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THE REEF =-

9 Jan

Après avoir co-réalisé Black Water avec David Nerlich, Andrew Traucki s’inspire à nouveau d’une histoire vraie pour gonfler les rangs de l’horreur animalière. Black Water a été une jolie pièce pour l’anthologie du ciné-croco ; The Reef vient sur le terrain des dominants, en terme de popularité et de représentation : les requins. Les spectateurs passeront encore l’essentiel de la séance dans l’eau, auprès des zones les plus pittoresques de l’Australie que les touristes (même nationaux) ont forcément tort de violer. Le film commence comme une balade dans un rêve de catalogue, exotique pour la plupart : le soleil est éclatant, le ciel d’un bleu presque mirifique. C’est caricatural, mais à ce point c’est balèze, surtout avec une telle ‘simplicité’. Malheureusement c’est au milieu de ces paysages que le bateau de la petite troupe se heurte à un récif corallien.

Au-delà des décors, The Reef est notable pour ses jolis plans, mais aussi pour son manque d’intensité d’autant plus épatant qu’il demeure lorsqu’il se met en mouvement. Il y a plus de force dans certains tableaux (la rencontre avec la ‘tortue’), que les esprits jeunes ou disposés pourront retenir, que dans les aventures elles-mêmes, les accès de panique ou les attaques de prédateurs. Black Water berçait dans une espèce de stase, bizarrement bien gérée ; là, il n’y a que remous constants, pleurs laconiques. La bande-son est au diapason, à la fois lourdingue et discrète, omniprésente. Les personnages sont assez niais mais sont également de jeunes adultes présumés passe-partout, à l’écart d’outrances teen. Les dialogues semblent lorgner vers la comédie plus vite que ne le font les situations – d’où la bizarrerie d’instants décalés ou au sérieux douteux (« tu vas ressembler à un phoque ») ; idem pour les gémissements triviaux (« les préliminaires »).

The Reef jouit d’une excellente réputation dans son domaine, étant considéré comme un des meilleurs films de requins. Il est toutefois bien moins ‘fun’ (car c’est aussi son but?) que Peur bleue et (fatalement?) insignifiant par rapport au maître établi Les dents de la mer (sans que la qualité soit en jeu – il n’est pas radicalement plus mauvais). Open Water, champion du minimalisme, le domine également en terme de malice et d’intensité. Néanmoins, pour ceux qui sont désespérés par les rafales de Sharknado, Mega Shark, Sharktopus et leurs successeurs (directs y compris, car ceux-là ont engendrés des sagas), The Reef sera un soulagement. C’est un travail honnête, sûrement ‘bon’ dans son monde. Ça n’en reste pas moins sans relief : du grindhouse des années 2000, anormalement bien encadré, platement exécuté.

Andrew Traucki dévalera la pente par la suite. En 2013 il va sur un terrain plus rare dans l’horreur animalière en se penchant sur les léopards, mais le public décroche et les critiques sont pour la première fois calamiteuses. Outre The Jungle, il contribue à ABCs of Death, film à sketchs réunissant les contributions d’auteurs jugés significatifs dans la galaxie Horreur. Son segment (G is for Gravity) est le plus court mais surtout le plus parfaitement absurde, au point qu’on ne sait même pas s’il faut parler de médiocrité dans son cas. C’est un truc de deux minutes à peine où un surfeur s’élance puis disparaît, vraisemblablement embarqué par un requin (plan final sur une planche). C’est beau de vouloir resté vissé à son sujet mais il y a un moment où le purisme et le rejet du suspense dépassent l’entendement.

Note globale 46

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Calme blanc + Piranha 3D + Plein Soleil + Le territoire des loups

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (1), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (2), Audace (1), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

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L’ENQUÊTE (Garenq 2015) =+

9 Jan

Il y a deux affaires Clearmstream. La première découle de l’enquête sur cette multinationale menée par Denis Robert (Révélation$, La Justice ou le chaos), ex-journaliste de Libération (où ses préoccupations pour les dossiers « sérieux » concernant ou compromettant la démocratie l’ont amené à une certaine solitude). Le grand-public apprend alors l’existence des chambres de compensation. L’enquête de Denis Robert le conduit aux paradis fiscaux. La seconde affaire Clearmstream est celle des listes de comptes falsifiés (les frégates de Taïwan) : après les calomnies (notamment du journal Le Monde) et les attaques judiciaires, Robert est manipulé. Des personnalités politiques (Alliot-Marie, Chirac), notamment deux adversaire au sommet de l’État (Sarkozy et De Villepin) et des industriels sont impliqués. Clearmstream est rabaissée au niveau d’une énième embrouille de ‘politique politicienne’.

L’Enquête relate ces deux affaires à travers l’expérience de Denis Robert, contacté par le réalisateur Vincent Garenq (Comme les autres). Comme dans Présumé coupable (son précédent film, sur l’affaire d’Outreau), l’ouverture est marquée par l’irruption de policiers chez un homme qui s’apprête à être écrasé par le système. C’est moins violent cette fois, les intrus s’en tenant à la perquisition ; le dossier en revanche est infiniment plus monstrueux. Car il y a des pouvoir plus forts, plus contemporains, plus complexes à figurer que les institutions judiciaires. L’Enquête offre des repères, des faits et visages (la source Ernest Backes par exemple) pour comprendre les affaires Clearmstream, déniaiser si nécessaire à propos de la liberté et des marges de manœuvre de la presse – et du citoyen (notable y compris).

Certaines tournures renvoient au thriller sans que le film n’en épouse jamais pleinement la forme, demeurant dans un espace entre policier, docu-fiction consciencieux et espionnage. Les spectateurs français verront l’illustration d’une page de l’Histoire récente, avec des personnages d’actualité, comme Vincent Peillon (ministre de l’Éducation en 2012-2014), un des rares professionnels de son milieu à s’être emparé [superficiellement] de l’affaire (petit tandem de croisés roses-rouges avec Montebourg). L’Enquête est cependant politisé au-delà du compte-rendu sur des phénomènes de pouvoir ; ce film montre l’infirmité d’un individu face à des empires (des inter-empires plutôt) aux ressources démesurées et à l’ascendant relativement occulte. La bataille de Robert pour la vérité s’achève sur un aveu d’impuissance : « Vous avez gagné, je me tais ».

C’est tout ce qu’il reste à faire pour les petits, les riens du tout socialement parlant, c’est-à-dire rebuts ou soumis ‘naturels’ (‘logiques’ est plus approprié, au vu des circonstances). Finalement Garenq va au bout de ce qui n’était pas encore généralisé dans Présumé coupable : dans celui-là il y avait erreur ; ici la Justice est fantoche (retardataire ou complaisante) quand elle n’est pas achetée. Pas de bavures, mais une confusion voulue ; c’est d’ailleurs à l’image de ces chambres de compensation et de l’opacité entretenue sur les transactions financières. Face à l’argent ‘sale’ qu’elles contribuent à manipuler, les volontés publiques sont inexistantes ; le sujet n’est pas relativisé, rationalisé, mais carrément omis des enjeux posés par le politique et la société civile telle que les médias pré-internet la relaient. Il est prétendu dans le film que les contrôles sont possibles – voire nécessaires à l’échelle mondiale.

Le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke sort escamoté du film, pour des questions de gaucherie et non de malhonnêteté. Le recours à Charles Berling (Ceux qui m’aiment prendront le train, Ridicule, Le Prénom) est donc avisé, lui qui sait composer les benêts instruits mais scolaires (ou autres JeSuisCharlie Bac+8). Imad Lahoud, présenté comme un type totalement dépassé par les événements s’avère finalement avoir toujours des coups d’avance. Sous les traits de Laurent Capelluto, il apparaît malin, insaisissable mais un peu faible. Le moment où il évoque Ben Laden, qui serait différent des images de vieillard pathétique relayées par les Occidentaux dans ses dernières années, met encore en relief la fausseté des représentations courantes sur les questions politiques et notamment sur l’ordre international.

La dimension ‘frissonnante’ est à relativiser : le film s’est vendu comme une enquête haletante, les spectateurs sortiront sceptiques s’ils sont venus pour être galvanisés sur ce terrain. Au fond sa vocation n’est pas là et cette promesse, peu coûteuse et pas totalement trahie après tout, apparaît plus comme un hameçonnage secondaire (employé spontanément par Denis Robert lui-même et par Gilles Lellouche qui joue son rôle) pour capter les demi-mous. La mise en scène met l’accent sur la quête d’objectivité et sur la pédagogie, sacrifiant éventuellement l’intensité ou ‘l’épaisseur’ humaine. La photo est soignée mais avec un côté sciemment grumeleux, des tons un peu verdâtres (certains décors ‘décalés’ sont introduits, notamment des espaces boisés) ; une inspiration auprès des films d’espionnage ou d’investigation journalistique tels que Les Hommes du Président est possible. La BO est penaude lorsqu’il s’agit de dramatiser et malvenue lors de ses élans ‘rock’. Enfin comme dans Présumé coupable, la femme du petit homme promu ‘héros’ pour le pire brille par son manque de compréhension.

Note globale 68

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… La Conquête + La prochaine fois je viserai le cœur  

Scénario & Écriture (4), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (4)

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« L’EAU DES COLLINES » ADAPTÉE +

9 Jan

L’Eau des Collines est un diptyque de Marcel Pignol, qu’il a mis sous la forme écrite et filmée. Claude Berri en a fait le « reboot » 34 ans plus tard ; les deux films qui en émanent sont présentés ici.

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JEAN DE FLORETTE ***

4sur5  Bien avant son embarrassante décadence (Ensemble c’est tout, Trésor), Claude Berri était qualifié de « parrain » du cinéma français. Producteur et réalisateur souvent virtuose mais pas nécessairement inspiré, il laisse notamment l’adaptation du diptyque romanesque de Marcel Pagnol, L’Eau des collines. Celle du premier volet, Jean de Florette, est la grande championne des entrées françaises à partir de la fin d’été, en 1986.

Pendant les années 1920, Jean de Florette vient s’installer dans un petit village de Haute-Provence. Ce bossu citadin veut faire fructifier son récent héritage. Ses plans pour ses cultures sont ambitieux. César Soubeyran et son neveu Ugolin vont gâcher toute cette bonne volonté, ruiner ses projets, pour récupérer sa terre.

Le film raconte une fatalité. Il n’y a donc aucun suspense, mais plutôt une ascension, un chemin vers la désolation. Il faut vivre cette tragédie montrant la victoire de la cupidité sur la dévotion. On passe la séance en emphase pour Depardieu, dégoûté par ses lâches adversaires, se jouant de lui sans se révéler. Toutefois ce ne sont pas des monstres, juste des humains viciés, sans foi ni loi sous l’apparence d’une vie honnête et tranquille.

Cette version est plus subtile que celle de Marcel Pagnol (tournée en 1952 et dont il tire ensuite le roman), s’égarant moins en plans-séquences démonstratifs. La couleur locale n’a pas besoin d’être forcée, elle existe par elle-même. Les personnages et les acteurs sont parfaits, profonds, à tel point que nos émotions à leur égard le sont aussi, nous rendant d’autant plus bouleversé par cette injustice.

Note globale 76

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Suggestions…

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MANON DES SOURCES ***

4sur5 Trois mois après Jean de Florette sortait en salles Manon des Sources. Cette suite flirtera avec la barre des sept millions d’entrées franchie par le premier opus. Après l’acharnement des Soubeyran sur Depardieu le bossu idéaliste, c’est l’heure de remonter une autre, celle de la vengeance d’Emmenuelle Béart. La fille de l’héritier sacrifié est devenue une enfant sauvage.

Jean de Florette était tout en nuances. Dans Manon des Sources, le spectacle de la lâcheté des villageois, assumée naturellement voir revendiquée, déclenche en nous des sentiments beaucoup plus univoques. Rien de caricatural ou de misanthrope dans le film ; à peine de l’amertume, malgré son sujet. Plutôt une sorte de stoïcisme ardent, à regarder les Hommes et se mêler parmi eux, constater la petitesse et les espoirs, les équivalences et les choix individuels.

C’est un peu moins bien que le premier épisode, peut-être le manque de Depardieu se fait sentir. Les rebondissements sont plus nombreux, des secrets sont levés et donnent un nouveau sens. C’est de toutes façons un joli film, où l’amour et la Nature emportent tout, non sans douleur ni tendresse, en générant satisfaction et recueillement.

Note globale 71

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