LOOPER +

25 Jan

Bruce Willis face à son ancien lui auquel il fait la morale, on a déjà vu, c’était Die Hard 4. Le contexte est plus ambitieux et complexe ici, le discours sur le destin, le fatalisme, plus assumé et moins étroit que dans le calamiteux come-back de John McClane. Exercice de style, espèce de puzzle narratif, Looper confronte un alter-égo du futur réfugié, mais juste pour une escale, dans le présent de son homologue. Ou l’inverse. Pendant deux heures, les boucles du temps seront le prétexte à des escapades ludiques, intenses et curieusement sensorielles.

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Looper peut dérouter ; il semble opérer en trois temps d’une seconde partie démentielle et raffinée à une dernière intimiste et plus sèche, où intervient un personnage féminin magnifique, avec entre les deux un couloir mixte, fait de mises au point, de doutes et de prises de risques pour le héros. La trame est dense mais toujours limpide, l’action pure n’est jamais entravée, le sentiment de sursis des personnages ne lâche jamais. On a la sensation d’assister à un spectacle mûrement réfléchi et calculé, dont tout le système sert à amadouer à la fois l’essence des références du genre et du grand-spectacle populaire.

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En effet, le scénario est impressionnant et manifestement le fruit d’une vaste construction ; il y a là un ingénieux labyrinthe spatio-temporel. Un raisonnement commercial relèvera surtout un matériel propre à bâtir une saga, adaptable au grand-public d’aujourd’hui, plus friand et conditionné aux intrigues SF torturées, tout en jouissant d’une véritable identité stylistique et surtout de la richesse d’écriture propre au cinéma de Rian Johnson.

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Cette singularité saillante est notamment canalisée par une vision très juste des besoins humains, en parfait équilibre entre trivialité et génie. Johnson a surtout l’intelligence et l’instinct de comprendre que la civilisation est subordonnée à ces besoins, et pas l’inverse (et surtout il sait ce que ça veux dire). Ou alors que justement, dans ce dernier cas, c’est là qu’est le malaise, la dépression et le vide ; et s’ouvrent des pages noires.

Note globale 71

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Page Allocine  + Zoga sur SC

Suggestions… Minority Report

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4 Réponses to “LOOPER +”

  1. Voracinéphile janvier 26, 2013 à 19:23 #

    Ah oui, ça c’est de l’intérêt pour le film ! Intéressante chronique, surtout les deuxième et quatrième paragraphe. Toutefois, à en juger par le troisième, je me demande si tu as vu L’armée des 12 singes (car le « problème » est là : Bruce Willis est là parce qu’il a joué dans l’armée des 12 singes, autre film de voyage temporel dont le système de boucle est assez proche du principe concept de Looper). Toutefois, si l’armée des 12 n’en est qu’une grande, elliptique et d’un pessimisme cruel, Looper est nettement plus rythmé, fondé du l’action, et veut s’ouvrir à l’optimisme (avec un final plutôt tendu).
    J’ai en tout cas envie de revoir le film pour chercher à développer ton 4ème paragraphe, car je ne me rappelle pas avoir noté cette compréhension aïgue des enjeux humains. Or ça serait tout à l’honneur de Looper de le relever, vu que cela fait souvent défaut. Après, je trouve toujours que le coup des télékinésistes est un gadget présent pour justifier l’importance du morveux insupportable de la seconde moitié du film (j’ai dû justement trop me focaliser sur ce personnage agaçant au détriment de sa mère).

    • zogarok janvier 26, 2013 à 19:38 #

      « L’Armée des 12 singes », comme « L’échelle de Jacob », est l’une de mes très grandes attentes. Qui traîne, qui traîne… et sera vue sur un coup de tête. Quoiqu’il en soit, ça ne change en rien le sujet ni ce que j’en ai dit. Rian Johnson n’a pas nécessairement « inventé » les concepts mais ce qu’il a su faire, c’est tisser une toile complexe entre son imaginaire et les grands classiques. C’est ostensible, honnête et ambitieux. Ce n’est pas une révolution sur le fond mais le spectateur deale avec un produit intelligent.

      Tu n’avais pas aimé cette dernière partie ; ta focalisation sur le gamin m’a surpris. Le personnage féminin est incroyable, complètement retourné, sa nature contrariée et pressée par l’instinct de survie. On voit bien ce qu’un quelqu’un peut devenir et présenter de soi lorsque ses conditions de vie le poussent au combat permanent ; elle n’est que sécheresse, anxiété. Il y a un voile permanent sur ses besoins, son identité, le sens de sa vie, tout est laissé en suspens (bien qu’omniprésent).

  2. arielmonroe février 3, 2013 à 11:05 #

    Un film au scénario complexe mais passionnant. Il faut faire un effort pour entrer dedans, ensuite on est hypnotisé, comme dans les grands thrillers. Il y aurait aussi des références qui m’ont échappé : en tout cas c’était un beau moment, entre le film d’action intelligent à la Die hard et le film de sf classique. J’ai beaucoup pensé à Minority Report, qui est plus froid, à mon avis trop dans la théorie. Autant dire que j’ai préféré Looper.

    • zogarok février 4, 2013 à 19:23 #

      J’ai été très emballé, mais quelques crans en-dessous de ton enthousiasme inconditionnel. J’ai aussi pensé à Minority Report pour le sujet, mais je n’ai pas trop cherché à les comparer ; le film de Spielberg est plus ambitieux avec son dilemme éthique et ses questions de civilisation… mais ce Spielberg « sombre » des années 2000s est beaucoup plus artificiel et dégingandé. Comme pour « La Guerre des Mondes », l’habillage est sidérant et visionnaire, mais tout est galvaudé. On met beaucoup dans ces films, un peu aveuglément, sans se rappeler ce qui les précède et sans trop d’égards pour leur cohérence thématique. Je préfère également « Looper », au classicisme plus assumé (le scénario est un bricolage agrémenté d’un filtre personnel) et en même temps tellement libre pour tout le reste, c’est-à-dire le plus important dans son domaine, le traitement des personnages et les questions de forme.

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