THE DIVIDE +

9 Nov

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Xavier Gens est un cinéaste « de genre », un homme accomplissant ses rêves de cinéphile par la réalisation. Son œuvre est naïve, maladroite, mais généreuse et volontaire : Frontières trahissait cet investissement aveugle, cette absence de retenue, déployant visions gores, connotations appuyées et couleurs locales sans concession, avec même une pincée de politique, dont le caractère extrêmement candide voir ridicule ne nuisait pas à l’ensemble, renforçant plutôt sa témérité enfantine.

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The Divide est un progrès dans la carrière de Gens. Malgré la sortie DTV en France (juin 2012), le film a été conçu aux USA avec une équipe et des acteurs essentiellement américains, ou allemands, et reçoit un écho bien plus large que ses précédentes productions, Hitman compris. Il marque un saut qualitatif dans les moyens et dans le casting (comédiens audiovisuels et people de seconde catégorie auparavant) et concrétise la  »marque » Gens, exacerbant sa vitalité, son souci des enjeux purement physiques et sa mise en scène puissante et sans ambages.

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En réunissant, au moment d’une apocalypse scientifique, huit personnes dans le bunker d’un vieil asocial paranoïaque au cœur bien verrouillé, The Divide transcende le principe du survival pour proposer un voyage dans l’antichambre de l’enfer. Régression, passions morbides, humanité transparente, minimale et utilitaire sont de la partie ; Gens scrute le monde des pulsions et des intentions humaines, va à la racine pour retrouver ce qui ne peut ordinairement qu’emprunter un masque.

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Dans l’horreur absolue, Gens trouve pourtant des motifs de toute sorte ; bien qu’il concocte un film de genre à la violence exorbitée et au style tranchant, son The Divide est une quête de moments de vérités. Une fois de plus, l’œuvre de Gens se vit d’abord par cette dimension humaine, curieusement sentimentale et épurée. Putride et lyrique, ce huis-clos entre survivants réduits à leurs mobiles les plus urgents attire vers la grandeur et la misère de l’Homme. Trash et opératique, le spectacle ne triche pas, ne ment sur rien, ravit esthétiquement, fascine par son jusqu’au-boutisme, son désir de mettre tripes sur table. 

Note globale 75

Page Allocine

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8 Réponses to “THE DIVIDE +”

  1. maxlamenace89 novembre 9, 2012 à 00:07 #

    Bien envie de le voir celui-là, bien qu’en toute franchise je ne sois pas fan du bonhomme derrière la caméra. Mais si tu parles de « progrès », why not.

    • zogarok novembre 9, 2012 à 21:55 #

      J’aimais déjà beaucoup « Frontière(s) », mais j’avais conscience de ses défauts et c’est un de ces films sur lesquels je ne suis pas du tout objectif et le revendique; mais pour « The Divide », ça n’a rien à voir, c’est l’un des meilleurs survival depuis longtemps.

  2. Tangokoni novembre 9, 2012 à 18:26 #

    Moi aussi, tu me donnes envie de le voir 🙂

    • zogarok novembre 9, 2012 à 21:56 #

      Deuxième film de l’année en cours, derrière Cosmopolis. Petite année 2012 à ce jour (comme 2010).

  3. Voracinéphile novembre 9, 2012 à 19:39 #

    Un bon film en effet, le meilleur de Gens à ce jour. Un post apo à l’intro assez mouvementée, mais qui s’oriente plus classiquement vers le huis-clos par la suite. Après, le climat humain devient de plus en plus dur, le délabrement mental de nos personnages étant accentué par un délabrement physique (magnifiques maquillages) et une dégradation des locaux bien gérée. Un film plutôt psychologique bien géré, qui gagne surtout en ne montrant personne comme des héros (le héros potentiel, celui qui tente de sortir du bunker, devient par la suite une menace pour les autres). Mais si j’ai bien aimé ce cru de Xavier, j’ai toujours beaucoup de mal avec Blindness, qui va encore plus loin dans la dégradation de l’être humain maintenu en espace clos. Il faut le voir pour se faire un avis, mais autant Gens va loin dans la dégradation humaine, autant Blindness décrit une population monstrueuse (égoïste, sans morale, sans volonté de se rebeller…). C’est à la fois logique (toutes les réactions humaines ont des raisons qui sont exposées) mais aussi tellement surligné que j’ai trouvé le résultat parfois insupportable, tant je m’excluais des schémas de pensée du film (ou à la rigueur, je pourrais m’assimiler à un suicidé dans les premiers jours de la situation du film, tant tout semble sans espoirs).

    • zogarok novembre 9, 2012 à 22:00 #

      J’avais complètement survolé Blindness… A te lire, mais ça confirme d’autres de tes interventions à ce sujet, cette vision de l’Homme a quelque chose de cru, d’acide, mais de légitime. C’est effectivement ce qu’on devient sans lumière, sans conscience et sans projets. Indépendamment des personnages du film, mais dans un contexte similaire, je me verrais plutôt en survivant acharné, ne comptant que sur une tribu réduite. Quoiqu’il arrive, le suicide n’est pas tolérable, à moins d’être vraiment seul pour l’éternité..

  4. Voracinéphile novembre 10, 2012 à 03:25 #

    Entre bourreau perpétuellement frustré ou victime sciemment et volontairement impuissante, j’ai évoqué le choix que je suivrais dans l’univers étriqué des contaminés aveugles. Personne ne fait bande à part dans Blindness (le groupe du film ne se forme vraiment… qu’à la sortie du camp), tout le monde joue le jeu des bourreaux et personne ne tente de s’y soustraire. C’était juste intolérable, de ne voir que l’héroïne tenter d’apporter une aide si infime qu’elle en devient ridicule. Après, le film est particulier dans son ambiance ou sa narration (il a apparemment une structure de fable, son visuel très porté sur la surexposition est désagréable), mais dans sa peinture de l’humanité, je bloque. Car il n’y a aucun espoir dans Blindness. Pas un seul, triste vision de la société, certes bien réelle (plusieurs personnages sont parfaits dans leur peinture d’égoïsme), mais aux travers trop exagérés. Pour moi qui cultive encore quelques espoirs dans mon prochain, c’est une antithèse gerbante (d’où la pulsion de mort qu’elle suscite chez moi : soit je les tue tous, soit je suis faible). Dans un modèle réaliste de post-apo, je mise aussi sur la survie en petit groupe (c’est la solution d’ailleurs couramment admise au cinéma, avec des liens sentimentaux forts entre les membres : amour filial ou passionnel de préférence). Car il reste toujours un espoir, après c’est une question de ressources. Pas dans Blindness, alors que The Divide, bien que pessimiste, n’étouffe pas les personnages.

    • zogarok novembre 10, 2012 à 17:12 #

      Effectivement The Divide est sombre mais il déroule le meilleur comme le pire, et trouve un peu de grâce même dans les recoins les plus nauséeux. Certains « sacrifices » de personnages sont émouvants, alors que l’ex-avocat très accommodant est le plus détestable de tous, parce qu’il n’a aucun libre-arbitre. La vraie horreur irréversible, c’est le final, pas la « nature » humaine, puisque même viciée et corrompue elle reste positive.

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