RUNAWAY =+

21 Oct

Avec Runaway, le potentiel de Crichton comme réalisateur se précise : ses idées géniales n’en feront jamais un théoricien fascinant à l’écran, mais elles peuvent doper un divertissement aux réflexes éculés et à la vocation de vulgaire ‘saturday night movie’. Crichton comme réalisateur est alors sur la pente descendante, enchaînant des films moins respectés, alors que déjà Mondwest, Coma et La grande attaque du train d’or sont zappés au fil des ans – et oubliés par la postérité, malgré la présence d’effets numériques précoces dans Mondwest. Cette carrière-là s’achèvera avec l’opus suivant, Preuve à l’appui, quelques années avant l’avènement de Jurassic Park dont Crichton détient le scénario original et d’Urgences dont il est le créateur.

Runaway suit un tandem de flics appartenant à la brigade des [robots] déviants, aux prises avec un pirate prêt à saborder tout le réseau électronique dont dépendent les humains au quotidien. La menace est inédite par son ampleur et sa nature. Runaway est toujours très synthétique et volontiers ‘cliché’, d’où une impression légitime de kitsch : mais le film n’est que superficiel, pas niais. Il brasse beaucoup d’informations et de remarques dans sa première moitié, avant de se focaliser sur le divertissement puis s’achever sur une dizaine de minutes faite de pièges et rebondissements face à un diablotin. La menace portée par l’intelligence artificielle elle-même et notamment son autonomie (contrairement à I Robot vingt ans plus tard, dans le même registre ‘entertainment visionnaire’) n’est pas analysée mais plutôt utilisé comme un thème d’ambiance, accompagné d’annotations. Certaines caractéristiques du cinéma de Crichton se retrouvent logées à ce niveau, comme l’attribution (via les journalistes rapaces) aux médias d’une attitude de prédateurs cyniques (développée dans Looker, avec le lavage de conscience généralisé par les rois du marketing).

Pour les détails et les personnages, Runaway est conventionnel. Tom Selleck (icône 80s grâce à Magnum (série TV), qui avait un petit rôle dans Coma) campe un excellent personnage : un homme mûr, auto-discipliné, capable d’exploser de rage si nécessaire en gardant toujours la maîtrise, ne reculant jamais sans pour autant jouer au téméraire. Sa stature anoblit les plongeons dans le mielleux familial. Néanmoins, il demeure un flic au passé douloureux et à la phobie un peu improbable, a un sous-fifre black au bureau et un supérieur borné ; dans les 80s aux USA, certains éléments concernent presque tout ce qui passe par le registre ‘policier’, du zeddard à la classe A (comme la saga L’Arme fatale). Ce morceau-là n’y échappe pas, mais il a de l’avance. Il montre la banalisation de la robotique, infiltrés dans le quotidien : Lois (de l’excellente série 12-20!) surveille l’alimentation, le rythme de vie, les relations de la famille dont elle a la charge. Leur intelligence avancée permet de rebondir dans les conversations, sans devenir ‘intuitive’. Les robots absorbent, classent et demandent des informations spécifiques.

Runaway sait épater la galerie en restant cohérent, avec un traitement limpide et un jugement minimal (propos explicite : ‘la mécanique est faillible et corruptible, comme les Hommes’). Plusieurs anticipations plutôt conformes aux développements à venir sont à noter, comme l’espèce de drone envoyé en éclaireur ou le principe du portable. L’effet le plus remarquable, mais aussi le plus méchamment daté, est la vue subjective de la balle tirée par l’horrible Luther. Son attitude est celle d’une tête chercheuse normalement propre aux missiles et exceptionnellement raffinée, à la limite de la fantaisie (sachant passer les obstacles, donc les analyser au préalable, en complète autonomie ; une machine qui n’en est plus à répondre à une demande définie, mais arrivée à remplir une mission). Même s’il est quelquefois lourdaud sur les réactions émotionnelles, Runaway présente un suspense fonctionnel, un tandem aimable, une poignée de gadgets redoutables (les araignées, les mines « coureuses » sur la route). Il n’a pas de temps morts (rythme anormalement speed et ‘plein’ de la part de Crichton) et peu de temps ‘inutiles’ (comme toujours en revanche, quoique Mondwest est globalement raté car ‘allégé’ à l’excès) – sauf si on range là les scènes finales grandiloquentes. Sur le bas-côté, il laisse en friche des points forts et se contente d’un méchant sans histoire ni profondeur, le fort typé docteur Luther (par Gene Simmons en mode possédé).

Note globale 62

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… 48 heures + E.T.l’extraterrestre + Copycat + Le Trou noir + Alphaville/Godard

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (3), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (3), Audace (2), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

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