Tag Archives: Matthew McConaughey

CONTACT +

6 Mai

Carl Sagan était un astronome américain et un vulgarisateur scientifique au retentissement important, notamment au travers de sa série documentaire Cosmos. Parmi sa bibliographie se trouve un roman : Contact, publié en 1985. L’adaptation sur grand écran incombe à Robert Zemeckis, au cinéma émotionnel et très expressif, voire fantasque dans un esprit ‘bon enfant’ (trilogie Retour vers le futur, Forrest Gump, Rogger Rabbit). Le résultat est un film de science-fiction ambitieux aux implications larges et à la rhétorique flexible, cherchant la fusion d’antagonismes au nom d’un but supérieur. Contact brasse de nombreux points autour du vieux conflit entre la préférence pour Dieu et celle pour la science ; les deux méthodes sont flattées. Cependant le besoin de trouver ‘la grande réponse’ étant impossible à satisfaire, à notre niveau de conscience et de développement, c’est bien la foi qui l’emporte ; la foi comprise comme un espoir et un moteur, pour l’apaisement des tensions et le dépassement de soi.

La prise de contact avec les extraterrestres est abordée en tant qu’événement pour l’Humanité (un peu d’emphase sur l’agitation populaire : religieuse et médiatique surtout, politique et sociale beaucoup moins) et en tant que mission d’une vie. Ce second biais est aux commandes. L’accent est donc mis sur la personnalité de Foster et les qualités ‘universelles’ de son existence. Sa quête de la vérité est reliée avec celle du père disparu (mort effectivement, ressenti comme évaporé pendant la séance) ; sur ce point plus que tout autre, les symboles et sous-entendus recevront une confirmation ‘physique’ ; par sa kitscherie (au bout des passages vortex, une entrevue souillée par la tapisserie type ‘vomi sous acides’), elle souligne paradoxalement la futilité des ‘révélations’ telles que l’Homme se les figure (n’en serait-il qu’au début) et ses grandes peines à atteindre le sérieux sur la question. Pour se consoler de son nanisme, l’Homme en général (et l’individu en particulier) peut réaliser qu’il n’est pas seul et compter sur la sagesse d’un ordre cosmique impénétrable.

C’est le sens de toute cette fin par étapes. Elle achève d’inscrire Contact dans le rang des films de SF ‘optimistes’ (Abyss, Rencontres du 3e type) voire tendus béatement vers un horizon encore trop grand – et donc d’autant plus rassérénant, comme si on entrait dans une nouvelle ère où la peur ne serait plus légitime, l’angoisse dissipée, tous les vides comblés. Contact est plus concluant que ses confrères dans la gestion de ce substrat mystique (avec son sens de la tradition mais étendu sur des milliards d’années et dépassant les références historiques), peu ou pas compromis par des niaiseries ‘humanistes’ ou des incantations aveugles. Il maintient un bon équilibre (clarté sans s’engager, ouverture en déniant le nébuleux, frontières nettes et réponses lointaines) qui lui permet de ratisser large, dans tous les sens du terme. Tout ça s’accommode de la mièvrerie toujours au moins latente chez Zemeckis et chez ces mastodontes hollywoodiens taillés pour toute la famille. Forcer la poésie est tellement inscrit dans le cahier des charges qu’on en viendra à la déclarer : Foster lancée dans l’espace s’extasie longuement sur la beauté qu’elle contemple, en soulignant une nouveauté à laquelle nous n’avons pas accès (les aperçus donnés n’en recelant pas, en tout cas pour le profane).

Les ambitions et mêmes les fragments de pensées subiront donc une certaine mise au rabais. Le révérend Palmer Joss est l’élément ultimement compromettant en plus d’être inutile. Sa crédibilité est faible et il semble plus chargé d’interpréter le beau gosse de service ; il sert davantage à la décoration et à la petite histoire. Manière de renverser les rôles en faisant de l’homme la potiche ? C’était peut-être l’intention du roman et partiellement celle des géniteurs du film, mais le respect du quota ‘romance’ (ou sentiments purs et gratuits) semble l’emporter sur toute autre considération. Il est dommage de ne pas insister sur la fonction qu’il se donne et déterminer sa pertinence en tant que vedette télé-évangéliste au style soft et glamour ; ses sous-slogans ‘réflexifs’ sont présentés tels quels et le charisme du personnage est souligné. Le cas Palmer/McConaughey échappe donc à la vigilance portée sur l’efficacité et la légitimité des protagonistes clés, pas simplement leur assise effective. Car dans l’ensemble le parcours de Ellie est envisagé avec un œil critique et une conscience, légère et pénétrante, des hiérarchies sociales et culturelles. Le caractère d’Ellie est constamment mis à l’épreuve par des assauts ‘structurels’ que quelques personnages masculins viennent incarner, les deux principaux étant Kitz et Drumlin.

Interprété par James Woods, Kitz endosse est le visage de la Défense et de la rigidité étatique – et l’exaspération de l’homme en charge du réel ‘dur’ face aux gâchis budgétaires. Ellie/Jodie n’a aucune estime pour ce supérieur ‘objectif’ et même pas le temps ni l’esprit à rire de ses impératifs ; c’est trop désuet pour elle qui voit si grand. Sa nature étant sceptique et non oppositionnelle, Ellie/Joddie se montre cependant coopérative lorsque nécessaire ; le film suit, l’extrait des JO de 1936 avec Hitler et l’agacement envers les militaires resteront des anecdotes, alors qu’il y avait de grosses cartouches mielleuses à portée. En outre, la raison commande, l’arbitraire est dans le détail et les assignations. L’arbitraire cependant a un nom : David Rumlin. Chef de Jodie/Ellie au début, il l’aura toujours entravé dans ses recherches et humilie sa volonté. Ce qui ne l’empêchera pas d’usurper les mérites et la gloire de la chercheuse, en devenant le représentant public de ses travaux. Son indifférence rend sa mesquinerie désarmante et réaliste : voilà un salaud réaliste, sans haine, juste bon à faire jouer son statut et utiliser son image.

Ces différentes manifestations de l’ ‘establishment’ barrent la route à Ellie sans agressivité, en exerçant leur domination tranquillement ; le film est peu disposé à y répondre, en tout cas dans un esprit ‘militant’. Il s’agit plutôt de considérer ce qui s’impose, de compatir pour les injustices sans perdre de vue l’essentiel ; disposition proche de l’attitude d’Ellie. Victime d’injustices répétées, elle accuse le coup sans se démobiliser ; sa volonté et son intégrité sont trop profondes. Plus tard, les coups portés devant la justice échouent à affaiblir sa confiance en elle-même et dans ses perceptions ; elle n’ira pas jusqu’à devenir martyre, surtout que ses juges auraient des raisons d’accepter sa parole s’ils laissaient le doute germer et quelques informations embarrassantes se diffuser. Au-delà des illusions et des compromis pratiques, ce qu’a vu et vécu Ellie est (probablement) vrai ; tout comme sa ténacité lui ont permis de convaincre la providence d’atteindre son but – en corrigeant les injustices subies au passage (qui au lieu d’être ‘reconnues’ sont carrément dépassées).

Même si Ellie a subi des mesquineries, n’est pas tout à fait perçue pour ce qu’elle est ni selon ce qu’elle a fait, même si ce qu’elle dit n’est pas tout à fait compris, elle reçoit au fond, derrière tous les bruits vains et les mirages du contexte, la reconnaissance d’une Conscience ; et le spectateur a une place excellent pour l’apprécier. Contact donne du crédit à l’assertion « Aide-toi et le Ciel t’aideras ». Enfin concernant les détails notables, Contact présente une séquence d’ouverture remarquable – un travelling arrière depuis la Terre jusqu’à perdre de vue la Voie Lactée parmi une infinité de galaxies. Le film a fait l’objet de quelques polémiques, agaçant la NASA à cause d’une référence au cyanure (comme mode de suicide) et poussant la chaîne d’info CNN à prendre des dispositions pour contrôler le détournement de ses journalistes. Plus fort encore, le cameo de Bill Clinton (mascotte n°1 du monde libre à l’époque), toujours par écran interposé et tiré d’une réelle conférence de presse, a valu à Time Warner (maison de production) des reproches officiels (sans suites connues) venant de la Maison Blanche.

Note globale 71

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Suggestions… Mars Attacks + The Arrival + Deep Impact + Interstellar 

Scénario & Écriture (4), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (3), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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KILLER JOE +

28 Mar


Killer Joe est une comédie grinçante de William Friedkin, délivrant ici une œuvre bien plus explicite et jubilatoire que ses productions habituelles. Killer Joe relève du trash social, une étiquette plutôt qu’un genre, où se bousculent Bernie comme Pink Flamingos, ou un cinéma plus critique ou revendicatif. Killer Joe n’est pas dans cet esprit là, ni farce ni brûlot. C’est une fantaisie plantée dans une réalité sale mais vraie. Pas celle de l’Hollywood humanitaire. Et en même temps, c’est anormal et pittoresque, comme l’est quelquefois la vie des invisibles, à force d’écumer l’arrière-monde.

Killer Joe se passe chez les déshérités dégénérés donc, où le tueur à gages Killer Joe déboule en sauveur pour tuer la mère (qu’on ne voit quasiment pas) qui possède une grosse assurance-vie à même de soulager Chris de sa dette. Mais il faudra trouver une astuce pour payer d’avance le Killer Joe, ou lui fournir une équivalence.

Killer Joe est une tragédie. Hilarante, obscène. Ce qui traverse le film, c’est un déni fragile du désespoir, à l’image des personnages s’enivrant dans la violence et le confort de la crasse. Friedkin n’apporte pas de deus ex machina, ni d’illumination. Il montre ce petit monde s’enfoncer dans l’horreur. Les Smith ne sont pas responsables d’avoir atterri ici, mais ils sont bien les déterminants de leur vie et les acteurs de ce piège. Trop malchanceux à la base, puis trop cons aussi.

Il y a des allures de documentaire pittoresque dans ce Killer Joe. Un reportage placide sur des événements hystériques. La séance est prodigieusement ambiguë, frontale. C’est l’œuvre d’un analyste spirituel et effroyablement sévère. Un cartoon anti-Tarantinesque.

Note globale 73

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Suggestions… Breaking Bad

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TRUE DETECTIVE / SAISON 1 ***

9 Sep

3sur5  L‘événement dans le monde des nouvelles séries de 2014. Il y a une once de génie, cette première saison fut un très bon moment ; et ce n’est pas un miracle. Les huit épisodes de cette première saison suivent une enquête autour de meurtres à la mise en scène occulte ; et les deux hommes chargés de l’affaire, Rust Cohle (Matthew McConaughey) et Martin Hart (Woody Harrelson), aux caractères asymétriques. Les critiques ont salué unanimement l’écriture, la réalisation et le jeu des acteurs en annonçant quasiment un nouveau Breaking Bad.

Il est vrai que l’amertume de Rust est inspirante : voilà un type se complaisant à ressasser les pires contre-exploits, les pires souffrances, les parts les plus crues, tristes ou sordides de l’aventure humaine ou de nos existences. Pour lui, nous ne sommes jamais autre chose que des « marionnettes biologiques » et tous des atomes creux persuadés à tort d’avoir du sens, en somme. C’est un nihilisme nuancé : ni besoin de suicide, ni de mettre le feu. Il suffit d’être la petite chose qu’on est, laisser aller en faisant ce qu’on sait faire, sans perdre sa lucidité et en évitant d’avoir la moindre dette à l’égard du monde extérieur. Au contraire, Marty emploie une pensée positive, se montre pragmatique et adapté en toutes circonstances. Lui n’a pas perdu sa fille et mène une vie normale, entre sa famille et ses maîtresses. Ils ont cependant tous les deux un point commun : ils admettent qu’il y a une condition humaine.

Les trois premiers épisodes sont très enthousiasmants. Le quatrième, avec la fusillade, est assez frustrant (comme il l’action menée le sera pour les deux inspecteurs), or il marque un tournant. Commence l’ère de la transition, point faible de la saison. Flottement pour l’épisode 5, regain au sixième. Marty se heurte aux aléas de sa vie normale et à des côtés plus sombres, commence à intégrer un peu du pessimisme de Rust. Ce dernier, après sa normalisation bancale, est reparti pour l’Alaska. Dix-sept ans plus tard, soit  »aujourd’hui » en 2012, il force son ancien collaborateur à reprendre l’enquête. Il veut fermer le dossier et a de nouveaux éléments. Le nouveau Rust et Marty quasi inchangé repartent donc boucler l’affaire, ce qui occupera les deux derniers épisodes.

Là, True Detective concrétise sa vocation de thriller poisseux et fait songer à la vague sud-coréenne qui fourni dans la décennie précédente Memories of Murder, The Chaser ou Old Boy. Mais on ne retrouve pas le niveau d’intensité du début, qui annonçait une si grande série. Le ton et l’environnement peuvent également rappeler quelques récents films de fantômes dans l’Amérique rurale (Sinister, Conjuring:les dossiers Warren) ou même par endroits le Dead Zone de Cronenberg. Le tournage de la saison 2 démarre sous peu. Elle sera totalement différente, avec une nouvelle histoire et de nouveaux personnages, sans acteurs communs comme le pratique par exemple American Horror Story.

Note globale 69

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Suggestions…

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Les séries en 2014 :  American Horror Story/saison 3 + Helix/saison 1+ Silicon Valley/saison 1 + The Strain/saison 1 + True Detective/saison 1    

 


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DALLAS BUYERS CLUB ***

10 Fév

Réalisateur de l’immonde CRAZY ou encore de Café de flore, Jean-Marc Vallée est un bohémien moraliste de gauche caractéristique mais aussi talentueux. Avec Dallas Buyers Club, il signe son premier film à Oscars. Format et ton classique, trio d’acteurs connus en tête de casting(Matthew McConaughey vu récemment dans Killer Joe, Jared Leto et Jennifer Garner). Le projet s’est étalé sur plusieurs années et plusieurs stars, comme Brad Pitt, ont passé leur tour, en raison des transformations physiques (amaigrissement intense) exigées pour refléter la condition des malades du sida.

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Craig Borten, scénariste du film, a rencontré Ron Woodrof en 1992, peu avant sa mort. Cow-boy et crasseux typique ( »sexe, drogue et rodéo », ajoutez la caravane et le niveau de vie miteux), Ron a vu son destin basculer en 1985 en apprenant qu’il avait le sida, vraisemblablement contracté via une injection et pendant un rapport. Il a vécu sept ans bien que le premier diagnostic lui promettait trente jours. Cette condamnation à mort a fait de son existence une vie réussie, puisque pendant ses dernières années, Ron organise un trafic de médicaments non-approuvés qui permettent pourtant de retarder les effets de la maladie. Son histoire est donc celle d’une lutte contre un système de santé corrompu par des intérêts crapuleux ; et contre l’AVP en particulier, un soin toxique alors prescrit aux victimes du VIH.

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Ron évolue mais n’en demeure pas moins ce gros plouc avec un bon fond ; son affaire, c’est un business autant qu’une lutte. Jeter la pierre est mal placé, Ron doit juste survivre. Les questionnements moraux sont absents du film car il déroule son histoire le plus naturellement du monde. Dallas Buyers Club est une épopée concrète, simple, avec des mortels. Caméra à l’épaule et peu d’artifices au rendez-vous, clé d’un tournage express d’à peine un mois, soit digne d’une série B. Le film plaît aussi car il exprime une authentique sympathie pour les minorités et les opprimés en action.

Note globale 76

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;Suggestions… Boys don’t Cry

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Note 72 à 76 suite à la revoyure (revu en décembre 2020, acté en janvier 2021).

 

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LE LOUP DE WALL STREET +

29 Jan

Après quelques encarts ou essais (Hugo Cabret), c’est bien le retour de Scorsese le grand, celui des grandes fresques euphoriques. Le Loup de Wall Street c’est la tragédie confondue en farce ; c’est le Casino sans rapports de force, sans le besoin de puissance et d’auto-conservation ; c’est Les Affranchis dans la Bourse, sans les pesanteurs de la pègre et des contrats liés, avec une vulgarité libérée. Ici il n’est question que de plaisir et de triomphe.

Le Loup de Wall Street vient clore une trilogie de Scorsese sur le rêve du capitalisme libéral américain. Contrairement aux deux opus précédents (Casino et Les Affranchis), cette fois le grand héros est un self-made-man absolu ; sa meute, c’est lui qui l’a façonnée, de A à Z. Jordan Belfort, dont le film s’inspire des mémoires écrites pendant son court passage en prison, a été assistant courtier chez Rotschild à la fin des 80s. L’époque des junk bonds qui inspire Oliver Stone, le premier, pour son Wall Street. Dans ce monde cocaïné où les salaires atteignent les cimes, Jordan crée alors sa propre société de courtage et connaît un succès rapide et fulgurant. DiCaprio s’est mis dans la peau de cet homme-là.

Pendant trois heures nous sommes les témoins de cette ivresse ridicule mais sans doute, enviable, car Belfort connaît le luxe et la facilité que personne n’ose espérer pour soi. Mais ce transgresseur est aussi un nouveau riche, saqué par les pontes de Wall Street, les pré-installés. Bien qu’il ne montre pas les héritiers traditionnels, pas plus que le peuple, Le Loup de Wall Street mentionne cette confrontation entre les arrivistes et les dominants plus enracinés ; les vrais vainqueurs, ceux qui ont façonné le système et subissent les nouveaux joueurs venus leur faire concurrence, retournant (avec réussite) leurs règles contre eux. Si le parcours de Belfort est scandaleux pour les hommes ordinaires, il l’est aussi pour les élites, jalouses mais néanmoins redevables envers celui qui assure la pérennité d’un modèle où chacun peut théoriquement devenir milliardaire.

Ce conflit (qu’on ne voit que par l’angle de Belfort le bouffon magnifique) marque aussi l’antagonisme entre le charisme et le pouvoir technique (la presse spécialisée, les héritiers qui n’ont rien à prouver) ou l’autorité légale (la brigade des fraudes, la justice) – toutefois tous les deux n’ont que de faibles moyens ou menaces à exécuter. Comme les gourous autoritaires dont il est pourtant antagoniste, DiCaprio s’engage souvent face à ses troupes dans des délires tribaux. Il est un jouisseur et un vainqueur, outrepasse les règles et cette transgression en fait un modèle d’émancipation dans le monde concret. C’est donc un leader totalement coupé du réel commun, puisque la réalité est celle qu’il choisit, un théâtre à sa mesure. Son orgueil sans limites lui donne le panache qui fait se lever des foules désireuses de marcher de ses pas, profiter d’un peu de sa puissance. S’il se dissocie du sort du lambda, son destin n’est pas marqué par l’élévation pour autant. En-dehors de la splendeur matérielle, c’est l’hystérie et le vide. Ces sentiments-là cependant n’ont pas le temps d’émerger puisque la jouissance est permanente.

D’ailleurs le loup ne tombe jamais vraiment ; pas parce que c’est un bourreau ou qu’il est pardonné, mais parce que justement c’est un homme sans fond particulier, indifférent au sort des autres mais en rien mauvais ou malsain, auquel ni la société ni les autres n’imposent jamais de barrière. La loi est faible face à lui dans un système dont les prémisses font le choix d’adouber ce genre de déviances : la richesse scandaleuse est légitime, la tromperie aussi. Ses admirateurs transis achèvent de conforter le loup dans son irresponsabilité et sa mégalomanie. Mais ce loup n’est pas un ogre odieux. C’est juste un animal vaniteux lâché dans les grands espaces, rendus bergerie disposée par les masses serviles.

Le dernier plan est assassin, où on voit tous ces ploucs (qui sont nos cousins à nous, les 99%) transis et tout offerts à ce pacte malsain, dont ils ne jouiront même pas. Ils sont juste la main-d’œuvre la plus servile, incapable d’autonomie.

Note globale 79

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