OBSESSION ++

22 Juin

Meilleur film de Brian De Palma, fruit de sa collaboration avec le scénariste et futur réalisateur Paul Schrader, Obsession est un hommage à Hitchcock, mais surtout un film qui le dépasse totalement. De Palma n’est pas ce genre d’auteurs contemplant les reliques. Il créée ses propres joyaux et c’est par la modernité et la liberté que ses maîtres n’avaient pas qu’il touche la grâce.

Si Obsession s’inspire de Sueurs Froides par son scénario (voir de Rebecca), l’emprunte qu’il dessine est comparable à nulle autre. Une référence inattendue s’érige, notamment pour la balade exécutée dans Florence (comme 25 ans plus tard dans Hannibal), celle d’Argento, celui du Syndrome de Stendhal ou de Inferno. Lors des visites de l’église San Miniato al Monte, de la maison familiale aux États-Unis ou même des bureaux où travaille Michael, les lieux prennent vie. Ce sont les vrais cadres de l’action de Obsession, où le temps et l’espace semblent flexibles et indistincts, alors que la vraisemblance est respectée.

Cette caractéristique renvoie aux propriétés de Obsession et indiquent pourquoi il touche au sublime. La photographie si particulière est signée Vilmos Zsigmond, qui a œuvré pour le Nouvel Hollywood dans les 70s (L’Épouvantail, La Porte du Paradis, Délivrance). Il a crée une texture originale, contrariant subtilement la netteté à l’aide de filtres. Ajoutée à une narration distordue et romantique, aux mouvements de caméra de Brian De Palma et à la musique de Bernard Herrman, cela donne un résultat fabuleux et une séance pareille à un rêve.

Cette avant-dernière composition de Herrmann (avant Taxi Driver puis sa mort) est capitale. Obsession comporte une des bande-son les plus magistrales de l’histoire du cinéma, mélancolique, édifiante et recueillie, rappelant un peu Debussy. Ensuite, assez rare chez De Palma, nous trouvons des personnages puissants.

Bien sûr, le cinéaste tend à éluder une certaine profondeur comme à son habitude, mais c’est en s’appliquant à suggérer tous les tourments intérieurs et même à expliciter les ambiguïtés fondamentales écrasant ces individus. Il y a dans leur condition un fatalisme merveilleux qui demandait à naître déjà dans Pulsions et Blow Out et exulte ici. Les présences de Cliff Robertson et Geneviève Bujold sont lisses et précises, absorbant toute la complexité de leurs personnages sans le moindre effet spécial.

Brian de Palma est un formaliste génial et le charme principal de ses films, c’est d’être des jeux pour le spectateur, assuré que le spectacle délivrera de multiples facettes et mutera des repères clés. Obsession est un tel enchantement qu’on en oublie le scénario et même les évidences tendues en toutes transparences. Le dénouement vient nous signaler la manipulation consentie et, au lieu de nous abandonner sur cette note malicieuse, nous étreint de son lyrisme.

Les ressorts de ce cinéma sont radicaux mais amenés avec une telle subtilité qu’il devient un voyage. Cela ne prend pas toujours, comme avec Mission to Mars ou Furie. Ici on est ensorcelés car il n’y a jamais un moment de doute et chaque nouveau plan, chaque nouvelle minute, vient ajouter un écho à la précédente, donnant une illusion de spectacle parfait, solide et consistant derrière sa vitrine alléchante. Un grand tour de magie, souvent considéré comme un opus  »sobre » de De Palma, alors que sa vraie qualité est de tutoyer la perfection. Sans connaître l’excès, juste en créant l’intensité absolue.

Note globale 96

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Suggestions…

 

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7 Réponses to “OBSESSION ++”

  1. Voracinéphile juin 22, 2014 à 19:22 #

    Un cru particulièrement intense de DePalma, la fin m’emporte toujours très loin dans les sentiments mis en scène. Toute la première partie était nécessaire pour préparer le terrain à un tel retournement, mais la gestion virtuose des éléments de l’intrigue, ajouté à cette partition de Hermann (le thème principal avec l’orgue et les choeurs me restera toujours en mémoire), donne un résultat de haute volée. Lui et Body Double restent ses meilleurs thrillers.

    • zogarok juin 27, 2014 à 18:05 #

      La BO n’est pas « si » géniale écoutée à part, mais dans le contexte du film c’est la touche finale.

  2. mymp juin 25, 2014 à 12:50 #

    Roo là là, comment tu me donnes envie de le redécouvrir… Je l’ai vu il y a longtemps, j’étais jeune, il m’avait envoûté (Florence quoi) et j’en ai oublié la fin… Il fait partie de ses meilleurs, de ses plus que parfaits, et peut-être détrônera t-il Snake eyes dans mon coeur…

    • zogarok juin 27, 2014 à 18:04 #

      La fin est très brillante paraît-il, mais je ne crois pas que la puissance du film réside dans cette intrigue ni dans le présumé « suspense ». D’ailleurs j’avais grillé le bug mais je l’ai totalement délaissé car ça ne me semble pas être le sujet. C’est un thriller romantique, pas un film policier « mental » où le spectateur est là pour détricoter les indices disséminés. C’est un hater de Usual Suspects qui te le dis.
      Je ne sais pas, Snake Eyes a une telle avance dans ton estime manifestement ; mais c’est assez curieux car il y a bien d’autres crû, plus « cultes » (Carrie, Phantom of the Paradise), plus virtuoses (Pulsions), plus séduisants (Body Double), plus profonds (L’Impasse) mais pas dans le concept, c’est certain. Et il y a Blow Out aussi..

      • mymp juin 30, 2014 à 11:57 #

        Mais je les aime aussi ceux-là, beaucoup, mais je ne sais pas, le côté totalement théorique et mathématique de Snake eyes m’a sur-hypnotisé (perturbé ?).

        Quoi, hater de US ?! Curieux de lire ça (j’ai tenté de trouver ton éventuelle diatribe, mais rien à l’horizon). Et pressé aussi de lire ta critique d’Under the skin (7 sur SC quand même).

        • zogarok juin 30, 2014 à 13:19 #

          Under the Skin c’était avec Maps to the star le film 2014 à voir en urgence. Et juste avant il se trouve que j’ai vu la note d’un cinéphile fiable et exigeant : toi ! Et je pense comprendre ce 9 mais j’arrive pas à suivre. Très joli film quand même, qui entre dans le top 10 en construction.
          (J’ai commis un attentat -culturel- sur SC hier, aussi)
          Pour Usual Suspects il faudra que je souffre une seconde fois. J’étais prêt à voir des horreurs à l’époque, mais celui-là m’avait démoralisé comme rarement.

  3. Moonrise janvier 19, 2015 à 02:57 #

    Vraiment un très bon film, qui confirme que De Palma est un réalisateur qui me parle.
    L’intensité de l’obsession du protagoniste est comme souligné très bien ressentie, et magnifiée par la musique. C’est ce qui m’a le plus marquée dans ce film, cet obsession et tout ce qu’elle peut avoir de sublime et de malsain, plus que l’intrigue elle-même, bien menée mais pas tellement originale, au final. Le fait qu’il y ait cette machination m’a d’ailleurs fait assez peur pendant un moment (les qualités du film reposent pour moi sur ce qu’il a d’émotionnel !) mais à l’arrivée, on n’y perd pas en qualité.

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