LA RÈGLE DU JEU =+

25 Mar

la règle du jeu

La Règle du Jeu (1939) n’est pas aussi connu que Citizen Kane mais il n’est pas loin d’en être l’équivalent chez les cinéphiles académiciens. C’est un des films les plus commentés de l’Histoire du cinéma et un fétiche des auteurs de la Nouvelle Vague, l’un des plus estimés de Truffaut notamment. Selon son réalisateur Jean Renoir, La Règle du Jeu est le portrait « d’une société qui danse sur un volcan ». Le film est franchement joyeux et s’inspire de Musset et des Caprices de Marianne ; c’est un vaudeville au goût acide.

Jean Renoir exécute un parallèle entre les pérégrinations d’aristocrates réunis dans un château de Sologne et l’état des lieux historique et politique. La légèreté dans laquelle se confond cette micro-société est à l’image du déni de surface de la société entière, courant vers la tragédie. La seconde guerre mondiale est imminente ; les aristocrates se mobiliseront en vain. S’ils étouffent la menace, ils sont cependant à bout de souffle et leur monde s’éteint.

Renoir frappe probablement plus fort qu’avec ses œuvres clairement politisées du passé, parce qu’il infiltre cette aristocratie. Il se moque de tous ses personnages, des domestiques pathétiques dont le rêve est de porter « le costume » à ces nobles tâchant de se comporter comme des bourgeois libérés ou des lumières nonchalantes. Renoir ne s’attache pas cependant à ridiculiser qui que ce soit : il étale les mentalités odieuses, le cynisme, ou même la médiocrité de quelques-uns rachetée par leur grandeur romanesque.

Cependant tous ces personnages sont également sympathiques : humaniste jusqu’au-bout (La Grande Illusion deux ans plus tôt), Renoir ne saurait noircir vraiment le tableau. Il lui faut toujours arrondir les formes et les caractères. Ces êtres ont le mérite de la sincérité et ne se mentent pas sur eux-mêmes, leurs seules dissimulations étant destinées à jouer le jeu commun et à en tirer parti, mais cette attitude est manifeste, criarde même. Le spectacle est donc extrêmement théâtral.

Il inspire le respect pour ses qualités techniques et sa mise en scène contrastée (documentaire pendant la chasse, allégorique à d’autres moments). Cependant son point de vue moral manque de frontalité et les provocations elles-mêmes sont toujours pleines de circonvolutions servant de paratonnerre. Renoir se met dans la position du sage dénonçant les vices et pardonnant systématiquement, tout en choisissant de n’exposer que la dimension la plus superficielle de ces vices.

Rien ne porte à conséquence dans ses saillies et la démonstration est désengagée : tout est sarcasme mais dévitalisé, sans intentions ni profondeur. Aussi la bêtise est présente mais elle est légère et personne n’en est vraiment fautif. Les drames et les mauvaises actions sont le résultat de mauvais concours de circonstance, rien n’est fondamentalement mauvais ni dans les âmes ni dans les actes. Renoir est saisissant en tant qu’architecte mais sa philosophie penaude tire les ficelles, ne le laissant briller et peser qu’en surface.

Quand à la réception, si le film a connu l’hostilité à sa sortie et fut censuré par le gouvernement français, il est acclamé dès sa ressortie à la Mostra de Venise en 1959. Il retrouve sa version originelle et est décrété modèle de perfection formelle, présenté systématiquement dans les écoles de cinéma et devenant une sorte de totem des professionnels. Bergman est l’un des seuls à le déprécier.

Note globale 69

Page Allocine & IMDB  + Zoga sur SC

Suggestions… L’Atalante + Jeux interdits + Le charme discret de la bourgeoisie  

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