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AMERICAN HORROR STORY – SAISON 3 (COVEN) ***

8 Sep

3sur5  Après la maison hantée puis l’hôpital psychiatrique chapeautée par les religieux, American Horror Story jette son dévolu sur une école de sorcière. Située dans la banlieue de La Nouvelle Orléans en Louisiane, elle doit ré-ouvrir ses portes en ces temps troubles pour la sorcellerie. Comme par le passé où elles étaient pourchassées et brûlées, les sorcières sont aujourd’hui menacées d’extinction. Les différents professeurs et notamment Myrtle Snow (Frances Conroy) retrouvent ces sorcières qui s’ignorent et rappellent à ses devoirs la Suprême actuelle, Fiona Goode (Jessica Lange), qui devra être remplacée au terme de l’enseignement.

Cette saison 3 va au bout de ce que American Horror Story titillait depuis le début. Elle célèbre la morale libertine poussée à son terme. Cynisme, domination, rejet de tout ordre morale s’exprimaient dans les deux premières saisons mais apparaissent désormais de manière très structurée. Au bout de quelques épisodes l’idéologie libertine, avec son cortège de bien-pensance incongrue et de fantaisies progressistes au sens le plus illuminé du terme, s’expose sans entrave.

Ainsi Jessica Lange est le  »beau » freaks. Elle est anti-raciste, elle n’aime pas les flics, elle critique ces horribles catholiques réactionnaires qui eux se cachent pour accomplir des horreurs sûrement bien pire que les siennes ! Les auteurs ne ratent jamais une occasion d’en faire un esprit pur, quitte même à la faire approuver Barack Obama. Or les démocrates incarnent plus que tout la puissance publique en mesure de lui nuire ; et c’est d’ailleurs elle qu’elle déteste, pas le principe de l’autorité en soit, dont elle abuse à ses fins égoistes. Car la Suprême sur le départ est aussi glamour et raffinée que sadique, parfaitement cynique et dominatrice.

D’ailleurs son égal dans la cruauté et le cynisme est un partenaire idéologique et non un opposé. Au fur et à mesure le fossé se comble entre elle et Marie-Delphine Lalaurie (Kathy Bates), l’horrible bourgeoise des années 1830 qui tua des dizaines d’esclaves. Seulement, deux siècles plus tard, la domination a changé de forme, de cible et puis simplement, de logiciel. Elle joue sur la séduction car les illusions doivent être plus vastes et occuper le champ matériel. Elle ne contrarie pas la liberté, l’encourage même, parce que les foules affranchies ne sont plus une menace et peuvent même s’avérer une opportunité de développement.

Pour autant, le Mal n’est pas seul maître dans American Horror Story 3. Cette saison joue sur les fantasmes d’être  »élu ». La plupart des sorcières sont hostiles à Jessica Lange et toutes le sont à Kathy Bathes. L’appartenance à une maison d’exception et l’affirmation de compétences extraordinaires les stimulent par-dessus tout ; pour certaines (en premier lieu Cordelia Foxx – Sarah Paulson), il y a la transe messianique (et le lot de souffrance et de culpabilité assortis), les opposant carrément à l’apathie générale et à l’opportunisme dans les rangs qui favorisent la gestion despotique et négligente de Jessica Lange.

Curieusement toute cette initiation est entachée par une certaine décadence. Le grotesque est au rendez-vous et lui n’est pas contradictoire : Papa Legba ne fait pas tâche dans ce monde. Mais la fin de la saison en revanche est un revers pour le prestige de l’école et surtout un coup fatal porté à ces philosophies malsaines, comme si leur tentation était finalement réprouvée (tout en étant assumée) ; et cèdait maintenant la place à un délire plus bon enfant. Les pouffes semblent avoir une place d’honneur, jusque dans l’esthétique des épreuves et les Enfers personnels.

Le recrutement des nouvelles sorcières est-il une farce démoralisée ? En tout cas le consternant processus de démocratisation et d’ouverture est assumé, bien réel ! Aussi réel que le bizutage de Stevie Nicks, dont l’apparition est indigne d’un cameo beauf dans Absolutely Fabulous (laquelle allait trop loin dans le mauvais goût avec cet aspect). La ploutocratie satanique dans American Horror a soit un sens de l’humour très corrosif, soit un amour du laid dépassant l’entendement, qui ne cadre pas avec une icône sensuelle comme Fiona Goode, mais reste compatible avec la cohorte de sorcières très dogmatiques et plus clémentes, mais aux goûts plus.. vulgaires.

La réception de cette troisième saison est très contrastée. Pour beaucoup c’est un gadin total ; d’ailleurs, il semble que certains ne prennent conscience qu’aujourd’hui de la grossièreté et la dimension racoleuse de cette série. Pour une minorité, c’est au contraire l’accomplissement. La vérité est plutôt là : l’écriture de American Horror Story a toujours été chaotique, elle ne l’est pas davantage cette fois. Par contre, jamais la série n’a été si cohérente et limpide dans ses délires. L’ordre de la sorcellerie et les valeurs de ses personnages ne souffrent d’aucune inconsistance.

Ce n’est pas le cas du scénario, avec lequel tout reste possible : tout le monde peut mourir, un défunt utile reviendra à temps ; tout peut se passer, se remodeler. Cela permet de rebondir en permanence, de rendre le filon inépuisable et de laisser couler l’action avec vigueur et sans trop de contraintes. En négatif, le rôle des personnages et surtout les propriétés précises de leur pouvoir ou de leur place dans la hiérarchie finissent par être indistincts et tous leurs mouvements courts-termistes. Le but final (trouver la relève de la Suprême ou l’anéantir au contraire) agit comme un phare autour duquel pas mal d’éléments peuvent être expérimentés.

La caricature est toujours au rendez-vous, avant d’être chassée par un retour taquin à une définition crue de la réalité et des intentions de chacun. Ainsi le personnage sadien du XIXe, la baronne Lalaurie, passe par une période de rédemption et d’acclimatation ridicule, avant que ne se découvre la vraie nature de son jugement. Et si maléfique soit-elle, Lalaurie a le mérite de la franchise ; et comme toute bonne figure politiquement correcte, on peut lui faire exprimer ce qu’on ne peut tolérer que dans la bouche d’un pantin. Globalement, cette saison 3 est la plus uniforme. Elle a toujours les vices et les vertus propres à la série, avec pour première qualité son inventivité et ses actrices ; quand à ses fixations éthiques douteuses, elles ont le mérite d’être affichées dans toute leur monstruosité, ce qui en fait au moins des sujets divertissants.

Note globale 67

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions…

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Les séries en 2014 : American Horror Story/saison 3 + Helix/saison 1 + Silicon Valley/saison 1 + The Strain/saison 1 + True Detective/saison 1      

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AMERICAN HORROR STORY ***

4 Juin

Dernière-née de l’imagination du scénariste et producteur Ryan Murphy, auquel on doit déjà Nip/Tuck et Glee, la série fut l’OVNI de service à l’automne 2011. Façonnée selon les souvenirs d’enfance de Murphy et peaufinée par des références cinéphiles abondantes (essentiellement des classiques façon Rosemary ou Psychose, mais aussi Bunuel), American Horror Story revisite les grandes lubies de l’horrifique américain dans une atmosphère bigarrée, ultra-violente tant graphiquement que par la structure de son récit. Elle se donne comme un gigantesque train-fantôme où sont déversées des visions furibondes, parfois à la limite du non-sens (en particulier lors de la première saison) et a le défaut de mimer la profondeur. Toutefois, avec le temps, AHS laisse éclore ses personnages-clés.

De mémoire de téléphages, les américains n’avaient que rarement vu un tel déchaînement en prime-time. En dépit de ses flirts avec l’aberration, American Horror Story est une série spectaculaire, déclenchant le rire et l’effroi. Cet improbable rencontre de Twin Peaks, des Contes de la Crypte et de Charmed attrape par le col pour ne plus jamais nous lâcher, parfois pour nous conter des futilités, souvent pour exposer ses exploits, toujours en décuplant son surprenant potentiel d’addiction.

Saison 1 : Murder House *** (3sur5)

Pitsch de départ : la famille Harmon s’installe sans le savoir dans la maison de l’horreur. Très vite, le surnaturel entre dans son quotidien, les voisins s’en mêlent et une foule d’excentriques s’impose comme leur nouvel entourage, alors que Ben, Vivien et leur fille perdent tous leurs repères.

Fantômes et voisines envahissantes quoique de chair et d’os (Constance et sa fille) déambulent autour et dans la maison, au nez et à la barbe de nouveaux propriétaires complètement dépassés par les événements et ne mesurant pas à quel point leur intimité a été défloré – jusqu’à des séances torrides avec un homme en latex que Viven prend pour son mari.

Extrêmement haché et speedé, le séquençage heurte, en particulier lors de l’épisode-pilote (le plus puéril de tous), le rythme se distingue par une incapacité très singulière à étirer une scène stable sur une durée de deux minutes, enchaînant avec précipitation et précision des instants-clés et chocs, à la façon d’une bande-annonce à rallonge. Ce choix assez traître est pourtant ce qui impulse cette sensation  »montagnes russes » du plus bel effet, contribuant à édifier AHS en maelström criard et généreux.

Ce n’est qu’aux abords du dernier-tiers de la saison (12 épisodes) que l’intrigue prend son temps, travaille le mystère et les complications en resserrant la trame. Cette nouvelle donne engendre une satisfaction plus subtile. La mise en place consommée, Murphy assume tardivement les cartes en main donnant alors, en plus de l’effet-bulldozer délectable, la chair et la sensibilité qui manquaient. De l’avalanche de surprises et de morceaux de bravoure, la série évolue vers les cymes du politiquement incorrect et engage des quiproquos insensés par-delà le défilé des horreurs.

Saison 2 : Asylum *** (3sur5)

Métamorphose complète : nous passons de la maison maudite à une histoire antérieure, dans les 70s, où se retrouvent la majorité des personnages notables. Murphy se montre encore plus téméraire mais aussi ambitieux, affichant la prétention de remuer les démons de l’Amérique, avec la collusion d’institutions psychiatriques et religieuses sadiques ainsi que ses personnages homosexuels et autres amoureux opprimés (le couple mixte). Abondamment relayée grâce à sa façade progressiste, la posture est cependant superficielle, bonne à épater des âmes trop consentantes. Le véritable succès d’Asylum est dans son efficacité et son ouverture ; il introduit des éléments ésotériques (démonologie), allant même jusqu’à convoquer les extraterrestres et des farces complotistes (criminel nazi, réincarnation d’Anne Frank).

Grand-guignole et scabreuse, la saison 2 délaisse la brutalité de sa grande sœur côté montage et revendique une narration plus honnête, mais pas moins éclatée. L’histoire est plus subtile, cultive l’étrangeté et l’esthétique baroque de lieux caractéristiques. Toutefois, là encore, la première partie de la saison, passée une introduction fracassante, est relativement irritante, surchargée et paradoxalement immobile, conduisant même à l’ennui lors d’une véritable  »dépression » en milieu de parcours. Par la suite, les investigations de Lana Wintour (atout glam et icône de la série), la fougue de Sister Eunice et le renversement psychologique observé par l’ensemble des personnages dynamite le programme. A sa décharge, AHS se montre trop démonstratif sur des points de détails abusivement recyclés (dominique-nique-nique) ; ses marqueurs d’ironie ne sont jamais si bons que lorsqu’ils sortent de la bouche de sa cohorte de sorcières.

Jessica Lange

C’est le phare de la série, son phénomène le plus consistant et surtout, le plus coriace. Parangon de méchanceté et de cruauté sophistiquée, juke-box à réflexions pessimistes, mi-fantasques mi-aigries, Jessica Lange a reçu le Golden Globes 2012 de la Meilleure actrice pour un second rôle de télévision. Elle apparaît d’abord sous les traits de Constance, une vieille rentière chargée de sa fille trisomique, un fardeau dont elle s’accommode avec volontarisme mais sans lui masquer ses épisodes de doutes et de dégoût. Le personnage se révèle progressivement, passant du statut de néo-Patsy Stone à des indiscrétions révélant son humanité ; son renforcement illumine la série et accompagne son passage de la confusion hystérique au chaos orchestré.

Ce rôle de moteur est conforté dans la saison 2 où elle partage le  »leadership » avec Sarah Paulson. Transformée en mère supérieure d’une institution rigoriste, elle se montre agressive et obsessionnelle. Mais cette nouvelle forme pour notre bourreau sans-gêne est encore une fois un masque névrotique de départ. Contrairement au Dr Thredson ou au Dr Arden dont les personnalités psychosées sont aussi bancales que torturées, Sister Jude bénéficie d’un profil extrêmement complexe et cohérent, dont elle affiche toutes les facettes. De missionnaire dévoyée à la générosité cachée et volontiers ambiguë (« la maladie mentale est une façon moderne d’expliquer le péché »), elle passe à otage en haillons, femme fatale et agitatrice publique en rejoignant le cortège grand-guignol sans se réduire à l’état de pion trash qui guette presque tous ses acolytes.

Saison 3 à venir

Sans suprise compte tenu de l’écho déclenché aux Etats-Unis, AHS joue les prolongations : les amateurs de mauvais-goût jubilatoire n’ont plus qu’à attendre le début du mois d’octobre. Voici l’énigmatique premier trailer, présenté il y a un mois et alors que la nouvelle saison est encore en tournage :

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Page Allocine

Fiche Metacritic

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