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LE PROFIL POLITIQUE DES POLÉMISTES

15 Nov

Nouvelle rubrique dans la lignée des « Typologie » des Polémistes (médias – ou plus confidentiels). Un article a déjà été publié à ce sujet. Cette fois, il s’agit non plus de la personnalité mais du profil politique de ces personnages publics, penseurs et polémistes. Démarrage avec un petit échantillon, emprunté à la droite la plus pure. Le Politest illustre le profil des concernés.

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L’économique et le social  
Les manières de vivre  
L’identité et la responsabilité  

ERIC ZEMMOUR

Ce profil peut étonner. On peut instinctivement situer Zemmour à droite toute, bien plus encore qu’il ne l’est ici ; et/ou hésiter à son sujet sur l’axe 1, voir l’y classer sensiblement à gauche.

Il s’illustre notamment dans sa critique de la mondialisation et du néolibéralisme ; mais Zemmour n’est pas économiquement de gauche, c’est un UMPiste carabiné, un conservateur radical. Il est l’équivalent français du Tea Party, dans une version plus ouverte sur le terrain économique et social.

En d’autres termes, Zemmour, s’il dénonce les résignations du PS et des formation de la gauche modérée européenne, n’en demeure pas moins un agent de la droite la plus ordinaire. Il est simplement plus réticent devant la mondialisation que certains de ses camarades, essentiellement pour des questions liées à l’identité nationale ; les revendications, les droits et le bien-être des salariés, sont absents de sa pensée. Zemmour n’est pas Marine Le Pen. C’est un analyste critique, un théoricien monomaniaque qui finalement se range toujours derrière les promoteurs de ce qu’il dénonce, car il rejoint en esprit, dans les adhésions et même dans les concepts, les pessimistes de droite et les réactionnaires associés à la droite sarkozyste, certes en jouant les mijaurées, mais en se délectant de trouver un allié si cru. Ce qu’il reproche à cette dernière, ce n’est pas son abandon de l’État (dont il se sert régulièrement, mais sans être conséquent), c’est son trop grand laxisme devant l’emprise culturelle et les leitmotiv de la gauche.

La préférence de Zemmour quand à ces axes est relativement ambiguë. En volume lors de sa période Ruquier ou même des chroniques RTL, c’est plutôt l’axe des mœurs qui interpelle Zemmour. Dans ses livres ou son tandem avec Domenach, l’axe 3 est clairement le favori, balayant les deux autres.

Et s’il reproche à la gauche d’avoir déserté l’axe 1 pour s’être réfugiée dans le second (la pédagogie et les engagements sont plus faciles sur les mœurs, les points de vue sociétaux), lui-même est obsédé par les notions qui en découlent. Le libéralisme culturel l’inquiète bien plus que la tyrannie de l’économie, voir, par séquences, que la mise sous tutelle de la France par la technocratie européenne. Si les questions d’Identité et d’autorité constituent son  »fond de commerce », c’est sur celles concernant les mœurs, la culture, les modes sociales, qu’il s’enflamme le plus et développe le plus grand nombre de théories, là où ses opinions, radicales au demeurant, sont plus fines et éclairées.

Sur ce dernier axe, Zemmour est naturellement très à droite (c’est ici qu’il est le plus marqué, donc  »repérable ») et il y coche tous les critères : rejet de l’immigration, promotion des valeurs nationales, culte de la responsabilité individuelle, sévérité avec les criminels et la délinquance. Il met souvent l’accent sur l’identité française. Pour autant, toute son emphase sur ces sujets est subordonnée à son abhorration dogmatique du moindre progrès de société, et à son « pessimisme de droite » tellement caractéristique. En effet, sa vision sur ces sujets est beaucoup plus compartimentée et opportuniste (au cas par cas), alors que celle sur les deux premiers axes répond à une dynamique plus floue, passionnelle.

Surtout, Zemmour est d’autant plus  »à droite » ici pour entrer en cohérence avec son droitisme global : d’ailleurs, lorsqu’on lui évoque les bandits d’envergure internationale, il s’offusque de cette confusion entre la « délinquance en col blanc » et celle des petites frappes. Ainsi il montre bien qu’en dépit de la critique théorique de la prédation financière, il refuse d’aller au bout de sa logique et surtout, se range derrière les dominants dans tout rapport de force sérieux, par déférence pour l’ordre établi, allant jusqu’à légitimer les oppresseurs naturels. Son mépris des affaires secondaires, notamment celles suscitant l’attention des écologistes (Maldives) est l’expression la plus nette et triviale de cette philosophie de droite conformiste, à la fois hautaine et cynique.

Zemmour est avant tout un réactionnaire complaisant et un polémiste relativement arriviste à certains égards, toutefois il n’y a pas de dissociation entre ses discours et ses croyances. Il est honnête et pénétrant, jusque dans les œillères qu’il peut emprunter en omettant ou minimisant certains aspects d’une question.

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L’économique et le social  
Les manières de vivre  
L’identité et la responsabilité  

ELISABETH LEVY

C’est la polémiste de l’ultra-droite par excellence. Elle se retrouve naturellement à l’extrême-droite sur tous les domaines.

Acceptation aveugle des règles du jeu, rejet de toutes les entraves à l’efficacité et l’ordonnancement lisse de la société ; le traitement des idées est à la fois impersonnel et brutal. Le style rhétorique correspond tout à fait au fond : intelligence et mise en doute méprisées, au profit d’un attachement indéfectible au « marche ou crève », dans chaque domaine de l’existence.

Elisabeth Lévy est une conformiste agressive, considérant, d’une façon unilatérale et n’entendant pas la moindre contradiction (au contraire de Zemmour), que ce qui nous parvient est légitime. Pour elle, il faut suivre l’ordre établi et la société ne doit jamais se laisser corrompre, ni par les individus naturellement, mais pas plus par les aléas sociaux ou les doutes moraux.

Elisabeth Lévy représente l’aile radicale du néoconservatisme américain, flirtant ouvertement avec un fascisme de droite contemporain. Sa vision de la chose publique relève du tribalisme (c’est d’ailleurs une défenseure cruelle et maladroite du sionisme) et de la réaction politique la plus caricaturale. Elle prêche l’autoritarisme de façon décomplexée, non par idéologie ni par projet ou romantisme euphorique, simplement car le monde est dangereux et les décideurs toujours trop laxistes.

Cette vision s’applique donc dans les trois critères :

  • l’économie doit être confiée aux corporations agissantes, l’État ne doit jamais parasiter cette bonne marche, l’aide aux populations est infamante

  • le moindre écart de comportement est tenu pour un attentat aux mœurs ; vision morale sans morale, simplement alignée sur la tradition ; conservatisme doctrinaire, dénigrant tout mode de vie s’écartant des schémas élémentaires. L’aspect phobique délirant est plus marqué ici que nulle part ailleurs.

  • le rejet de la diversité et du multiculturalisme est une évidence pour cette prêcheuse identitaire et fanatique du binaire. En vérité, les aspects identitaires et culturels n’ont aucune espèce d’importance pour Elizabeth Lévy ; sinon en tant que codes directeurs affublés de leurs outils de répression. Par ailleurs, la punition est la seule réponse à apporter pour les fauteurs de trouble. Le hic, c’est que tout ce qui n’est pas cynisme flagrant est trouble. La position sur cet axe est surtout caractérisée par l’attribution de ses aspects négatifs : les institutions sont envisagées seulement pour leur capacité à affirmer la force, la justice est inquisitrice et formelle, indifférente. La violence du monde est le principe ultime et prévaut dans tous les cas ; lorsque la société s’en écarte, elle se leurre et engendre de la confusion, des lenteurs et de l’inefficacité. Les enjeux de préservation, les symboles et la civilisation eux-mêmes n’ont finalement aucune validité, s’ils ne sont pas fonctionnels. Alain Soral, au même degré sur cette échelle, apparaît porté par des valeurs, une conception du monde élargie ; Elizabeth Lévy n’y est que par déférence au maintien de l’ordre et rejet de la plus petite once de relativisme (tant de l’autorité, de son exercice, que du statut quo).

Naturellement, les postures de Elizabeth lévy s’accompagnent d’un éloge récurent de la  »provoc », mais n’est tenue pour provocation que les discours allant, sans prendre de gants, à l’encontre de toute dimension humaine, de l’ensemble des normes culturelles de gauche, mais aussi à l’encontre de toute démarche intellectuelle. L’idéal de productivité s’étend également aux arts, à la recherche, aux sciences : ce qui n’est pas concret, univoque et manipulable est aberrant.

Invocations populistes, parle au nom d’une majorité qui aurait « les boules ». Sur la forme, c’est une sorte de Ayn Rand coercitive qui se verrait dotée d’une gouaille de poissonnière sous coke. Cette attitude peut contrarier jusqu’à ceux qui se trouveraient dans ses rangs idéologiques. Au moins, cette témérité permet la clarté : impossible de reprocher à Lévy de masquer son jeu. Cette transparence ne la rend pas aimable, mais honnête, ce qui en fait l’une des personnalités les plus intéressantes dans son domaine. 

 

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