RAFALE DE COURTS n°11

3 Mar

Reprise des « Rafales de Courts-métrages » après une dizaine d’éditions en 2014. Les Rafales ne seront plus mensuelles, mais aléatoires. Il y a déjà eu depuis la dernière séance plusieurs articles uniques occupés par des Courts (Pig et Le mot de Cambronne), ainsi qu’un article spécial (pour le cinéma de Jean Vigo). Une publication du même ordre arrive bientôt, consacrée à Demy (l’homme des Demoiselles de Rochefort). 

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Cavalier/ Lettre d’Alain Cavalier** (61)

Rappmund/ Vulgar fractions** (53)

Guiraudie/ Les héros sont immortels** (47)

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LETTRE D’ALAIN CAVALIER **

3sur5  Après un début de carrière relativement conventionnel, Alain Cavalier s’est engagé dans des voies de plus en plus expérimentales et insulaires. Il s’agissait d’abord de films reflétant le plus fidèlement possible des expériences de vie (Le plein de super, Martin et Léa), en l’occurrence celles des gens impliqués dans le tournage avec Cavalier. Lui-même projettera des morceaux de sa vie dans des essais comme Un étrange voyage, où la fille de Rochefort à l’écran est la sienne dans le réel, avec des problématiques similaires.

À partir de Thérèse (1986) son cinéma se radicalise encore et accède à l’épure maximale tant convoitée. Libera me sera sans dialogues, puis suite à La rencontre en 1995, Cavalier travaille seul avec des caméras vidéos triviales. La Lettre d’un cinéaste montre Cavalier en train de préparer Thérèse, aux débuts de ce projet, en 1982. Pendant douze minutes il décrit son travail, traitant les aspects factuels (la technique et la documentation sur la sœur carmélite), relationnels et les objectifs de créateur – de nature émotionnelle, avec des prétentions à l’instinct pur. Il n’envisage pas de se définir, préfère raconter ses méthodes et intentions.

En plongeant le spectateur dans l’intimité de Cavalier, ce court confirme les intuitions dégagées par ses précédentes réalisations, de L’Insoumis avec Delon au chemin de croix dépressif Ce répondeur ne prend pas de message. Toute la lourdeur de l’homme y est signée, sa bizarrerie face au langage mise en avant ; également, sa volonté, douce et claire, de faire le vide. On retrouve cette apparente artificialité au service de confessions brutales, hagardes ; cette obsession pour l’immédiateté et une idée de la sincérité. Elles encouragent Cavalier dans sa grande compulsion : s’enfermer dans une réalité sensorielle et psychologique purgée de toutes les distractions et les mensonges des mises en scène collectives.

Note globale 61

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Suggestions…

Voir le film sur INA ou Derives.TV 

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (-), Dialogues (4), Son/Musique-BO (-), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (3), Audace (-), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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VULGAR FRACTIONS **

2sur5  Après Psychohydrography, Peter Bo Rappmund réalise un second opus qui apparaît rétrospectivement comme le brouillon rococo du troisième. Il installe la thématique des frontières en s’attachant au Nevada, état des USA en touchant sept autres. Contrairement aux deux autres films et documentaires de Rappmund, celui-ci est un court. Il propose une demi-heure de pure contemplation, en compilant des paysages capturés dans ces sept « intersections », pour finalement nous perdre dans un ciel mauve et saumon.

La bande-son se compose de bruits improbables, comme ces éclat de voix de basse-cours, ces vents, tous accentués et souvent en décalage avec les lieux à l’écran ou les mouvements suggérés. Cette particularité est assortie au travail visuel, les teintes étant saturées, le time-lapse principalement usé pour décupler des effets saccadés. Rappmund tend au symbolisme et au surlignage. Il alourdit, exagère, en gardant une distance qui donne un effet dissocié, entre le caractère éthéré des territoires et l’hystérie confuse des forces vives qui s’agiteraient en-dessous.

Le film n’est pas orienté faits (ou êtres) mais choses, avec une franchise servant sa démonstration. Rappmund semble attaché à trouver des traces (détritus mécaniques) donnant un avant-goût de profanation de cimetière en période post-apocalyptique. L’auteur se sent manifestement très libre et n’éprouve pas le besoin de gonfler son film en thèse apriorique, contrairement à ce qui se produira sur l’opus suivant Tectonics. Il aura certes une allure plus éloquente, une texture relativement policée, mais ses ambitions « métaphysiques » ne feront que créer un gouffre entre la donne objective et le justificatif dont elle se pare – qui ne fait qu’acheter le respect.

Note globale 53

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Suggestions…

Scénario & Écriture (-), Casting/Personnages (-), Dialogues (-), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (3), Audace (-), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (-)

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LES HÉROS SONT IMMORTELS **

2sur5  Après plusieurs romans non publiés, Guiraudie se lance dans le cinéma. Il fabrique le court-métrage Les héros sont immortels à 26 ans, une décennie avant d’attirer l’attention via Du soleil pour les gueux (2001). Il alignera ensuite plusieurs longs-métrages, notamment L’inconnu du Lac. Ses films se situent toujours dans le sud-ouest, mettent en avant la classe ouvrière et surtout des individus homosexuels embarqués dans des aventures picaresques.

Dans Les Héros, deux types se rejoignent plusieurs nuits d’affilées en attendant une tierce personne qui ne viendra jamais. Ils déblatèrent assis devant la porte de l’église d’un village aveyronnais, évoquent le journal qu’ils tiennent avec d’autres amis (‘La coquille’) dont une Marie assommante. Leurs phrasés sont mi-exaltés mi-récités, ils débitent rapidement et pondent quelques punchline participant à une dérision abondante et nombriliste (« à part nous tu sais cette histoire elle intéresse pas grand monde »).

Le ‘délire’ s’adresse peut-être à des initiés mais la générosité de son écriture ouvre quelques horizons. Guiraudie donne dans l’amateurisme militant post-nouvelle vague, créatif et absurde, vif en vain et volontiers vulgaire. À la fin Basil et Igor donnent les noms de toute l’équipe, vocalement, alors qu’il y aura bien un générique conventionnel imprimé à l’écran. Voir ces Héros revient à écouter un tandem de Maité mâles et spirituelles, genre asperges nonchalantes de 25 ans. Pas aberrant, quoiqu’un peu léger si on est pas curieux ou charmé par Guiraudie et ses héros lunaires ou patibulaires.

Note globale 47

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Suggestions…

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (2), Originalité (3), Ambition (-), Audace (-), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

Voir l’index cinéma de Zogarok

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