BEE MOVIE =+

12 Juil

Le dernier quart est une aberration mis en face du restant, qui devrait satisfaire les anti-spécistes, au moins à ce stade où leurs préoccupations et jugements ne sont encore que superficiellement diffusés. Or le film fonctionne dans cette première heure invitant à réfléchir autrement, ou simplement réfléchir la condition animale, tout en s’amusant encore de représentations insolites (le lancement du procès est si facile !) et d’une rencontre romantique inter-espèce (quasiment du jamais vu – jamais osé). Ce renversement de la réalité en ‘oubliant’ des frontières évidentes est plus fécond qu’une simple inversion façon Jacky au royaume des filles et Je ne suis pas un homme facile (appliquée aux rôles sexués). Mais il se donne peu de chances de plaire, tant le résultat ressemble à une farce pour adultes enfermée dans un circuit pour enfants à moraliser sans sommation mais aussi sans conviction.

À l’arrivée Bee movie fait partie des œuvres difficiles à apprécier et évaluer ‘simplement’, à cause de leur originalité (avec une part de ridicule – susceptible de refluer selon l’époque et le contexte), de leur auto-trahison, du trouble quant à leurs enjeux et notre propre positionnement devant eux – dans le cas où il n’est pas forgé ou pas étanche ; je suis dedans, car avec fatalisme je souscris à la rhétorique naturaliste et le ‘vol’ du miel ne me choque pas (peut-être par défaut d’information ou de conscience), tandis que l’hédonisme acquis des abeilles me semble aller contre leur instinct (et est toxique au degré montré ici peu importe qui en est le sujet) ; cependant rapporté aux humains, je deviendrais plus mitigé concernant la rengaine de l’ordre naturel. Je l’admets moralement (la servilité pour l’espèce puis tout le vivant se défend, même si c’est impossible d’en ôter l’amertume) mais pas socialement, où elle sert l’assignation ‘définitive’ à un rôle dans la hiérarchie et la servilité pour un système (qui peut très bien être corrompu, défectueux, ou plus pénible et abrutissant que l’état de nature) ; mais aussi simplement car l’Humain est l’animal qui s’arrache à la et à ‘sa’ nature – d’ailleurs le film doit l’admettre (et donner un passe-droit à son protagoniste qui sera la seule créature, malgré son apparence et ses aptitudes physiques insuffisantes, à s’arracher à son destin et son rang), d’où cette capitulation grotesque où la drôlerie soudain s’estompe.

Probablement qu’en étant tellement ‘premier’ degré sur la situation des abeilles (de ce premier degré d’humeur enfantine et bouffonne, dans l’acceptation de la ‘vérité’ de ce qui se ressent a-priori comme du ‘délire’ – ici des abeilles avec leurs propres contraintes et intérêts, avant d’être des reflets d’humains comme on en trouve d’ordinaire), le film se heurte à de l’impensable [ou impensé] (comme l’instauration réelle de droits pour les abeilles [à conserver leur miel, ne pas être enfumées], après celles concernant la vie de mammifères ou d’espèces rares ; dans le sens adverse et omis par le film, ‘sachant’ que la disparition du miel n’implique pas la fin de la pollinisation contrairement à ce qui est indiqué à l’écran, il serait possible de se contenter des abeilles ‘solitaires’, se passer de miel et laisser vivre ou même mourir les abeilles ‘grégaires’), lequel ajoute de l’allégorie anthropomorphiste entre autres retours aux conventions du dessin animé. Finalement ce revirement fait du tort à Bee Movie sur tous les plans (en terme d’efficacité narrative et surtout ‘d’explosivité’), sauf idéologique si on est un ‘réaliste’. Et il ne rend pas service aux abeilles promues artisanes de leur propre extinction ; autrement dit au moment où l’impact de l’Homme pourrait légitimement être dénoncé (alors que puiser dans la production et allouer des biens de production répond à des besoins des deux espèces) à cause des pesticides [mais en 2007 c’est pour l’opinion davantage une suspicion qu’une conviction] et des éventuels dangers de la domestication, on trouve un écho à la responsabilisation des victimes ou des exploités telle que nous la pratiquons entre humains – victimes pour lesquelles le soulèvement doit rester une récréation avant le retour à la normale (un peu aménagée).

Écriture 6, Formel 6, Intensité 7 ; Pertinence 5, Style 5, Sympathie 6.

Note globale 62

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Suggestions… Okja + Microcosmos + Le renard et l’enfant + L’île du docteur Moreau + The plague dogs + Chicken run + La planète des singes

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