concernant la sensibilité et la mesure de son sujet. Mais c’est ainsi pour tout dans Cobra, car on est dans l’exploitation sauvage, la désinhibition extrême. C’est tellement lourd, mais avec une inspiration grandiose pour ça ! Et il y a tellement à nous foutre à la vue !

Quelquefois cela vire à l’absurdité complète : objectivement, dans la scène du supermarché, Stallone est surtout en train de tirer sur des caddies et défoncer des poireaux. Problème du film autrement choquant que ses filtres rouges dégueulasses : on ne voit pas les morts, bien qu’elles soient nombreuses. Et ça sonne très cheap. Pour ces raisons le film se plante parfois ; le saute-moutons de voitures est soporifique, la lourdeur ne paie plus lorsque les deux camps se préparent en simultané. Ces passages à vide entament fortement le capital de Cobra et montrent les limites qu’atteint un ‘nanar’ involontaire, souvent tenu comme un plaisir coupable depuis et même entré dans la légende par cette voie.

Involontairement, Cobra a des airs de parodie ‘grave’ bientôt plombée par ses défauts de cohérence (les bidons inflammables dans l’usine, la veille à l’hôpital, la précision des tirs ; le défaut de stratégie des méchants atteignant des sommets n’ayant d’égal que leurs mines crispées ou dégénérées). Dans une comédie burlesque claire et nette, ils seraient délibérés et instrumentalisés, ou alors constitueraient des coquilles sans incidence. Ici ils ont plutôt tendance à alourdir le délire et à souligner des failles critiques. Malgré tout, Cobra garde un charme remarquable et reste taillé pour être ‘culte’, même si les pires raisons y participent.

Il est largement plus aimable que d’autres action-movie badass des années 1980 en raison de l’ampleur de son univers et de l’intensité des caricatures ; il est aussi plus entraînant que Commando, autre colosse du plaisir coupable dans ce registre-là, avec le concurrent principal de Stallone, monsieur Terminator (Schwarzenegger). Dans Commando, le second degré en roue libre, un peu mollasson, finit par engendrer un détachement malvenu. Cobra au contraire est plutôt sincère, emphatique lorsqu’il s’enfonce dans la bouffonnerie et doté d’un bon gros message signant la différence entre les petits joueurs écervelés et les beaufs lumineux avec des convictions.

Note globale 52

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Léviathan/Cosmatos + Running Man + L’Ange de la Vengeance

Scénario & Ecriture (1), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (2), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

Voir l’index cinéma de Zogarok

.

Laisser un commentaire