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PARVANA, UNE ENFANCE EN AFGHANISTAN +

8 Août

Film d’animation d’occidentaux en vadrouille à Kaboul par le biais d’une afghane de dix ans aux yeux verts. Cette petite fille courageuse souhaite retrouver son père, placé en prison (car inspiré par le démon : « il a des livres interdits et donne du savoir aux femmes ») par un pouvoir abusif (et misogyne, c’est une part de son universalité) appliquant le chariah. Signé par la coréalisatrice de Brendan le secret de Kells avec Tomm Moore (qui a travaillé avec lui pour Le chant de la mer), Parvana devrait plaire aux spectateurs charmés par Valse avec Bachir. Le style graphique rappelle parfois Kirikou voire un peu du jeu Samorost. Le film est politique et franc, dénonce l’autoritarisme religieux des talibans. Il prive de passé et de futur, d’auto-détermination et de zone de fuite – sauf à se tapir comme un animal après avoir accompli ses devoirs.

Sauf dans les endroits publics bruyants destinés aux affaires, les gens du film semblent avoir fait vœu d’insignifiance (ou de soumission manifeste) voire (indirectement surtout) de silence. Ils font profil bas, pratiquent un oubli de soi ‘collectif’ – sont agressifs ou bêtes, dans la mesure de l’autorisé. Parvana ne peut trouver d’alliés dans ce contexte que sous couverture – ou par la réflexion, qu’elle ne peut alimenter que de faits eux-mêmes écrasés par la grille de lecture des tyrans (les petits chefs et petits miliciens sont aux aguets). L’histoire parallèle (Souleymane et l’éléphant), animée en papier découpé, n’a pas pour seul rôle de promettre le salut par la rêverie, pour se séparer du réel. Elle vient renforcer l’idée que la culture, héritage folklorique compris, offre un soutien pratique et des espaces de liberté. Cette évasion, comme l’imaginaire propre à soi, est une ressource : elle a une fonction défensive, réparatrice (elle soustrait à une réalité pénible), elle a aussi des vertus assertives, stimule l’intelligence, apporte des modèles et des idéaux employables contre ceux à l’œuvre dans notre cadre toujours restreint voire fini – et microscopique grâce au misérable programme des islamistes.

Parvana fait partie de ces films d’animation hautement valables, accessibles aux enfants, plaisant pour les autres, soutenables par tous – intelligents, se passant de sentences ou de mièvreries, néanmoins ‘engagés’ – significatifs, pas produits pour être vite digérés et agréables à l’œil. Il est sobre, pas moraliste bien qu’il soutienne une sorte d’ordre moral séculaire (spontané et compatible avec la tradition). Son héroïne et son discours sont optimistes – il faut l’être envers les éléments pourris et négatifs. La persévérance, la ruse, une bonne dose de chance et de bonnes connaissances sont de meilleurs alliés que les fantaisies, le réconfort, ou toute autre licence accordée par un scénariste (et les gamines n’ont pas de vertus confinant aux super-pouvoirs, ni de muscles de petit homme). C’est donc un film pertinent, mais sans la force émotionnelle de Coco ou des meilleurs Pixar, car un peu inhibé face aux données soulignées. Il ne peut qu’esquisser la violence, expliciter sans les sonder les drames intimes, sans entrer dans certaines considérations plus adultes et ‘décentrées’ (en montrant le point de vue ou simplement la hiérarchie et l’organisation des antagonistes). Ce qui l’amène à ‘arrondir les angles’ narratifs et alléger les moments douloureux, donc à s’affaiblir en deuxième moitié.

Dans son développement et non en lui-même, le propos s’avère un peu ‘limité’ : on part avec un élan universel et finit à se démener dans le particulier, on commence sur une pente de ‘combat’ généralisé puis glisse dans une combativité individuelle présentée de façon poétique. Ces restrictions empêchent le film de devenir pompeux, de ‘trop’ en dire ou en vouloir. Le conte est plus fort en se concentrant sur la réalité (en affichant la corruption, la méchanceté, la lâcheté) et laissant de côté la morale ou toutes velléités prescriptives (contrairement aux films ‘live’ dénonçant, à destination des Occidentaux [par défaut ou par préférence], l’oppression islamique ou la corruption au Moyen ou Proche-Orient, comme Taxi Téhéran ou Les chats persans). Il formule une revendication simple, pour la liberté, contre les barrières arbitraires empêchant de vivre ou penser sainement, interdisant à l’individu de croître, se cultiver, améliorer son sort et celui de sa famille.

Note globale 72

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Suggestions…

Scénario/Écriture (7), Casting/Personnages (7), Dialogues (7), Son/Musique-BO (7), Esthétique/Mise en scène (7), Visuel/Photo-technique (8), Originalité (6), Ambition (7), Audace (7), Discours/Morale (8), Intensité/Implication (7), Pertinence/Cohérence (7)

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WAJMA (afghan) =-

4 Déc

Avec Wajma (tourné en langue dari – persane), l’afghan Barmak Akram a attiré les louanges des gardiens de prix culturels en Occident. Il y défend la cause des femmes, aux droits bafoués par les hommes (carrément) et d’abord par la loi ou le système moral, en tout cas dans son pays – où il n’est pas socialement recevable d’être enceinte hors-mariage. Le récit se forme « d’après plusieurs histoires vraies » ; une nuance pas cosmétique. Comme les précédents d’Akram, réalisateur du documentaire Le clown de Kaboul et de la fiction L’Enfant de Kaboul, le film se déroule à Kaboul et dans sa banlieue.

Par son approche Wajma est à la limite du film domestique et du pseudo-reportage intimiste. La mise en scène joue quelquefois sur le suspense en fonction de l’expectative d’un personnage, sinon ces façons sont écartées. Elle cherche à garder un recul sur la situation et à cadrer les protagonistes dans leur environnement, même lorsqu’ils sont seuls et/ou livrés à leurs émotions. Malgré ces dispositions ouvertes le point de vue est étroit – dès qu’il s’agit de dépeindre les vilains hommes, il devient borné. Ceux-là peuvent avoir leurs raisons mais ils auront surtout des faiblesses, pardonnées in extremis.

Dans tous les cas l’urgence concernant la femme-éponyme écrase tout sur son passage. Cet concentration a des effets favorables sur la forme et pour tenir l’attention, mais la richesse d’informations ou de considérations idéalement assorties manque à l’appel. L’essai est court et pas qu’en terme de durée. Il est plus large dans ses vues sur l’appréciation des faits par les personnes, mais pas sur les caractères eux-mêmes (très bien servis par le casting, surtout féminin ou secondaire). L’accent mis sur la furie et l’oppression du père permet de glisser vers les explications de texte contre la société patriarcale, puritaine et machiste. Enfin Wajma est proche de l’idéal du ‘film d’auteur’ puisque le réalisateur est presque à tous les postes de conception, mais engagé plutôt qu’esthète.

Note globale 48

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Suggestions… Ajami 

Scénario/Écriture (2), Casting/Personnages (3), Dialogues (1), Son/Musique-BO (3), Esthétique/Mise en scène (2), Visuel/Photo-technique (3), Originalité (2), Ambition (4), Audace (3), Discours/Morale (-), Intensité/Implication (3), Pertinence/Cohérence (2)

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