THE DUKE OF BURGUNDY =+

17 Jan

Pour ce film reprenant le nom d’un papillon, le réalisateur anglais de Berberian Sound Studio s’est inspiré du cinéma érotique des années 1970 et en particulier de Jess Franco. Peter Strickland revendique également Luis Bunuel – cette affiliation se lit dans quelques superpositions ou digressions. L’érotisme dans The Duke of Burgundy n’est jamais frontal. La langueur, la pose l’emportent sur la sacralisation. Le saut dans l’inconnu est refoulé au profit d’une déconnexion assistée.

L’érotisme est donc question d’ambiance, passe par l’organisation stricte des jeux saphiques et la malice prudente du montage. La sensualité se loge parfois dans le minuscule (comme les bulles de savon) face auquel s’ébahit probablement la dominée, Evelyn (Chiara D’Anna). Elle s’enfonce dans un sanctuaire d’oppression cotonneuse, pendant que la ‘sadique’ craint l’usure et l’ennui. Sidse Babett Knudsen, l’actrice danoise de Borgen (engagée dans une carrière européenne retentissante) incarne un bloc de froideur bien fébrile.

Les jeux sont loin d’aboutir à un front renversé, mais la dominante n’est jamais bête ni enthousiaste, plus près de l’anxiété et de la désillusion. Cynthia semble trouver peu de soulagement ou de récompenses dans cet affaire, même si ce n’est pas encore l’aliénation. Ses satisfactions sont celles d’une propriétaire vivant de rentes peu aimées, donc appréciées sans états d’âmes. Autour des ébats, le tandem tient à ses rôles sociaux conventionnels. L’essentiel se déroule dans un manoir (au début du XXe siècle mais avec flou), les conférences marquent les seules échappées.

Cynthia y trouve la seule gratification fondée sur son mérite et ses compétences développées, non sur l’intrinsèque, le pouvoir spontané ou hérité. Evelyn est là-bas comme un petit enfant accompagnant sa mère ou sa tutrice au milieu d’autres grandes personnes. Cynthia y perd toute possibilité de broder un récit, contrarie sa faculté à se créer une image parfaitement enviable. Sa chose lui inflige la honte en étalant sa candeur, son ignorance ; elle exerce son pouvoir de soumise inconditionnelle, ‘perdant’ le contrôle de son côté minable.

Avec un petit budget Peter Strickland fait à nouveau la démonstration d’un goût prononcé et d’une cinéphilie avancée, en étant plus doux qu’expérimental cette fois sur le plan sonore (avec la bande-son de Cat’s Eyes). Tourné en Hongrie, avec un casting exclusivement féminin, ce film pourrait satisfaire les adeptes de Maria Betty, à condition de ne pas être plus gourmand que face à son long et soft Bandaged.

Note globale 62

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… La Vie Nouvelle/Gandrieux + Room in Rome + Phenomena/Argento + Le Silence des Agneaux + Musaranas

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

Note arrondie de 60 à 62 suite à l’expulsion des 10×10.

Voir l’index cinéma de Zogarok

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