MANIAC – 2013 +

12 Août

Ça ressemble à un conte où la génitrice aurait désertée et les bonnes fées arriveraient trop tard – trop tard pour réparer cet enfant basculant tranquillement dans la monstruosité. Le duo Aja/Levasseur a déjà pris en charge les remakes de La Colline, Into the Mirror (pour un résultat propre et sans intérêt), Piranha (très apprécié) ; maintenant il s’en prend à Maniac de William Lustig (1980), une référence importante des films de serial-killer. C’est un autre membre de l’équipe Aja, Franck Khalfoun, lequel a déjà fait ses armes avec le mitigé 2e sous-sol, qui a été chargé de la réalisation.

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En résulte une relecture totale, avec le même postulat, une scène finale très fidèle (mais remaniée là encore) et une dynamique similaire (nous immiscer dans l’esprit du tueur) ; mais ce Maniac-ci troque les déambulations dans la ville pour la mise en valeur d’une romance impossible. Comme La Colline a des Yeux de 2006, c’est un film grandiose, valant pour lui-même et se démarquant par là des flopées de remakes de classiques de l’horreur dont il fait pourtant partie. Cependant, La Colline a des Yeux partait d’un piètre totem ; en tant que tel, Maniac 2013 est à la hauteur de son prédécesseur (co-producteur, Lustig était régulièrement sur les lieux du tournage) : toutefois le concours entre les deux serait vain, les deux versions sont très différentes, chacune avec une identité forte, littéralement captivantes, raffinées et ancrées dans leur époque.

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Si ce Maniac aussi est un des rares grands films sur les psycho-killer, c’est notamment en raison de la vision subjective tout le long (sauf lors des meurtres – manière de tenir à sa place la violence). Aja et Khalfoun ont façonné un monument de terreur pure, entre modernité et discrètes manies vintage rappelant sa source des 80s. Accessoirement, ils ont eu le courage de ramener le slasher et l’horreur authentique, premier degré et immersive, dans le paysage du non-Bis. Pour les adeptes de gore et de cauchemars sérieux, ce sera un feu-d’artifice.

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Pas de surprise niveau psychologie (le classique trouble induit par la mère abusive et frustrée ailleurs, dépassée et négligente ici), mais un usage perspicace, gratiné et inspiré, renforçant la subjectivité et jusqu’à l’inconscient hégémonique de Frank (hallucinations et autres symptômes romantiques au service de ce dessein).

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Le climat anxiogène, extrêmement ambivalent surtout, de ce Maniac 2013 en fait une véritable expérience, un de ces moments de cinéma où on se laisse conquérir. L’emprise émotionnelle est massive, cruelle également : nous partageons le regard du tueur et avons de la compassion pour Frank, dont nous connaissons la détresse ; en même temps, nous sommes en totale insécurité par sa faute ; et en emphase avec ses victimes, partageant ainsi doublement la condition d’otages, aux premières loges de la tragédie.

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Ces sensations étranges sont renforcées par les choix radicaux de mise en scène : d’abord, on ne voit Frank que par les reflets que lui-même perçoit (et sommes souvent étonnés de retrouver une silhouette si fragile, presque enfantine). Ensuite, toutes les femmes s’exposant à lui, pour se donner ou pour se moquer, approchent une fin sauvage. Enfin, la bande-son achève ce travail d’immersion, avec le score envoûtant de Rob auquel s’ajoute un clin-d’œil au Silence des Agneaux.

Note globale 82

Pages Allocine & IMDB

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Aspects favorables

* la mise en scène radicale, raffinée et la caméra subjective

* un film de genre volontariste, racé, puissant et avec des ressources (matérielles, aussi)

* un Maniac-2013 et non un simple remake

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L’équipe Aja sur Zogarok >> La Colline a des Yeux + The Incident + Mirrors + Haute Tension + 2e sous-sol

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6 Réponses to “MANIAC – 2013 +”

  1. NeoDandy août 12, 2013 à 09:53 #

    Frodon des Seigneurs des Anneaux incarne un personnage à glacer le sang … Pas très fan de ce genre de productions; mais à regarder le trailer, il y a une ambiance rapidement malsaine qui s’installe en un clin d’œil. Quant à La Colline à des Yeux, j’ai vu le dernier Remake il y a quelques temps à la Télé … Et, quand bien même j’ai aperçu le film à sa grande moitié, je n’ai pas été impressionné ou subjugué par la chose.

    • zogarok août 23, 2013 à 01:15 #

      Alors là, je te le recommande sans hésiter.

      Quelle moitié de « La Colline » as-tu vue ? Je ne pense pas qu’on en ressente toute l’envergure si on en voie que la seconde ; si ce n’est que la première, au contraire tu devrais être impatient de voir la suite – mais ce n’est pas comme avec « Maniac », c’est encore plus intense, mais nous n’avons pas ce rapport d’intimité au film.

  2. selenien août 12, 2013 à 12:23 #

    Pour un remake je le trouve particulièrement réussi. J’ai passé un excellent moment grâce aussi à Elijah Wood qui cartonne dans un rôle un contre-emploi… 3/4

  3. Voracinéphile août 13, 2013 à 01:59 #

    Pour ma part, à en juger par l’impact, il a dépassé l’original. Les deux ont effectivement des identités distinctes, mais l’empathie pour le tueur est telle à certains moments (notamment dans la dramatique conclusion, où l’amour pour la femme au coeur du récit culmine alors que la romance s’effondre (la course entre Franck blessé et Anna dans le tunnel…)) que l’on se sent littéralement transporté, happé dans un récit sans temps mort ni replis. Bien vu pour les sorties corporelles pendant les meurtres, peut être une façon d’introduire un peu de distance avec la violence (pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt de la mettre en scène d’une façon plus cinématographique et sans doute (jetez moi la pierre) plus jouissive. C’est un film gore à la base… Le résultat dépasse en tout cas les espérances, la meilleure incursion horrifique pour l’instant.

    • zogarok août 23, 2013 à 01:12 #

      Ne t’inquiète pas il n’y a que moi pour te faire ces remarques concernant la violence etc… enfin on sait tous les de quoi nous parlons 🙂

      Je ne trouve pas ces scènes « jouissives » ; mais, malgré l’horreur, ce détachement physique permet aussi de se décharger, de garder pied pour ne pas rendre la situation trop insupportable (c’est le cas si on est au chevet du tueur).

      Le film réussit à nous mettre dans une situation d’empathie avec Frodon et ses victimes ; de cette manière on ressent toute son ambivalence. Cet effet culmine lors de la scène avec Rita (et l’entrevue qui précède).

  4. Voracinéphile août 23, 2013 à 14:22 #

    Conserver une certaine décence vis à vis de la violence reste nécessaire (et non, je ne changerai pas la photo sur Mother’s day).
    A la base, les films gores n’existent que pour « en donner à voir » au spectateur (le cinéma allemand y a beaucoup contribué d’ailleurs). Ce nouveau Maniac s’inscrit aussi dans le registre (vu le soin avec lequel chaque mise à mort a été calculée pour en donner au spectateur, en organisant une subtile gradation). Mais le contexte a été encore plus soigné. L’original voyait ses scènes de remplissages entre les meurtres sauvées par d’intéressantes idées sur la psychologie du monstre, mais ici, il y a bel et bien un scénario qui nous emmène vers quelque chose. Le film est mieux construit, sans oublier ses arguments fondamentaux, le gore et l’esprit slasher pur que tu évoques.

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