L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU =+

30 Mar

La vision du Christ de Pier Paolo Pasolini est peut-être la plus originale au cinéma car elle est la plus juste et méthodique. Au lieu des héros acidulés, bodybuildés ou même hippie de Hollywood, mais aussi à la place de ces séries d’une dizaine d’heures relevant du catéchisme illustré avec plus ou moins de flamboyance, Pasolini raconte la vie de Jésus en reprenant de manière littérale l’évangile de St Matthieu. Nous sommes loin aussi des simagrées de Bunuel et de représentations incendiaires telle La passion de Mel Gibson.

Comme d’autres opus type Théorème, L’Évangile est suffisamment ambigu pour plaire à des publics antagonistes. Pourtant la démarche est claire, cristalline même : Jésus est un personnage sublime, ses mots et son exemple portent haut l’Humanité, ses miracles sont des agréments. La transcription est dopée par une très belle composition musicale et une mise en scène contemplative, focalisée sur les paysages dans des plans larges ou sur les orateurs dans des plans rapprochés. Les visages atypiques sont récurrents, leurs nuances de rugosité, de pathétique et de beauté interpellent davantage le manque d’acteurs professionnels.

Le Christ est interprété par le mono-sourcil Enrique Irazoqui, un Jésus grave mais chaleureux, féminin (son regard se confond avec celui de sa mère – incarnée à l’âge mûr par la génitrice du réalisateur), inspirant ceux qui le croise (les aliénant plus encore mais l’heure est à cueillir l’extase, pas à la critique). Athée complaisant par orgueil et nostalgie, Pasolini donne une tribune au Christ, déversant ses paroles devant un auditoire toujours plus nombreux. Toujours dans une démarche d’historien-théologien agrémentée d’un lyrisme simple et discret, il montre ses confrontations avec le pouvoir romain en place ou des comportements dominants, comme celui des marchands.

Pasolini met en valeur sa dénonciation de l’instrumentalisation des prophètes du passé, dont les combats et l’esprit sont subvertis. Voisin de la gauche orwellienne, le cinéaste italien se reconnaît manifestement dans la démarche d’un Christ refusant la corruption du consumérisme et la lâcheté des complices d’un ordre inique et hypocrite. Il se retrouve probablement aussi dans son appel à la sagesse et aux vertus ordinaires.

Note globale 68

 

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Note arrondie de 67 à 68 suite à la mise à jour générale des notes et à un second visionnage (mars 2019). Quelques ajouts/précisions à l’occasion.

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