HOLY MOTORS +

27 Mar

Le Edward de Cosmopolis a consommé la décadence sans sacrifier les bijoux : et il en profite pour vivre toutes ses vies possibles, en une journée et une nuit. Monsieur Oscar (Dennis Lavant, avec parfois un petit air de Kinski) est un millionnaire déambulant dans la ville grâce à sa limousine, avec l’appui de la sage et dévouée Céline (Edith Jacob). Il se prête mille vies, pas les plus prestigieuses, mais souvent luxuriantes et raffinées, même dans les catacombes ou les trottoirs de nuit. Il se déguise en mendiante répugnante, pratique une motion capture lascive avec une complice tout aussi mutique, conduit un orchestre d’accordéon dans une église. Il retrouve ses doubles qui parfois le tue. Et pendant ce temps la limousine avance comme un vaisseau, un convoi vers le sommeil ; avec escales et morceaux de mondes choisis au programme.

D’une certaine manière, c’est un film à sketches, avec la succession de rendez-vous auxquels s’ajoute quelques autres séquences. Leo Carax façonne une mise en scène terrestre, où se pressent les révélations existentielles, les moments de fatalité ou d’expression radicale. C’est exactement ce que recherche son héros. Il y a toujours un sens métaphorique soigné et renforcé dans ce défilé de scènes bizarres, mais le film ne cherche pas à se justifier explicitement, se contentant, dans le champ du degré zéro pur, de déclarations d’intention prônant « la beauté du geste ».

Le synopsis officiel signe d’ailleurs les tenants et aboutissants revendiqués, énonçant les notions-clés qu’on retrouvera pendant le spectacle (le « moteur » et « l’action »). Holy Motors peut sembler gonfler artificiellement un propos, mais c’est plutôt qu’il en néglige la pertinence, pour lui préférer sa traduction loyale et dès lors, carrément fantasque. Le film se place a aussi une dimension patchwork, s’immisçant dans tous les genres (avec des références manifestes, par exemple au Cabinet du docteur Caligari) comme Monsieur Oscar s’invite dans tous les mondes (le voilà avec sa fille associable), voir les fabrique si nécessaire (le lit de mort avec une confesseuse de circonstance).

En dernière instance c’est un film arrogant, déversant sans prendre de précautions l’imaginaire de son auteur, mais sans crisper car il exulte. On peut penser à la démarche de Jodorowsky sur La Montagne Sacrée, encore que celui-là ait quelques intentions claires et didactiques. Holy Motors n’avoue rien mais montre tout. Il célèbre l’artificialité significative du cinéma (son héros ne vit que comme acteur), sans aucune pédagogie mais de façon entière et généreuse. Voilà un trip communicatif et virtuose, mais pas moins opaque (et certainement léger dans le fond) pour autant.

Note globale 74

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