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BOOGIE NIGHTS =+

27 Mai

Boogie Nights offre une vision contrastée de l’industrie de la pornographie. Le film qui a révélé Paul Thomas Anderson (on lui accordera ensuite une confiance aveugle pour exécuter Magnolia) a de petits côtés  »Scorsese s’infiltre dans le porno » ; il nous introduit dans cet univers grâce à différents degrés d’appréciation.

D’abord, il se concentre sur le jeune Eddie Adams (Mark Wahlberg), un garçon paumé mais optimiste qui a trouvé sa vocation ; Boogie Nights s’applique également à être une espèce de traité  »du métier », en rapportant la signification et les implications à une période donnée (seventies -le « Golden Age of Porn »- puis eighties, avec l’arrivée contrariante de la vidéo). Enfin il définit sa nature d’un point de vue communautaire ; car avant tout, la pornographie est une grande famille consanguine.

Réaliste et intégral, Boogie Nights s’inscrit dans la grande tradition de la tragédie américaine, avec le schéma foi et/ou nécessité-extase-doute-décadence ; mais d’abord avec sa propre marque, drôle, lucide, dans un style puissant et précis. Finalement le regard (et le message moral – au jugement impersonnel, carré) est assez standard, de même que la trajectoire sans surprise. La chute de Eddie Adams est trop linéaire ; la star s’alourdit et perd de sa superbe, fait face à de nouveaux concurrents et subit les innovations dans le secteur (plus violent, plus osé, plus varié).

Malgré ce sentiment d’assister à un pastiche, on est néanmoins totalement imprégné par l’angoisse des personnages, ressentant l’impasse, les rêves brisés et les expériences accomplies, subissant la fatalité, notamment de ces portes qui se ferment au profit d’une jeune génération.. laquelle connaîtra certainement les mêmes délices, la même ivresse, la même arrogance, le même désespoir et finalement, la déchéance.

Toutes ces sensations se concrétisent avec le dernier tiers très sombre, où Eddie rejoint sans s’en apercevoir la condition des petits voyous se prenant pour de grands mafieux (on pense au second Scarface lors de la scène de l’échange chez le junkie richissime) : la fête sera courte mais intense. Après l’orgie, toujours la dépression (plan final presque macabre d’un homme seul avec son phallus blasé). Film poignant, emphatique à souhait, ironique mais jamais acerbe. Les acteurs s’y donnent de façon téméraire et on ne sait trop si on admire davantage ou au contraire si l’image de Julianne Moore en sort bien amochée, tandis que Philip Seymour Hoffman atteint des sommets dans l’art du sacrifice.

Note globale 69

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

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SAGA SPIDER-MAN +

27 Juin

A trois semaines de la sortie du quatrième opus de la saga, retour sur le triptyque supervisé par Sam Raimi. Les Spider-Man de ce goreux non repenti avaient su redonner leurs lettres de noblesse aux méga-blockbusters de l’action-movie US. On y découvrait un super-héros geek et candide assurément plus conformiste et consensuel que son homologue et concurrent Batman, mais plus facétieux et charmeur aussi.

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SPIDER-MAN ***

4sur5 Le réalisateur d’Evil Dead et de Darkman se voit définitivement intégré par Hollywood qui lui confie l’adaptation live de Spider-Man, vieille icône des comics Marvel. Un début affreusement cliché autour de l’archétype de l’intello scientifique asocial malgré lui. Un super-blaireau qui acquiert de super-pouvoirs ; si le genre est geek par tradition, ce super-héros là l’est par définition.

Mais le film dépasse tous les stéréotypes sur lesquels il se fonde ( »j’ai un don/une malédiction » : Monk aussi, hein!), et partant, surpasse toutes les espérances. Car ce que Raimi met en scène, c’est une brillante métamorphose : le personnage s’affirme, se dote d’une certaine répartie, gagne en charisme. Il devient attachant et son capital sympathie inespéré permet au spectateur de s’impliquer. C’est d’ailleurs la sensation globale éprouvée devant ce Spider-Man : le film part du cliché, et d’un héros sans attrait, pour devenir particulièrement stimulant et ouvert (d’une romance insipide il évolue vers une intimité riche) ; tout devient possible et cet état d’omnipotence est forcément séduisant. Les séquences édifiantes et intimistes s’emmêlent sans laisser le moindre répit (le combat dans l’immeuble de feu, pour ne citer que lui, concilie parfaitement ces deux pôles) ; le simple film de super-héros est chargé d’une force émotionnelle telle que Spider-Man en arrive à ressembler à une sorte de conte. Un conte sur la mue, le passage à l’âge adulte, les choix qu’il implique et le courage qu’il exige (on pourra estimer que les pouvoirs permettent l’accomplissement de la puberté).

C’est aussi la lutte de deux personnages en plein dédoublement ; en face, Willem Dafoe, gueule hors-norme pour parfait méchant, campe un Bouffon Vert cynique à la rhétorique séduisante. Une créature du Mal qui n’est pas sans rappeler le Joker du premier Batman.

Note globale 73

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SPIDER-MAN 2 ***

4sur5 Un opus plus tard, le super-héros s’inflige une super-couverture avec un métier super-banal (quelle frustration de voir un tel personnage s’infliger pareil, bien que nécessaire, double-jeu). C’est donc machine-arrière toute : Spider Man côté pile est exploité par ses employeurs, à côté de la plaque à cause des difficultés  »techniques » inhérentes à sa double-vie, toujours en retard et endetté, ses conditions de vie sont minables.

Bientôt il voit tout ce qui était cher à ses yeux défiler : l’amour, l’amitié, la carrière, peut-être même les pouvoirs. C’est la remise en question : reprendre la vie normale, ou rester condamné au statut de super-héros ? Le jeune homme est partagé devant les dilemmes qui se posent à lui ; toujours indécis et spontané, quelquefois opportuniste, il subit cette responsabilité qui l’a rendu accroc ; défendre le Bien.

Ce leitmotiv est un véritable refuge narcissique puisqu’en parallèle il lui accorde la toute-puissance. Léger revers de la médaille : en face, l’adversaire a changé de style, mais la figure du Méchant de service n’est pas enrichie (la prestation d’Octopus est néanmoins spectaculaire). Mais la lutte du Bien contre le Mal passe en second plan ici, au profit de combats beaucoup plus humains ; Spider Man 2 est un grand blockbuster existentiel. Pas boursouflé pour autant, le résultat est toujours aussi haletant, voir fascinant.

Note globale 73

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SPIDER-MAN 3 ***

3sur5 Spider Man a réglé ses comptes, il a été démasqué par ses proches. Des ambiguités ont donc été levées, alors qu’elles comptaient parmi les principaux rouages du scénario. Spider Man va-t-il concilier bonheur au foyer et hyper-activité publique et extra-professionnelle ? Et justement, tout semble concilié, d’un côté les aspirations intimes ont trouvées satisfaction, de l’autre Spidy est adulé par la foule.

Cet équilibre, cette sérénité nouvelle amène SM3 à déboucher sur de nouvelles pistes. Le film prend la forme d’un épilogue à propos du succès total et de l’éthique d’un super-héros. Les choses s’arrangent globalement, les problèmes éthiques ou sentimentaux sont mineurs mais finalement empoisonnent la vie du personnage ; la menace désormais, le motif de suspense, c’est la chute de la star. Le film sait susciter l’attente et le doute sur l’équilibre acquis. Mais ce qui booste véritablement cet ultime opus, c’est la vengeance personnelle de l’Araignée et l’inauguration de son double ténébreux. Ce dernier combat permet une nouvelle fois au héros de gagner en profondeur, achevant d’explorer ses dernières facettes.

Loin de l’allégresse de la découverte, Spider-Man 3 rompt avec ses prédécesseurs en se montrant beaucoup plus sombre (dans la mesure du possible d’un film aussi colossal et grand-public). La saga perd en illusions juvéniles mais la grâce est (presque) intacte. Il n’est donc pas interdit d’être suspicieux à l’annonce d’un Spider-Man 4 tant celui-ci apparaît obstinément conclusif ; les grandes thématiques de la trilogie ont été liquidées et ont trouvées réponses, les trois opus s’imbriquent parfaitement. Peut-être s’agira-t-il d’opérer une levée des zones d’ombres du personnage plus intense encore. La bonne option sera obligatoirement dans le renouvellement total ; alors, vers quoi Spider-Man s’apprête-t-il donc à basculer ? L’abus de pouvoirs ou l’usage à  »mauvais escient » ? La colère et la domination ? L’abandon à une vie plus ordinaire, qu’il ne saurait plus supporter ? Ou cet opus sera-t-il une simple synthèse des traits connus du héros ?

Note globale 65

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Les Spider Man sur Allociné : 1, 2, 3, 4
Les Spider Man sur Metacritic : 1, 2, 3, 4

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Autour de Sam Raimi :

* réalisateur > Jusqu’en Enfer-Drag me to Hell, Intuitions
* producteur > 30 jours de nuitThe Grudge (remake US), Boogeyman-la porte des cauchemars, Les Messagers