ELYSIUM =-

5 Déc

On s’était emballé à tort pour District 9 en 2010 et Elysium a le mérite de mettre les choses au clair. Le style de Neil Blomkamp est peut-être exotique, volontariste mais c’est un metteur en scène aux méthodes banales et un auteur sans nuances, presque un enfant médiocre.

Le début est haut-de-gamme. En 2154, l’humanité s’est séparée en deux camps : les happy few et les autres. Autrement dit, la caste des dominants vivant sur Elysium, une station sur orbite dans la stratosphère, jouissant d’un niveau de vie très avancé ; et le monde sous-développé, celui resté parqué sur le plancher terrestre.Les inégalités se sont donc creusées de façon violente, mieux, ces inégalités sont généralisées, elles sont la norme dans une société bien cloisonnée, dont le découpage renvoie à la féodalité. Cela se manifeste en entreprise et pour la protection de l’habitat des nantis. Toutefois la notion des droits de l’homme vient officialiser le cas de conscience des élites de Elysium : on espère le début d’un point de vue critique original, il sera balayé, même si les gentils de l’espace s’avéreront effectivement peu conséquents lorsqu’il s’agit d’assumer leur bienveillance jusqu’au-bout, c’est-à-dire en admettant sur Elysium les entrées illégales.

Après un démarrage prometteur, Elysium s’enlise. L’installation de cet univers à deux vitesses est solide et réjouissante, mais la suite n’est pas à la hauteur, nous faisant mener la course dans une sorte de chasse à l’homme besogneuse. Le point de vue s’avère galvaudé, le scénario est prévisible, les éléments posés pas approfondis et leur existence prolongée par le cliché. Efficace sur le plan de l’action mais par sur la durée, l’ensemble est aussi dérangeant de naïveté. Il enchaîne les non-choix en ne mettant aucun personnage en avant, en-dehors de Matt Damon qui demeure une coquille vide et de Jodie Foster, politicienne au machiavélisme caricatural. On peut apprécier les amalgames kitschs, mais sans les dépasser on atteint vite les limites. Kruger est plus intéressant, Frey semble avoir été catapultée par hasard. La mort expéditive de Jodie Foster montre à quel point Blomkamp est à côté de la plaque quand il s’agit de mettre en valeur des enjeux humains ou même un scénario.

Tout cela est finalement plutôt un décors, un théâtre ; lequel est une réussite mitigée, échouant autant à faire de Matt Damon un héros qu’à générer une vision consistante. C’est une déception, sans surprise certes, car en s’écartant des prétextes sur lesquels elles se fondent, elle donne juste un petit divertissement de SF. Il n’y a certainement pas ici l’essence d’un grand film qui se serait raté, c’est un blockbuster modeste, avec cachet humanitaire et belle inspiration esthétique, manifeste en toutes situations, elle-même rapidement à bout de ses potentialités. Tout de même, des repères solides sur un futur réaliste, mais pour quel dénouement crétin (le bonheur pour tous, c’est si facile) et impulsif : c’est qu’il s’agirait de préméditer l’avenir avant de laisser triompher ses braves émotions.

Note globale 46

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9 Réponses to “ELYSIUM =-”

  1. Voracinéphile décembre 5, 2013 à 08:22 #

    Une sacré déception, qui perd un peu plus d’estime à chaque nouveau visionnage. Effectivement très rageant quand on considère que visuellement, le tout est très réussi. Mais l’agaçante naïveté met les nerfs régulièrement à rude épreuve, et surtout, c’est un film de SF incohérent, qui enchaîne les scènes d’action en faisant d’énormes erreurs de logique (innombrables, les immigrés se font exploser des kilomètres avant Elysium mais le gang y arrive sans se faire repérer, la technologie médicale est utopique, les robots policiers omniprésents disparaîssent pendant le dernier acte alors que tout explose…), et en prétendant être sérieux. Un scénario complètement bâclé qui joue sur le buzz de District 9 (d’ailleurs, il serait temps de revenir sur le cas de ce dernier, car si il était plus cohérent, il s’appuyait également sur de nombreux clichés (militaires hargneux, médecins privés d’éthique, scientifiques inhumains…)). Le gros soufflet dégonflé de 2013, davantage que Gravity d’ailleurs.

  2. zogarok décembre 5, 2013 à 13:29 #

    Je n’ai pas détesté ce film loin de là, c’est plutôt qu’effectivement j’aurais du mal à le « tenir en estime ».
    Mais pour le revoir il faudra me payer ou me menacer. C’est pas que la vie soit courte, mais y a des limites.

    • Voracinéphile décembre 5, 2013 à 16:50 #

      Le problème des films de SF sérieux, c’est qu’ils n’ont pas le droit de se vautrer sur les détails. Pas en prétendant être sérieux. Je sais que tu es moins axé sur ces aspects que sur le fond, les idées (politiques ?). Je suis obligé de le revoir régulièrement avec des amis au cours de séance de rattrapage, j’ai donc tout le loisir de m’attarder sur ce genre de détails ces temps ci. En fait, faut pas réfléchir avec Elysium, sinon, on est déçu. L’occasion pour moi de te recommander en SF cette année les bourrains Dredd et Riddick (avec un bémol pour ce dernier, assez vulgaire, mais plutôt joli). Avec Cloud Atlas (et dans ton cas After earth), ce sont les bonnes surprises de l’année rayon SF ludique (vu qu’ils n’ont pas les mêmes ambitions/prétentions que les puddings Gravity et notre District 9-like…

      • zogarok décembre 5, 2013 à 18:04 #

        J’ai Dredd depuis l’année dernière :)… mais je ne l’ai toujours pas vu ; je devrais revoir Judge Dredd dans la foulée. Je l’avoue, j’ai donné priorité à d’autres programmes..
        Même en ne réfléchissant pas, la seconde partie est décevante. Jodie Foster est exécutée rapidement, son coup d’état est très mal matérialisé (c’est beaucoup trop « petit ») ; l’action est sans surprise ; le héros est sans charisme, alors qu’il s’agit de Matt Damon.

        • Voracinéphile décembre 5, 2013 à 21:57 #

          Merci au moins de le reconnaitre. Quitte à effectuer un duel consensuel Gauche vs extrême droite, Jodie Foster aurait due être l’adversaire finale. C’est elle qui incarne la vraie menace politique dans l’idéologie d’Elysium. Mais elle est évacuée par une sortie clairement indigne de sa stature, surtout qu’elle est remplacé par cet étron de Shalto Kopley, qui n’incarne pour ainsi dire rien du tout. C’est un moins que rien, la lie de l’humanité, le collabo sans la moindre consistance… Un Julien Dragoule, si tu me permets l’expression ! Elysium est trop con pour même se rendre compte de ce qui vaut le coup dans son récit !

  3. Voracinéphile décembre 5, 2013 à 23:20 #

    Et regarde mon top sur SensCritique ! Dredd est 19ème et Riddick 36ème ! Sur 87 ! J’arrête de colporter des ragots sur Dredd 2012, malgré des problèmes de redondances, c’est un film cohérents qui siupplante largement son prédécesseur en organisant le bordel qui lui servait d’univers. Riddick est d’office un gros bordel, mais bon, avec un héros vulgaire et lubrique, secondé par des persos graveleux et forts en couilles, on savait déjà qu’on allait goûter à une belle soupe de testostérone épicée de gonflette. Pour la virilité beauf, un régal, mais l’univers reste beau et la première demi heure un régal.

    • zogarok décembre 12, 2013 à 23:29 #

      Bah… le héros est gentil et bien brave, ça suffit pas ? Alors que l’autre est méchante et très très cynique ! Qu’est-ce qu’il faut de plus ! Ça te suffit pas qu’on ais de superbes idées comme délivrer l’Humanité ? C’est trop abstrait pour toi ? Tu « rejoins Hitler en esprit » peut-être ?
      Non je comprend pas, Matt Damon joue un héros en plus… certes il a été criminel dans le passé mais qui n’as jamais été en porte-à-faux avec la loi ? C’est donc normal qu’on en parle pas, parce que tout ça mais c’était un accident!!! c’était pas de sa faute!!! c’était un mauvais concours de circonstances! et avec sa simple volonté il va tout changer !!

      Oui oui je verrais Dredd !… pour le « bilan 2013 » je devrais bien m’y résoudre!

  4. Greenbat85 Mai 27, 2014 à 19:17 #

    Assez d’accord avec la moitié de votre conclusion, mais pas l’autre.^^
    Le film ne m’a en effet pas semblé si naïf, mais plutôt subversif (sans faire exprès peut-être), en mettant au centre moins les « braves émotions » comme vous dites mais vraiment l’idée qu’il faut changer de logiciel; et pour le coup l ‘image est littérale à l’écran; l’idée que si un système est efficace alors même les plus conservateurs accepteront de le servir n’est pas vraiment une vision fantaisiste et impulsive, mais elle sous-tend que pour intégrer dans ce système des valeurs et le « bien de tous » il faudra, pendant ce processus, le concours de personnes qui ont ces qualités. C’est beaucoup plus subtile et moins manichéen je pense, et en même temps, comme je l’ai dit, peut-être pas voulu. Il se trouve simplement que les circonstances de la narration finissent pas donner cet effet. A ce titre, Matt apparaît comme cet être hybrid (pour le coup, une autre subversion, pas originale mais pas déplaisante) qui réunit son énergie initialement gaspillée dans des activités douteuses (si on se rappelle du script) pour la diriger vers des buts aux conséquences globales et bénéfiques qui intègrent pleinement le minimum de rationalité que toute société doit contenir (dans ce logiciel). L’image est simple, et l’ensemble du film effectivement divertissant sans être d’une intelligence faramineuse, mais l’idée est bien là.

    • zogarok juin 3, 2014 à 04:12 #

      Dans le sens où tout le monde devrait se soumettre à un nouvel ordre indispensable à la pérennité de l’ensemble des citoyens, même les mieux lotis ? Pourtant les citoyens du « haut » m’ont semblés en mesure de se détacher (s’ils le voulaient, ils pourraient n’avoir AUCUN respect pour les terriens), ils pourraient d’ailleurs s’engager dans une rationalisation bien plus marquée que ce que nous voyons ici – et ce processus de transformation ce sont les décideurs plus policés (les « bien-pensants ») qui le rende inenvisageable. Cependant Jodie Foster est moins visionnaire que simple politicarde, donc ce sujet me semble complètement zappé.
      Cet holisme là, il émerge à la fin, mais on est dans une extase interdisant de prendre sérieusement en main le sujet. Je n’ai pas vu la pérennité de l’Humanité garantie, mais plutôt l’égalité promise et l’idéal de lendemains pacifiés dans une société collectiviste. Assez typique mais bien plus radical et béat que ce qu’on a l’habitude de voir depuis des décennies, il faut le dire !

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