ATHENA =+

22 Nov

Athena est un bain de sensations fortes où règnent la guerre et le chaos, la peur de vivre ses derniers instants en un morceau et la jubilation de foutre le feu. Il est aussi souvent virtuose que laid ; un véritable film d’angoisse avec cet environnement humain, ces décors, cette situation, en tout cas au départ (mention spéciale à cette cour de miracles qu’est la fuite collective, avec l’obèse ingrate, certainement car gênée de se faire ainsi traîner et révéler dans toute son inaptitude) – puis un film de guérilla, tendu mais autrement supportable, car on pris le temps d’endurer la crème de ses protagonistes. C’est un film à 99% masculin où l’intempérance générale de la jeunesse couplée au tribalisme et au sentiment d’injustice condamnent à une surenchère mortelle ses participants. Le rouleau compresseur contribue d’ailleurs à maintenir les personnages sous-développés, ou justifie leur faiblesse – ce sont les jouets d’une fuite en avant (et mieux fournis, ils auraient probablement quand même été des abrutis). Le film fait sentir l’impossibilité de reculer, plus seulement car ce serait assumer son erreur ; plus largement car ‘refroidir’ les esprits, c’est se désarmer maintenant qu’on est impliqué. Il n’y a pas de retour possible, que des choix pressants, une succession de mauvaises options, de joies toxiques et d’événements douloureux ; si ‘un homme est une guerre civile’, le frère flic en est une parfaite représentation.

Politiquement la valeur et même l’orientation du film sont un peu obscures ; il est opportuniste et approprié dans un contexte où l’idéologie républicaine doit affronter sa crise existentielle (c’est si dur d’être ‘constructif’ ! D’insérer ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas ! De les convaincre qu’ils sont ‘des nôtres’ alors qu’eux comme leurs ennemis sont convaincus du contraire !). S’il semble nourrir les dits ‘fantasmes’ d’extrême-droite ou d’insurrection gauchiste, c’est car il puise comme eux dans une projection outrée de ce qui déjà remue la société. Il fait la meilleure chose pour un film qui voudrait rendre compte d’humeurs et d’urgences de son époque tout en restant ancré dans la réalité, si régressive et inquiétante soit la face qu’on en retienne. C’est pourquoi les poses lourdes le desservent – s’il y a un soin esthétique dans ce film, il a tout à perdre à se livrer à la contemplation. La gravité vient du goût du direct, quant à la grâce et même s’il y a de l’héroïsme à la chercher partout il est au mieux adulescent sinon débile de la chercher là-dedans. Les chœurs récurrents sont malvenus, la confrontation à l’œuvre et le déchirement fraternel étant suffisamment épiques en eux-mêmes ; la réalisation ‘marque le coup’ au lieu de profiter de cette impression de ‘vérité’ brute qui fait l’essentiel de la qualité de ce film.

À la limite s’il fallait trancher, Athena serait un serviteur malheureux (ou hasardeux) des anti-racailles, dont il nous montre pourtant le désarroi (pas assez pour ceux qui veulent un cinéma social ou à fonction documentaire) – et une habileté tactique en meute. Si on s’en tient aux faits, dans Athena ce n’est jamais la faute des flics : ils sont innocents des deux accusations portées. On trouve de la violence policière, mais pas de bavure policière – que des approximations dans le feu de l’action. Soit le contraire du déchaînement de violence de ces jeunes, dont la révolte est vaine ; elle consiste à attirer les prédateurs sur-armés (avec en plus la légalité de leur côté) sur leur territoire, qu’ils sauront nécessairement mieux tenir… pour un temps, si court finalement qu’il devrait redonner de l’espoir à ceux qui parlent de ‘quartiers perdus’ ou ‘ensauvagés’ – à condition de ne pas avoir le souci de l’après. Mais l’après n’est pas une question non plus pour ces révoltés, démolisseurs de tout ce que leur société leur a laissé… finalement nus et livrés une fois l’ivresse consommée.

Bien sûr les tenants des plans Borloo aussi pourront apprécier, tant que tout cela reste une fatalité insurmontable – et puis cette rupture de la paix sociale n’est pas spontanée, c’est l’œuvre de déviants à croix celtiques ! On peut reprocher à ce film une absence de courage ou une bassesse… ou réaliser qu’il a une excellente position pour refléter sans s’engager, laisser s’enflammer les autres, autrement dit alimenter la polémique, ce qui n’est pas un mal – le mal et l’idiotie, c’est d’interpréter Athena comme un acteur, ce qu’il ne peut devenir qu’à force de récupération ; en l’état c’est un élément de décors, seulement.

Écriture 5, Formel 8, Intensité 8 ; Pertinence 6, Style 5, Sympathie 5.

Note globale 58

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