LE ROMAN D’UN TRICHEUR +

9 Déc

En ouverture, Guitry présente l’équipe du film et les fonctions de chacun, apparemment après en avoir achevé le tournage. On doute de sa parole mais le tour est impeccable et le magicien enthousiaste. La séance sera quasiment sans dialogues, le spectateur étant accompagné par une voix off constante. Guitry en personne le baratine le long de cette autofiction sur grand écran ; officiellement il s’agit d’une autobiographie, mais la mythomanie de Guitry est presque officielle elle aussi ; d’ailleurs au lieu d’histoire nous avons le droit à une apologie du mensonge. Pour nous convaincre de le suivre quand même, l’auteur invente une série d’aventures insolites et mégalo, avec un langage spécifique pour les raconter.

Il joue avec les techniques, mélange les médias et réalise finalement un chaînon manquant entre le roman-photo et un semblant de cinéma interactif. La succession de saynètes peut lasser à terme, mais comme toujours avec Guitry la plaisanterie s’arrête à temps. Le film ne dure que quatre-vingt minutes, expose des dizaines d’anecdotes (dont l’interruption par Marguerite Moreno) et débite encore plus de bons mots (sur l’honneur, l’argent ou les monégasques), sans autre ambitions qu’épater l’auditoire. C’est une réussite, l’une des plus nettes d’une œuvre énergique et vive où la superficialité devient une méthode, le charme une fin en soi. Guitry est un peu un Lubitsch (To be or not to be, Rendez-vous) français qui sur ses épaules, ne supporte aucun poids.

Même si Guitry avait fait quelques détours au cinéma en 1914-1915, il en est encore à ses premiers coups lorsque sort ce Roman d’un tricheur. Il a fallu l’influence de son amante Jacqueline Delubac, également une de ses comédiennes, pour qu’il revienne au cinéma ; cette reprise décisive date de 1934, le court Dîner de gala aux ambassadeurs en est la première pierre. Pasteur et Bonne chance sont supervisés par Frank Rivers (rôle de conseiller) ; pour Le roman d’un tricheur en 1936, Sacha Guitry est seul aux manettes. Adapté de son unique roman (Mémoires d’un tricheur écrites à la première personnes), cet opus est retenu comme son « chef-d’œuvre » même si à sa sortie la critique fut plus mitigée.

Venu du théâtre, Guitry n’a jamais été très respecté de son vivant en tant que cinéaste. Son côté fanfaron, ses vannes mesquines et ses provocations ont dopés ses détracteurs. Pourtant ses films, en plus de leurs succès populaires, ont parfois eu une influence notable ; c’est le cas de ce Roman, dont l’originalité technique (cet usage de la voix-off) a été considéré plus tard comme une contribution majeure. Elle motive notamment son entrée dans un classement des ‘100 films les plus influents’ (dressé en 2008 par des spécialistes proches des Cahiers du Cinéma) et inspire un autre génie vaniteux (plus grave) : Orson Welles (pour son Citizen Kane).

Note globale 74

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Noblesse oblige + Un crime au paradis

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (4), Dialogues (4), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (4), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (5), Ambition (4), Audace (4), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (4), Pertinence/Cohérence (3)

Note ajustée de 73 à 74 suite à la modification générale des notes.

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