TOURNÉE =-

7 Avr

Pour dépasser ses difficultés à trancher entre l’option documentaire et la pédagogie artificielle, Matthieu Amalric a fait de Tournée un road-movie. Il feint l’improvisation et confond les lieux de tournage et ceux de l’action, utilisant des conditions réelles et de véritables publics lors des shows. De cette manière Tournée (motivé au départ par la nouvelle L’envers du music-hall de Colette) met en avant le métier des performeuses du  »New Burlesque », qu’il contribue à faire connaître en France, tout en dépassant cette fonction grâce à un filtre intimiste.

Amalric lui-même se met en avant dans ce quatrième film en tant que réalisateur (suivra de près L’Illusion comique), pour régler des comptes avec son image mais peut-être sans atteindre les résultats escomptés. Le producteur Joachim Zand est présenté et sûrement vécu comme un personnage bouillonnant, immodéré et déclenchant des réactions fortes ; sa réalité de pauvre type est aussi abondamment soulignée. Ce come-back marque le temps où il commence à épuiser son réseau relationnel, griller l’éducation de ses enfants et devenir une caricature obscène sur la pente de l’enlaidissement final (avec ses impulsions d’adulescent chaotique), quels que soient les bénéfices de la tournée.

Cette façon de souligner les mauvais penchants de Zand tout en le concevant comme un séducteur ténébreux et un génie dégénéré permet d’enrichir le personnage, en le salissant pour mieux l’autoriser à s’imposer (et traîner sa part de ‘connard sublime’). Le regard du film est complaisant, même lorsque Zand est sévèrement charrié. Tournée est une superbe construction d’égotiste, repoussante pour ce qu’elle montre comme convenu, éventuellement aussi pour ce qu’elle couvre. Amalric stimule le sadisme du spectateur et s’assure un ticket pour des projets comme La Vénus à la fourrure de Polanski (2013). Ses pérégrinations finissent par dévorer la place des strip-teaseuses, la dernière régulièrement à l’écran (Mimi Le Meaux) n’y étant qu’en fonction de lui.

Avant d’être un aperçu sympathique sur un compartiment précis du monde du spectacle, Tournée est un drame pathétique, allègre et un peu sordide, sur un commissionnaire de cet univers-là se voyant comme un vampire fascinant. ‘L’humour’ des shows et du milieu est rapporté avec distance, à l’instar des performances et de leurs exécutrices, les top-models felliniens (Amarcord, Roma). L’alcool et la tendresse auraient pu ne pas suffire, ils deviennent carrément obsolètes. Le film aligne quelques foucades romantiques et fantaisies grotesques (la caissière exaltée) où les femmes de la troupe jouent un rôle de faire-valoir. Il est indiqué comme tel pour les victimiser ‘objectivement’ en faisant de leur producteur un manipulateur et un vicieux ; mais la puissance, la résilience naturelle de ces cinq femmes et une espèce d’inconscience presque bestiale les placent hors-de-portée du venin du salaud.

Note globale 52

Page IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Go Go Tales + Superstar/2008 + Mes meilleurs copains + Sept ans de réflexion

Scénario & Écriture (3), Casting/Personnages (3), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (3), Ambition (3), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (3)

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Une Réponse to “TOURNÉE =-”

  1. Selenie Cinéma avril 18, 2016 à 13:44 #

    Bien aimé ce film, touchant et réaliste, entre Fellini et Bunuel

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