POLISSE =-

15 Sep

C’est l’œuvre d’une copine de stars ; comme c’est une cinéaste, cela fait parfaitement illusion. C’est une copine complaisante et une artiste inspirée. L’humanisme de comptoir est un moyen qu’elle annexe à son profit, avec un tact (formel et éthique) naturel.

Inspiré de faits réels, Polisse empile les scènes comme on dresse un inventaire. Le based on a true story est censé se substituer à toute construction (les affaires sentimentales huilant les rouages et assurant quelques pauses – vie familiale, expression de névroses, soirées et débats à l’emporte-pièce). Puisque c’est du cinéma-vérité, pas besoin des artifices du cinéma-standard, sinon par quelques gros effets mélodramatiques ponctuels. En vérité, le spectateur aura le droit aux affaires internes, aux amis, aux amours et emmerdes filmés avec déférence, ainsi qu’aux clichés du cinéma conscient du Monde : d’ailleurs, l’intello de service est bien là, qui comprend tout et utilise un ton bienveillant et omniscient tout à fait ridicule pour ne faire que réciter des postures relativistes et insipides. Dans le commentaire, Polisse est souvent à cette hauteur de jeune bourgeois candide se la jouant vieux sage ; aussi, le film fait bien d’abandonner (rapidement d’ailleurs) toute velléité politique ou point de vue particulier, convaincant mieux lorsqu’il s’agit d’évoquer les réflexions et doutes des policiers sur leurs métiers et leurs missions.

Polisse semble soucieux d’exhiber l’humanité des acteurs derrière les personnages. Le regard est focalisé sur ce qu’ils incarnent, ce qui contraste ou se répond entre réel médiatique connu ou suggéré et fiction présente. La préoccupation première de Maiwenn est dans la projection parfaite de chacun ; le faire-valoir, ce ne sont pas les acteurs, c’est le sujet. Pour autant, Polisse est une véritable immersion hors du monde factice, auprès de France(s) exaspérées. Mais toute la joyeuse bande des héritiers du Splendid ressemble à de grands ados se prenant pour des citoyens impliqués, lucides et éclairés ; parmi les rôles phares, seuls Joey Starr et Marina Fois font illusion, Karin Viard ressemble toujours à une mégère s’appropriant des mots et des façons d’être qui lui sont étrangers (par leur prestige ou leur vérité).

Quelquefois drôle, souvent dans l’émotionalisme et la démagogie gratuite, Polisse reste néanmoins prudent : ne jamais s’engager sur quelque sentier que ce soit. Le cadre (la BPM-Brigade de Protection des Mineurs) permet de jouer à plein sur des cautions péremptoires, affaires de pédophilie et mise en foyer de jeunes issus de l’immigration malheureuse en tête. Entre politiquement correct et générosité, Polisse a frappé parce qu’il emmenait le cinéma dans une dimension sociale que cette industrie omet, mais c’est un produit superficiel, cumulant des symptômes pour susciter des indignations sans fouiller ce réel qu’il convoque.

Note globale 46

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11 Réponses to “POLISSE =-”

  1. 2flicsamiami septembre 15, 2012 à 08:51 #

    Très difficile ce film car on peut autant le haïr que l’aimer. Je ne sais plus trop pour ma part. Je l’avais aimé quand je l’avais vu au ciné, mais je dois dire qu’il me faudrait le revoir pour refaire un avis plus définitif.

    • zogarok septembre 15, 2012 à 19:33 #

      Mitigé pour ma part ; moralement c’est compatissant, socialement c’est bourrin et un peu vieillot mais ancré dans le réel, il n’y a pas d’idéologisme, mais il est évident qu’une bande d’amis se font plaisir (on est proche en un sens du charity business, même si ça reste décent). Du bon et du mauvais, rien qui déborde en revanche, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.

  2. Voracinéphile septembre 15, 2012 à 11:29 #

    J’étais un peu plus enthousiaste quand j’étais allé voir le film avec ma soeur, mais je pense avoir un peu relativisé ces derniers temps. Polisse montre essentiellement des séquences émotions, angle plutôt pertinent, mais qui reste finalement en surface. J’avais pour ma part apprécié essentiellement deux choses : le fait que Maïwenn essaye d’impliquer humainement ses acteurs dans leurs rôles (où ils s’effacent dans leur personnage pour réagir vraiment devant ce qu’ils voient, c’est ce que j’essaye de faire aussi à mon échelle en adaptant le rôle pour la personne qui va le jouer, mais ça a pour conséquence de mettre la personne mal à l’aise car elle ne voit plus la distinction entre le rôle et sa personne) et les affaires plus ou moins variées. Après, l’absence de montage sensée faire documentaire, mouais, et les grosses séquences émotions n’éclipsent pas vraiment les passages intermédiaires qui restent peu en mémoire. Maïwenn gagnerait toutefois à réaliser ses films sans se mettre en scène, elle est ici complètement inutile.

    • zogarok septembre 15, 2012 à 19:30 #

      J’étais peu emballé mais c’est plaisant et cette absence relative d’artifices m’a plu justement. Pour autant, il y a beaucoup de petites scènes superflues ; j’ai trouvé justement que l’émotion était un refuge compensant le manque de chaire, la banalité du propos. Maiwenn a voulu s’ajouter à ce bal des gueules cabossées en jouant l’intermédiaire bobo-beurgeois, c’est un peu lourd en effet…

  3. Le cabinet des rugosités septembre 15, 2012 à 11:36 #

    Ben justement j’ai faillit le prendre hier dans un discount, puis je l’ai reposé. Je vais quand même le visionner, et je reviendrai ici dire ce que j’en pense. Bon week end ‘

    • zogarok septembre 15, 2012 à 19:27 #

      Tu vas le voir tout en l’ayant laissé là-bas !? Je n’encourage pas au piratage, mais c’est quand même plus sage de le voir en streaming.

      • Le cabinet des rugosités septembre 16, 2012 à 11:23 #

        Oui, il me semblait bien qu’il y avait comme une confusion à l’instant où j’ai cliqué entrée 😉
        Bon, il est dans la boite, je pense le regarder aujourd’hui ‘

  4. Le cabinet des rugosités septembre 17, 2012 à 12:01 #

    Effectivement si Maiwenn a voulu faire un film pour occuper ses amis et sa famille, c’est réussi.. Le film aurait gagné à être plus court, et la solution était pourtant simple, il suffisait de couper toutes ses apparitions autistes/artiste franchement inutiles. Sandrine Kiberlain la seule qui sonne juste (pour moi), je n’arrivais pas à me détacher du côté « acteur » des autres, c’était assez surjoué. Sinon les petits passages dans les locaux de la brigade semblaient assez fidèles.

    • zogarok septembre 17, 2012 à 18:46 #

      Ce « côté ‘acteur’  » que tu cite, je le comprend et je l’ai vu. Cela dit, à force d’enchaîner les extraits de son catalogue « based on a true story », Polisse devient agréable si on fait abstraction des compositions. Karin Viard est toujours aussi nombriliste, même lorsqu’elle doit jouer l’obscure mégère… Pour Marina Fois en revanche, j’ai été encore une fois bluffé et me suis bien identifié à son personnage, plein de bile, de colère et impitoyable avec elle-même et avec ce qu’elle juge être le laisser-aller des autres.

      • Le cabinet des rugosités septembre 18, 2012 à 08:08 #

        Son personnage était touchant oui. J’avais vu un autre film de Maiwenn, me rappelle plus le titre, un chassé-croisé d’histoires du quotidien, (il me semble, pour dire qu’il m’a marqué) je me souviens juste que j’avais trouvé Joey Starr bon acteur.

        • zogarok septembre 18, 2012 à 08:27 #

          C’est son BAL DES ACTRICES sans doute. Je n’ai rien vu d’autre de ou avec Maiwenn, sauf HAUTE TENSION (bientôt sur le blog).

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