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WOULD YOU RATHER =+

29 Juil

Au moment où sort Would you rather (2012), les films de survie sont souvent centrés sur une compétition. Cette tendance vient de la vague de torture porn chapeautée par Saw et Hostel (qui ont donné un cahier des charges à des dizaines de succédanés), puis de manière indirecte de la télé-réalité (dont la critique imagée est tombée dans le kitsch depuis au moins quatre ans). Elle n’est pas isolée puisque les asiatiques ont eu Battle Royale puis des flopées de Death Bell. Les films cheap et bis reprenant ce programme n’ont plus qu’à tâcher de se distinguer par quelques détails bien sentis ou une surenchère de tripes, de sang et/ou de morts. Les torture porn ou les films d’horreur ‘à concours’ ont tendance à ne pas ‘se prendre la tête’ autrement que pour envoyer leur débauche morbide, avec un peu de souci pour la gestion du suspense et des effets – ou plus qu’un peu pour les ambitieux et les caïds à thèses. Hors de l’Horreur aussi ce canevas fait des ravages, la liquidation sociale prenant le relais sur la sanction barbaque (Exam, l’espagnol La Méthode).

Lucides à ce sujet, les créateurs de Would you rather décident de mettre carte sur table d’entrée de jeu, s’interdisent les pirouettes ou les justifications rocambolesques. L’objectif est rapidement identifié par le spectateur : pour ces gens dans le besoin réunis à dîner, il faudra se battre pour survivre et gagner la récompense. Les alternatives faciles seront écartées : pas de machinations ou de mensonges, pas de compromissions ou de retournement pour le jeu cruel (malgré d’inévitables secousses). Would you rather est un film frontal, sur tout. Il faut trancher entre deux maux. Les protagonistes ont une marge de manœuvre (tenter de partager les peines, pile ou face ; et surtout la raison et les instincts à disposition) mais on ne sort pas de la boîte. Il se passe de ces petits raffinements bidons, de ces mystères inutiles, polluant tellement le cinéma d’épouvante et ‘à sensations’. Il met plutôt l’accent sur ses personnages, en établissant une hiérarchie selon la richesse de caractère de chacun : les ambigus et les forts ont le plus de ressources, les tourmentés ont l’énergie du désespoir et des coups-d’éclat à offrir, les fragiles et les médiocres ont le sort entièrement réglé par les circonstances. Le système sadique orchestré par Lambrick n’a qu’une vertu : il est cohérent et ses règles sont claires.

Fiable dans les grandes lignes, il reste fourbe dans le mode d’exécution : les participants au jeu doivent prendre des décisions non éclairées et les assumer. C’est le ‘libre-arbitre’ enchaîné. Le philanthrope au style grinçant voue un culte à la prise de décision et force ses otages à confondre courage et folie. Il veut voir les limites et n’attend rien de plus qu’un divertissement, des surprises, des morceaux de bravoure et de volontarisme ébouriffants. Jeffrey Combs (immortalisé par ses rôles chez Stuart Gordon, en particulier celui de Re-Animator) donne à ce pervers une apparence d’excentrique froid, théâtral mais serein, à la fois très cinématographique et crûment ‘typique’. Lambrick, soucieux des bonnes manières par ailleurs (violer n’est pas jouer!) jouit de transgresser les convenances assurant la paix intérieure de ses invités. Il blesse l’amour-propre de ses hôtes, casse les défenses et pousse à violer des principes (à la végétarienne et l’alcoolique : « vous pouvez, mais vous ne voulez pas »). Il ne s’agit pas de vendre simplement sa force de travail, mais de mettre en péril son équilibre et sa sainteté. Lambrick montre que l’argent aura raison de tout.

Le spectacle est assez vraisemblable dans l’ensemble, quoique certaines douleurs soient vite relativisées. Mais l’excitation, la peur, la conscience de l’impasse aident à ça ; la pression est le meilleur anesthésiant. Le film utilise abondamment ces décalages, ce côté bigger-than-life chez les êtres et pas seulement dans les situations, qu’il sait soutenir avec brio. Les petits commentaires de Lambrick et sa distance en général sont ahurissants a-priori, pourraient relever du cartoon, mais le film sait montrer cette fantaisie sous un angle pragmatique (et c’est sa grande jouissance annuelle). On peut sourire à certaines piques, on en perd l’envie plus ou moins rapidement (selon la tolérance au nihilisme tranquille). Les personnages ne sont pas toujours parfaitement joués, mais l’écriture les fait solides et bien exploités. La fille ‘dark’ et cynique campée par Sasha Grey (transfuge du porno, dont la seule sortie notable à ce stade était Girlfriend Experience) pourrait être le rôle de trop, mais ses excès sont bénéfiques pour le principe, pendant que les faits crus sapent son petit numéro et son estime de soi perverse. Enfin le banc des victimes aurait suscité moins de compassion sans l’actrice principale, Brittany Snow pour Iris : c’est une des ironies finales (avec la solitude des vainqueurs – et pécheurs).

Note globale 68

Page Allocine & IMDB + Zoga sur SC

Suggestions… The Invitation (2016) + American Nightmare 2 (2015)

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

Note arrondie de 69 à 70 suite à la mise à jour générale des notes. Ramenée à 68 après la suppression des -0.

Voir l’index cinéma de Zogarok

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