GUMMO =+

16 Juin

Irritant, dégueulasse et stupide : le monde des protagonistes de Gummo est ainsi, le film l’est par ricochet. Gummo est la première réalisation de Harmony Korine, collaborateur de Larry Clarks (Bully, Ken Park) pour lequel il a écrit Kids. Comme lui, Korine s’intéresse aux jeunes, surtout ceux laissés-pour-compte : mais il va beaucoup plus loin ; beaucoup plus trash et minable, pour être précis, sans poésie foireuse pour mettre de la magie là où il n’y en a que dans l’oeil du pseudo-bohémien emphatique. Gummo suit le quotidien d’habitants d’une petite cité de l’Ohio dévastée par tornade. Elle ne s’en est pas remise et les gens vivent dans les décombres.

La mise en scène en rajoute dans l’amateurisme pour coller à la misère des situations, mais Gummo a néanmoins du style. Celui d’un uppercut underground sans intention autre que celle manifeste : poser ce monde-là, sans recul et en allant droit dans la saleté intégrale. Les habitants de Xenia sont des déchets humains et il n’y a aucune alternative pour eux. Ils ne sont pas non plus des artistes ou des experts dans leur domaine comme ceux de Pink Flamingos ; et ne s’amusent pas comme ceux de Devil’s Reject de Rob Zombie. Ils survivent dans ce monde sans avoir de conscience ni d’aspiration en-dehors de leurs besoins primaires et d’affirmation, ces derniers s’exprimant souvent par des perversions violentes (les félidés aux postes de figurants souffrent beaucoup dans ce film).

Korine offre une expérience de cinéma punk particulièrement gratinée, mais lisse à sa manière, sans revendication et ne déviant pas de son objectif de portrait. Dégoût, cynisme et compréhension se répondent à la vue de ce film. Ces humains-là vivent dans leur ghetto et ne sont pas à blâmer en l’état. Quand on est hors de tout, sans ressources, sans avenir, sans opportunités, au milieu des dégénérés et du vomi de l’Humanité : on a qu’a devenir un rebut soi aussi. Alors autant s’adapter et rentrer ouvertement dans ce jeu sans gloire, dont la récompense est plus d’expériences crades et sensorielles. Après tout il n’y a pas de juge, pas de cap, pas d’idéal. Se sentir une dette, un devoir, une exigence ? Pour qui, pour quoi faire, sur quels critères ?

Il faut juste jouir et s’installer. Au moins ne pas être des damnés de la Terre passant leur temps à se faire écraser, dominer, se rendant dépendants alors qu’ils ne sont déjà que des ombres puantes et que rien ne leur est apporté. Inutile de tenter quelque chose, inutile de s’approcher d’une normalité, d’une pureté ; de croire qu’on peut exister dans la société de croire aussi à une amélioration. Gummo, c’est la contre-Humanité, pas celle du Mal ou du transhumanisme, juste celle où on patauge dans la mélasse la plus noire. La vie n’apportera rien, ce n’est pas une raison d’y mettre un terme.

Film culte et underground, au sens le plus premier des termes (contrairement à la plupart des autres), Gummo est resté un immontrable, détesté et honni ; mais il a interpellé des cinéastes célèbres et audacieux dans le monde entier. Au fil des ans et de nouvelles réalisations (surtout des courts-métrages), Korine est devenu une référence du trash véritable, a gagné en estime et visibilité auprès des cinéphiles et curieux téméraires, jusqu’à finalement être chargé d’un Spring Breakers présumé fun et relativement grand-public.

Note globale 66

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… Elephant 

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