A LA VERTICALE DE L’ETE =+

8 Oct

Le troisième long-métrage du franco-vietnamien Trần Anh Hùng présente un visuel superbe, marqué par l’omniprésence du monde végétal. Ses habitants vivent, peut-être en partie se sont construits, dans un cocon planté sur le monde, imperméable à ses bruits, ses excès, sa laideur. Tout invite et renforce l’harmonie : on peut bien l’atteindre, rien ne l’entamera. Ce sensualisme sophistiqué et débridé a sa philosophie.

Il ne faut rien attendre sur le reste, sinon de la sensiblerie sans troubles ni ampleur, au cas où ce rayon exerce une séduction (qui aurait bien raison de se trouver ‘coupable’). Ces gens ont un vécu ataraxique, une vie décontractée ; c’est aussi peu puissant qu’ébouriffant. L’enchantement dans le farniente trouve très vite ses limites. Les tensions, les élans, la curiosité sont abaissés voire supprimés, sauf pour émerger via des façons de gamins repus ou d’adultes insipides. Cette disposition est vouée à la régression, ce que les auteurs du film doivent dénier pour garder le charme.

Ils peuvent aussi se reposer sur ce qu’est simplement cette façon d’être et de se soustraire, dont le cadre au moins a sa beauté, ses vertus et ses avantages (dont la vulgarité est éludée ou transformée). Le couple principal mène la vie douce, dans son appartement classe moyenne ou ses occupations réglées et insouciantes, sans buts ni pressions notables ; ils se maintiennent sans être seuls face à eux-mêmes, jouissant de l’indolence reliés à un petit cercle. Un semblant de paradis avec une logique de damnation tranquille.

Le film nuance son orientation un peu après le milieu afin de tenir la barque jusqu’au-bout, dépasser l’état de catalogue d’art de vivre. Ce ne sera qu’une secousse mais dans cet univers elle suffit, pour le vain renouveau rappelant nettement son humanité, sans froisser l’engagement extatique. Après l’escapade maritime, À la verticale prend quelques allures de thriller sournois, se trouve occupé par une anxiété souterraine. Ces tendances sont aplaties par le climat général, inamovible, indifférent à ce qui voudrait le travailler – le fantasme d’une vie de paix et de repos est comblé.

Les explosions de joie, même dans leur candeur, ont davantage de poids dans cette seconde partie, mais tout ce qui est de l’ordre de la menace est presque indifférent. Hors du secret familial, peu de matière en réserve (les seuls enjeux avant son évocation sont la grossesse et le mariage, arrivés au stade de rêvasseries à convertir) ; c’est à faire regretter la ‘démonstration’ de vérité crue et cash du Festen de Virtenberg. En revanche il y a des manières simples et savantes (sans doute faciles) : sous-entendus entre individus ou dans le groupe, caméra ‘tournant de l’œil’.

La réalisation sait suggérer des impressions avec talent, à défaut d’avoir des idées ou des mouvements d’âme personnalisés à traduire. La bande-son se rapproche de la berceuse pour grands : mélopées locales tendant vers le rock langoureux anglo-saxon – de Vu Tranh Xuan and Nguyen Quang à Lou Reed en passant par Arab Strap. Les gens ouverts ou en quête émotionnellement trouveront probablement leur compte dans ce film, en le prenant pour un écho ou se figurant l’inverse.

Note globale 58

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Sombre/Gandrieux

Scénario & Écriture (2), Casting/Personnages (2), Dialogues (2), Son/Musique-BO (2), Esthétique/Mise en scène (3), Visuel/Photo-technique (4), Originalité (2), Ambition (3), Audace (1), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (2), Pertinence/Cohérence (2)

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