AMERICAN NIGHTMARE 2 : ANARCHY +

28 Avr

american nightmare 2

American Nightmare a été un succès commercial en 2013 mais récoltait de très mauvaises critiques. Il a inspiré les commentateurs en banalités laconiques et son titre original ‘The Purge’ a été abondamment tourné en dérision. Il posait cependant un concept au potentiel très riche, imaginant un futur proche où les « nouveaux pères fondateurs » des USA avaient introduit une nuit de purge annuelle, où l’ensemble des crimes, meurtres y compris, étaient permis. Les spectateurs étaient postés du côté d’une famille aisée se contentant de se barricader pendant l’événement, comme la majeure partie de la population.

Nouvel angle cette fois : la séance se déroule autour de cinq protagonistes enfermés dehors, le meneur par choix (afin d’accomplir une vengeance), les autres parce qu’ils ont été la cible d’attaquants sur-équipés. De l’home invasion du premier opus on passe à un cadre plus vaste, englobant l’ensemble de la ville de Los Angeles, ainsi qu’une grande variété de purgeurs et de purgés. De nombreuses possibilités s’ouvrent alors, globalement traitées, mais certaines suspendues ou pas tout à fait déflorées : ainsi, la fin est dommageable car elle ne règle pas tout ; mais elle laisse aussi énormément d’ouvertures pour la suite. Le film aurait été trop lourd sinon, ses ambitions sont déjà à la mesure de son panache.

C’est un film d’action excellent et une dystopie sérieuse, résonnant avec son temps – bien plus franchement que les Hunger Games. Le message et les partis-pris sont explicites. American Nightmare 2 concrétise cette représentation d’une société d’ordre et de liberté totalement hypocrite ; ainsi chacun est autorisé à participer à la purge ou à s’en protéger ; dans les faits, tout est question de moyens. Le groupe des riches organisant des enchères est relativement déshumanisé, mais il l’est car sa situation le lui permet. Leur attitude peut sembler irréelle ; en effet, le contact avec la réalité de l’homme ordinaire est rompu pour eux. Ce n’est pas un trouble mental ou une essence qui les y mènent ; c’est leur position sociale qui le leur permet. Et tout ce qui peut être fait sera fait.

L’engagement politique se fait donc plus marqué encore que dans le premier opus et surtout très direct : la purge est celle des pauvres et à la marge, des ethnies marginalisées. Point de vue assertif et violent, voir caricatural, mais évitant certains écueils : The Purge 2 ne part pas dans une direction hémiplégique ou puérile à la Elysium. Les prédateurs sont partout et il n’y a pas de répartition factice des vices et vertus de la nature humaine ; dans toutes les couches de la société on s’organise pour « libérer la bête ». Simplement comme l’indique un des bourreaux de Salo, « La véritable anarchie est celle du pouvoir » : ceux qui ont les moyens de leurs fantaisies repousseront les limites, d’autant plus qu’ils ne sont pas assujettis aux règles du jeu.

Les contrats en plus d’être forcés n’ont finalement aucune valeur effective, car les nantis ont tous les renforts à leur disposition : qu’il s’agisse du gang ouvertement grotesque bénéficiant du soutien d’une agence de sécurité d’élite, ou de joueurs de haut vol usant des ressources humaines et technologiques allouées par le gouvernement. Face à cette situation inique, il faut trouver des garanties concrètes ; ou passer à l’offensive comme le font les troupes de Carmelo, révolutionnaire interpellant les ‘99%’ ou du moins les ‘90%’ et notamment la fraction déshéritée de la communauté afro-américaine, dans laquelle il trouve déjà un écho. La violence n’est pas valorisée mais jamais le cynisme nécessaire à l’adaptation aux enjeux n’est mis à distance par l’idéologie ou une (‘bonne’) volonté symbolique.

Les angles morts ou manquements du film sont du côté de l’exploitation pure, plutôt que celui de la logique ou l’intégrité avec son postulat ; par exemple, Carmelo restera un personnage à explorer. Son usage est encore un peu étrange : ses interventions tiennent presque du burlesque sans que son crédit et sa puissance s’en trouvent entamés ; la connexion à l’intelligence de Robocop est évidente (la connerie de V pour Vendetta menace pourtant!). Toutefois il reste un élément périphérique dans ce second opus, croisant au mieux le chemin des héros. De même, il n’y aura aucun retour sur le père sacrifié, malgré l’évidence d’un tel filon ; en contrepartie cette résistance aux rebondissements ‘bigger than life’ permet au spectateur de ne pas éprouver de décalage par rapport aux situations vécues (une fatalité est une fatalité, le cinéma ne peut pas tout exempter).

Un autre aspect important reste à explorer : comment vit-on la purge en-dehors de la nuit elle-même ? Comment s’y prépare-t-on ? Même s’il semble que la purge soit admise par une population impuissante et accoutumée, il serait intéressant de savoir comment les personnes en mesure de se payer des cobayes pour la sainte-journée se comportent après leurs exactions : font-elle part de leur divertissement à l’entourage, est-ce valorisé, à quel point est-ce banal dans leur milieu, sont-elles affectées après-coup ou immunisées ? La dimension psychopathique et cet espèce de nihilisme policé d’hyperclasse sont déjà bien investis mais James DeMonaco a encore un immense champ de possibles devant lui.

Remarquablement intense (malgré des moyens modestes) et conséquent, American Nightmare 2 ne joue plus dans la même catégorie que son prédécesseur ; c’est un New York 1997 actualisé, intense et abondant. Outre quelques légèretés narratives (le héros ténébreux, la survie in extremis), son seul grand défaut est de ne pas pouvoir tout développer, tâche dont hériteront ses successeurs, pour lesquels la barre est placée haut.

Note globale 74

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Caligula + The Divide + 28 jours plus tard + Alien 4 + Battle Royale

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Une Réponse to “AMERICAN NIGHTMARE 2 : ANARCHY +”

  1. Voracinéphile avril 29, 2015 à 04:22 #

    Potentiel énorme, film hyper décevant.
    Il aurait mérité un 4/10 dans mon optique si sa persistance dans la simplification des enjeux ne m’avait pas autant agaçé. En l’occurrence, c’est là qu’il m’a totalement perdu, car il finit par se rallier à un camp en éludant la moindre subtilité. Ce n’est pas qu’il faille nuancer à tout prix (le spectateur choisira forcément un camp auquel il s’identifiera), c’est d’éviter la caricature. Hors ici, on baigne toujours dedans. Le pire étant cette réception virant sur une chasse à l’homme en mode lasergame, si surréaliste qu’elle déssert le propos plutôt que de le rendre évident. Non seulement la séquence n’a rien de divertissant (c’est moche et sans victime), mais dans le genre rabachage, c’est juste lourd. Désolé, mais la vision riche et psychopathe n’a pas de validité dans mon esprit. Tu soulignes la déconnexion des élites et de la réalité. Et en quel honneur transgresseraient-ils cet état ? En équarrissant du pauvre de leurs mains, ils ne sont plus passifs (comme le rôle qu’ils jouent dans l’économie ou la politique, par influence dans les prises de décision…) mais actifs, ce qui me semble radicalement différent (les riches qui vivent dans leur hypocrisie ne tolèreraient pas d’être confronté à la violence physique, du moins pas sans avoir suivi un cheminement psychologique particulier ou une acceptation des conséquences de leurs actions). Il faudrait bien sûr que je le revois, mais on n’accorde même pas aux riches l’espoir de régler la crise économique en supprimant les nécessiteux.
    Le discours sur les patrouilles de la mort était nettement plus convaincant et potentiellement subversif, mais il est là encore asséné si lourdement qu’on en perd toute subtilité. Et je ne peux plus vraiment supporter qu’un film aux objectifs politiques se prenne autant les pieds dans le tapis. C’est possible d’être subtil et efficace. Quand on n’est ni l’un ni l’autre… Franchement, on est d’accord que passer à l’échelle d’une ville, c’est très stimulent, mais a-t-on eu une seule seconde un sentiment de chaos urbain ? Rien, un ou deux petits combats dans un coin de rue, des snipers qui ne tirent pas, heureusement que les camions blindés font un peu d’animation, sans quoi on s’ennuierait ferme. Un survival urbain comme les Guerriers de la nuit le supplantera toujours. Et lui n’avait pas tant de prétention. Soit tu fais de la politique claire et détaillée, soit tu fais de l’exploitation astucieuse. Mais réussir à combiner les deux, tu commences à jouer dans la cours de Verhoeven, et lui avait beaucoup de budget pour s’aider. J’admets que l’initiative de The purge 2 est louable, et je valide d’office le financement de ses suites, mais en l’état, le résultat m’a tellement usé que j’en ai fini par abandonner sa défense. Son principal défaut est de ne pas assez expliquer ? Parce qu’il est nul dès qu’il s’agit d’expliquer !

    Enfin bon, sourions un peu : The purge 1 : interdit aux moins de 16 ans, the purge 2 : – 12 ans, et donc, the purge 3 ?

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