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25 Avr

Sur le paradis perdu. Ennuyeux au départ (déluge de niaiseries et d’insouciance, plus tard d’émulations collectives de gamins) y compris par son intention manifeste de présenter comme naturelle et pure une romance homo juvénile. Puis à mesure que la situation se complique pour et entre les deux, le film devient plus profond et poignant (ou stressant quand la nature de leur complicité devient voyante, dans un contexte de garderie obligatoire qui se prête naturellement à toutes les nuances d’aliénation et au harcèlement). Suite à la bascule majeure (dont la brutalité est bonne pour la narration et sur le fond – il faut sentir cette coupure précipitée, cette volonté d’absolu qui a triomphé et vous laisse exsangue), cette nostalgie, cette douceur et cette douleur, deviennent entêtantes. Conscience à vif d’être passé à côté de l’amour d’une vie, ou au moins d’un confort et d’une amitié intenses, de milliers de moments de joie qui font l’intérêt d’exister. Peut-être aussi que la meilleure page d’une histoire personnelle vient de s’écrire, car cet amour pourra être idéalisé et ré-interprété à perpétuité, au prix d’un manque cruel (et alors que les deux individus avaient probablement une inclinaison trop proche, même si celle du brun était plus franchement féminine).

C’est justement cette érosion d’un lien et d’une situation parfaites que le brun ne supporte pas – en nettoyant l’âme du blond par le vide, il se donne les meilleures chances de le garder captif. Et celui-ci doit subir le soutien [même quand il est sincère et bienveillant] idiot et ‘administratif’ d’adultes (avec cette maladresse et cette indécence toute féminine et typique d’éducateur totalitaire et/ou petit d’esprit d’inviter à ‘partager’ son émotion) et de camarades incapables d’entrevoir l’ampleur de ses remords – et voir notamment ce gamin gras et bourru, vraisemblablement stupide, persévérer… or c’est pour obtenir l’acceptation d’un cortège d’animaux dans ce goût-là qu’il va vivre avec un fantôme. Il a voulu faire un pas de côté pour mûrir (notamment en se rapprochant d’un garçon sportif, au tempérament sobrement assertif et sans égocentrisme aveuglant – relation qui partait pour devenir le véritable premier amour, l’éveil qui le marquerait et serait romancé) et va malgré lui griller les étapes en éprouvant déjà le vertige d’un vieillard qui verrait son monde englouti. Le temps a ralenti, on ne veut surtout pas arriver au terme du film, lequel sera pourtant –c’est inévitable– une délivrance –car si on ne force pas, il n’y a jamais d’atterrissage.

Peu d’autres (la série Six feet under fait partie du lot) ont su communiquer les émotions de deuil et de culpabilité, de ce sentiment horrible, étouffant, avec un arrière-goût délicieux car il entretient une mélancolie qui devient la plus belle nuance d’une existence soudain terne et compliquée – mais il faut bien vivre, alors cette sensation aussi devra être rangée. Il y a dans la partie endeuillée un peu trop de tendresse à la limite de l’inapproprié (principalement avec le frère), mais c’est peut-être le prix de l’authenticité (et de la cohérence avec la préférence homosexuelle). Si on passe ce détail, les clichés de l’innocence bucolique et printanière, on peut trouver un de ces films qui font ressentir le charme et l’importance des acquis affectifs versus l’insignifiance des obstacles de l’environnement, des défauts d’une partenaire, de la honte qu’infligerait un parent ou un ami.

Écriture 7, Formel 7, Intensité 9 ; Pertinence 8, Style 7, Sympathie 8.

Note globale 78

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