HITCHCOCK =-

14 Fév

Le programme démarre sur une note d’intention à propos des blues lucide de l’éléphant du cinéma, toujours adulé mais trop vite institutionnalisé. Son défi : avant la descente inéluctable, sortir des sentiers battus, réactiver son aura : le champion classiciste sera l’innovateur, avec le premier film d’horreur exécuté par un maître académique (tout se joue autour du tournage de Psychose en 1960). Il emprunte son sujet aux gazettes sordides, à la littérature d’épouvante malsaine et au bis fauché. Le film le suit dans sa révolution. Dès lors, avec en marge un remariage artistique à l’horizon, l’hagiographie candide permet l’immersion dans la poursuite d’un iconoclasme relatif. Il s’agira toujours, c’est en tout cas la carte que cherche à jouer Gervasi, d’une rébellion individuelle et artistique, face à un système socio-culturel entretenu par des gardiens, pour des raisons d’éthique et d’économie autant que de frilosité naturelle (mais aussi des propres réticences de Hitchcock, que le portrait, trop hagiographique et pressé de consacrer un brave bonhomme, relève à peine lors du tournage).

Tout est fidèle à l’image attribuée spontanément par tous au personnage : Hitchcok y est un conservateur dissident et poliment revêche, un excentrique adapté, pro-actif et nonchalant. Prévisible mais achevée dans sa restitution, c’est une œuvre superficielle, qui n’essaie même pas de s’encanailler des névroses du personnage (ce qui rendait le très frivole My week with Marilyn si ludique) sinon ponctuellement à titre décoratif, encore moins de le sonder. Il s’agit juste de tracer ses contours en jouant les étonnés devant une ritournelle enfin et proprement mise en scène.

La plus grande valeur du film, c’est d’offrir la vision d’un Hopkins empâté pour l’occasion, avec sa prothèse au cou et sa posture d’obèse solennel vaguement ridicule et éminemment sympathique. Pour le reste, le film de Sacha Gervasi évolue à la façon d’une fiction anglaise penaude. Il diverti surtout sur le plan des drames personnels (la crise de couple), avec petites intrigues croisant la grande (le film va-t-il passer la censure, quel impact aura-t-il sur la carrière du cinéaste?) et quiproquos gentillets. Lorsqu’il veut les lier au processus de création, on se gausse. Sinon lors de cette scène de marionnettiste possédant son public et l’exutoire onirique où tout l’entourage passe à la douche, l’œuvre est d’un manque de subtilité et d’élégance désespérant dans ses velléités psy. Lorsqu’il s’amourachent de ses « impulsions », Gervasi et ses scénaristes ne font que se concentrer sur les lubies sensationnalistes d’un vieux monsieur, consistant à mêler érotisme très soft à violence crue et très suggérée. Elle saura néanmoins apporter un éclairage sur l’ambiguïté moraliste du monument de l’angoisse qu’est Psychose (complexité autour de la mise au point de la scène de douche et celle d’amour).

Agréable et léger, mais exagérément traditionaliste (dans ses avatars mais aussi dans chacun de ses tics de fabrique), Hitchcock rappelle l’Albert Nobbs de Glenn Close et s’inscrit dans les tristes et strictes mœurs du genre. C’est une biographie ronflante, avec un thème et un personnage hors-norme, engoncé dans une approche du cinéma scolaire et pompière. Les petites saillies du film, les You know ; I don’t care & cie, ne font que révéler le conformisme exubérant du film ; Hitchcock, le long-métrage et le personnage, est exactement comme un bourgeois prenant de la distance avec les siens tout en restant organiquement et perpétuellement encadré par ces ornières chagrines. Un univers bien pépère et désuet simulant l’audace, voilà qui trahit la véritable nature du grand Hollywood du début de l’après-guerre.

Note globale 46

Page Allocine    + Zoga sur SC

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Note arrondie de 45 à 46 suite à la mise à jour générale des notes.

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18 Réponses to “HITCHCOCK =-”

  1. 2flicsamiami février 14, 2013 à 11:08 #

    Assez proche de l’idée dont je me faisait du film : rien d’étonnant au final, juste un biopic qui aurait très bien pu passer directement à la télévision. Mais bon, j’essaierais de le voir histoire de me faire un véritable avis.

    • zogarok février 14, 2013 à 13:16 #

      Oui, un téléfilm old school et friqué mais pas trop, du Barnaby sans mystère ni excentricités, en moins roublard et bien démonstratif.

  2. Voracinéphile février 14, 2013 à 12:03 #

    Vu la bande annonce quand j’étais allé voir Django… Et je n’étais curieusement pas tenté. Avec son approche soi disant icônoclaste d’Hitchcock (son film vraiment icônoclaste reste Les Oiseaux), balançant un tas de superlatifs sur Psychose trahissant déjà une volonté de faire du sensationnalisme comme si nous avions oublié ce qu’était ce film, le rendez vous d’acteurs, je ne m’attendais à rien de moins qu’au nouveau Discours d’un roi (mais en différent) : l’attrape oscar qui allait encore rafler des prix à ceux qui le mériteraient davantage…

    • zogarok février 14, 2013 à 13:20 #

      Oh oui, c’est parsemé de superlatifs à défaut d’avoir une vision. La comparaison au « Discours d’un roi » est assassine (qui lui n’est vraiment QUE un film à Oscars et n’essaie absolument rien), car « Hitchcock » est moins propret et bouffi, d’ailleurs on ne s’ennuie pas et même, il y a de quoi s’amuser. Ca ne dépasse pas ce cap. Petites ambitions tout de même, compte tenu de la matière à disposition. Le dernier quart-d’heure, avec la première projection, joue assez bien de tous ces artifices, en mettant en scène le « buzz », puis la rencontre avec le public ; il y a alors de jolis moments.

  3. Voracinéphile février 14, 2013 à 20:29 #

    Belles nuances ^^ !! Je savais que cette comparaison au Discours ferait réagir, tellement ce rejet avait été notable (tout du moins sur Zogarok, parce que les autres blogs étaient nettement plus polis avec lui). A voir donc, mais pas besoin que ça soit dans un cinéma. Je persiste à dire que le même film sur Les Oiseaux aurait probablement été plus intéressant (le maître du suspense qui pète un câble et se lance dans la série B animale ? mais WTF ?). Après, il n’y a pas eu la même constipation productrice autour des oiseaux que ce Psychose (pour le coup vraiment amoral et flippant lors de plusieurs séquences…), qui a prouvé que l’horreur pouvait être un succès. Injuste en revanche qu’on ne se souvienne pas (ou si peu) du Voyeur de Michael Powell…

    • zogarok février 15, 2013 à 23:11 #

      C’est dommage, je les incite tous à s’y confronter à nouveau, maintenant qu’il n’y a plus aucune effervescence autour du film, aucune ligne d’appréciation écrasante.

      Je relève cette insistance sur « Les Oiseaux » et réalise qu’il a effectivement « marqué » beaucoup de monde, peut-être plus que « Psychose ». Je l’ai vu il y a trop longtemps et il m’avait apparu désuet ; en revanche Hitchcock faisait clairement une incursion dans un domaine, non pas « interdit » comme ici, mais très inadéquat avec le cahier des charges de l’industrie pour laquelle il collabore. Si le résultat paraît gentillet aujourd’hui, on comprend intuitivement en quoi et pourquoi il a dû dérouter à l’époque (sans avoir probablement le même impact, dégager l’intensité de « Psychose »).

  4. Voracinéphile février 16, 2013 à 02:17 #

    Mon insistance sur les Oiseaux est surement un peu trompeuse, je suis loin de le considérer comme l’un des meilleurs Hitchcock (et pour consacrer le mauvais goût, je lui préfère Birdemic, mais chuuut !). J’apprécie beaucoup Frenzy en revanche, et je dois revoir Vertigo… Mais le cas des Oiseaux est clairement notable pour cette tentative inédite d’aller dans un domaine inattendu. Mais l’impact n’est pas le même en effet. Avant de réussir à faire flipper avec une mouette, faut y aller… Birdemic est bien plus efficace à ce niveau (des mouettes explosives qui rendent aveugles rien qu’avec la qualité des effets spéciaux…).

    • zogarok février 17, 2013 à 19:14 #

      Oh !

      • Voracinéphile février 17, 2013 à 23:41 #

        Allons allons ! Est-ce si surprenant que ça venant de ma part ?

        • zogarok février 18, 2013 à 13:15 #

          Non pas un instant 😉 Mais c’est drôle, parce qu’il faut le vouloir pour déterrer ce genre de films (et en plus, les assumer) !

  5. dasola février 16, 2013 à 13:43 #

    Bonjour Zogarock, ce film m’a donné envie de revoir Psychose, c’est qui est plutôt pas mal, j’ignorais aussi que Robert Bloch s’était inspiré d’un serial-killer Ed Gein. Et sinon, Scarlett Johansson est pas mal du tout. Quant à Helen Mirren, elle pourrait lire le bottin, je suis fan. Bon samedi.

    • zogarok février 17, 2013 à 19:06 #

      Oui mais égale à elle-même, le contexte ne joue pas. Je ne partage pas cette adhésion sans retenue (très répandue) au jeu d’Helen Mirren, c’est bien Hopkins qui m’a le plus marqué ici. Tous les deux campent en tout cas des « profils » que j’aime assez, mais qui demandent d’être confronté à de bien plus profondes crises pour faire un film un tant soit peu « stimulant » psychologiquement. En l’état, ce sont des gens braves mais très penauds, voir anodins.

  6. selenien février 16, 2013 à 18:46 #

    Comme Dasola, tout de suite après je me suis rematé « Psychose »… Moi j’ai bien aimé même si je comprends tes réserves. Ludique et passionnant… 3/4

    • zogarok février 17, 2013 à 19:08 #

      A ce point ! Cela dit ça ne me paraît pas scandaleux (1,2,3 sur 4 sont possibles, c’est ludique effectivement et passe-partout), mais je ne m’attendais pas à ce qu’il séduise autant.

  7. Tangokoni février 16, 2013 à 21:58 #

    Je n’ai pas pu le voir pour le moment, et je n’attends pas grand chose de ce film, mais j’ai envie de le voir, peut-être serai-je agréablement surprise.
    Je n’ai lu que ta note, qui représente peut-être ce que j’en attends, je te dirai ça 😉

    • zogarok février 17, 2013 à 19:09 #

      Il semble cumuler les bons retours, alors… on verra. Ce n’est pas un « mauvais » film quoiqu’il en soit, mais c’est très léger comme programme.. Si je devais noter de façon totalement impersonnelle, ce serait *.

      • tangokoni mars 5, 2013 à 17:10 #

        Me revoilà aprés avoir regardé ce film ! Et bien, je me suis prise au jeu, et n’en attendant pas grand chose, j’en ai reçu beaucoup plus que ce que j’aurais imaginé. Une très agréable surprise donc, une oeuvre très sympathique, qui dépeint un Hitchcock audacieux, et si charmant et fragile à la fois. Je ne sais pas si cela est fidèle à la réalité, mais cela me plait de le croire. Un très séduisant film pour ma part, avec un duo d’acteurs tout aussi plaisant et talentueux, un biopic qui pourrait être considéré comme ordinaire et sans intêret, mais qui est bien plus que ça pour moi.

        • zogarok mars 6, 2013 à 11:33 #

          Décidément, c’est un enthousiasme général. Le film a pour lui ce capital sympathie dont je ne doutais pas qu’il lui vaudrait des critiques compatissantes ; mais son approche « côté jardin » dégonfle autant le mythe (si on tient Hitchcock ou son milieu comme tels) que le sujet. Voir par la petite lucarne permet un sentiment de proximité, voir de trivialité, à l’avantage du film dans sa relation avec le spectateur : en même temps, cette relation est appauvrie, anodine. Cette dimension « intimiste » a fonctionné et prévalu pour toi Tango ; quand à moi je suis peut-être trop sceptique, ou un observateur attendant plus que ça, la simple exposition modeste et bonhomme ne résolvant pas tout à mon sens, or c’est le postulat du film.

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